Secrétariat généra : Bienvenue dans le coeur du pays

Secrétariat généra : Bienvenue dans le coeur du pays

Ce service est la clé de voûte du fonctionnement de l’Etat.

A la seule lecture des missions confiées au secrétariat général de la présidence de la République (Sgpr), on se rend bien compte de la place centrale qu’occupent ce service et son patron auprès du chef de l’Etat. Ainsi, le décret N°2011/412 du 09 décembre 2011 portant réorganisation de la Présidence de la République stipule : «le secrétariat général est dirigé par un secrétaire général assisté de deux (02) secrétaires généraux adjoints. Il est chargé des relations entre la présidence de la République et le gouvernement. Il assure, en outre, la liaison entre l’exécutif et les différentes institutions républicaines, notamment l’Assemblée nationale, le Sénat, le Conseil constitutionnel, la Cour suprême, le Conseil économique et social et le Contrôle supérieur de l’Etat ». On remarquera une évolution à ce niveau relativement au décret du 22 octobre 2008, qui indiquait, en plus, que «le secrétariat général est chargé d'assister le président de la République dans l'organisation du travail gouvernemental »

Cependant, dans le détail, le travail et le pouvoir du Sg de la Présidence restent et demeurent aussi titanesques que délicats. Il est chargé, entre autres missions, de recevoir du président de la République toutes directives relatives à la définition de la politique de la Nation, exécuter des décisions prises par le président de la République, coordonner l'action des administrations rattachées à la présidence de la République, instruire les dossiers que lui confie le président de la République et suivre l'exécution des instructions données.
Le Sgpr a également pour attributions de soumettre à la signature du président de la République les projets d'actes de toute nature émanent soit des Services du Premier ministre, soit des administrations rattachées à la présidence de la République, assurer la mise en forme, en liaison avec le secrétaire général des services du Pm ou des ministres concernés, des projets de loi à soumettre au Parlement, assurer la préparation des correspondances présidentielles relatives au dépôt des projets de loi sur les bureaux de l'Assemblée nationale et du Sénat, du Conseil économique et social en ce qui concerne les demandes d'avis ou d'étude sur des projets de textes à caractère économique et social, ainsi que du Contrôle supérieur de l'État.

Le Sg de la Présidence, qui est par ailleurs, au nom d’une règle non écrite, président du Conseil d’administration de la Société nationale des hydrocarbures (Snh), veille aussi à la réalisation des programmes d'action approuvés par le président de la République et impartis aux chefs de départements ministériels et aux services relevant de la présidence de la République, préparer les conseils ministériels, en liaison avec le Secrétaire général des services du Pm, les conseils restreints, les conseils et commissions présidées par le président de la République, assurer l'enregistrement des actes réglementaires signés et des lois promulguées par le président de la République, ainsi que leur publication au Journal officiel, assurer la tenue et la conservation des archives législatives et réglementaires, exercer le rôle de conseil juridique de la présidence de la République et des administrations rattachées. Dans l’exercice de ses attributions, le secrétaire général reçoit une délégation de signature.

Urgences
De par l’épaisseur et l’acuité des missions confiées au Sgpr, d’aucuns pensent que le titulaire du poste est, au moins, un «vice-Dieu» dans le système camerounais. Est ce d’ailleurs un hasard ou une simple fantaisie si l’artiste Petit Pays désignait Laurent Esso (l’ancien ministre d’Etat, Sgpr) comme «le coeur du pays» ? En tout cas, dans son livre intitulé «Lettres d’ailleurs : dévoilements préliminaires d’une prise de l’«Epervier» du Cameroun», dont la présentation a eu lieu le 27 décembre dernier, Jean-Marie Atangana Mebara (Sgpr de 2002 à 2006) décrit quelques grandeurs et misères de cette fonction.
«… A titre personnel, je dois dire que ce fut un grand privilège de suivre aux côtés du chef de l’Etat la gestion par le Cameroun de la crise de l’Irak au niveau du Conseil de sécurité de l’Onu en 2003 (…). C’est aussi avec beaucoup de satisfaction que j’ai été associé par le président de la République à la gestion de la phase finale des négociations avec le Nigeria, qui ont abouti à l’accord de Greentree au sujet de la péninsule de Bakassi. Par-dessus tout, je garde un souvenir ému du rôle qui m’a été attribué dans le cadre de l’élection présidentielle de 2004. De même, j’ai eu le privilège d’être associé par le président de la République à la formation du gouvernement», indique Atangana Mebara.

L’ancien «vice-Dieu» ajoute cependant que «…je suis persuadé aujourd’hui que la haine que certains m’ont voué jusqu’à ce jour date de cet épisode du gouvernement formé en 2004. Quelques-uns de mes adversaires ou ennemis politiques ont estimé que le président de la République m’avait trop fait confiance pour la campagne électorale et pour la formation de ce gouvernement, ils en ont conclu, sans autre élément, que ledit Président me préparait vraisemblablement pour sa succession». Question tout de même : le miel du pouvoir dont dispose le Sgpr auprès du Prince aurait-il poussé certaines personnalités ayant occupé ce poste à prendre des libertés, à se sentir un destin national… et à se retrouver dans les geôles aujourd’hui ? Certains analystes valident ce qui n’est qu’une hypothèse. Comme l’indique le décret signalé plus haut, dans la conduite des tâches du secrétariat général de la Présidence, le Sg s’occupe généralement de l’administration, le secrétaire général adjoint N°1 s’occupe du segment lié aux renseignements généraux pendant que le secrétaire général adjoint N°2 est le conseiller du président dans un domaine précis : économie, diplomatie, etc.

Les conseillers techniques, les attachés et chargés de missions, qui sont, selon «l’organigramme informel», autant de pendants des ministres, sont également des acteurs à part entière au Secrétariat général. Sauf que «les goulots d’étranglement dans la gestion des affaires publiques proviennent très souvent des conseillers, attachés et chargés de missions qui font et défont les carrières, orientent les dossiers, parfois à coup de marchandages et trafics d’influence. Le chef de l’Etat n’agissant généralement que sur la base des notes et rapports, vous pouvez imaginer l’influence de ces derniers sur la décision finale», indique un habitué des allées de la Présidence.
Mais la réputation de «cimetière de dossiers» qui colle au Secrétariat général de la Présidence tiendrait plus à cette formule jugée «arrogante», qui est prêtée à un ancien haut responsable de la maison: «les urgences, c’est à l’hôpital». Une autre haute personnalité du sérail se serait fait remarquer par cette interrogation à chaque fois qu’on lui soumettait un dossier urgent : «qu’est-ce qui urge?».

Ressources humaines
Du reste, parmi les services internes présumés influents du secrétariat général de la présidence de la République, l’on signale également l’observatoire des ressources humaines, la direction des affaires générales et surtout la direction du courrier présidentiel. Si le 3e service cité a la possibilité de filtrer les correspondances adressées au Prince, le premier jouerait un rôle important dans la détermination et le choix des profils à des postes importants de l’Etat. Mais le principal élément qui complexifie le travail du secrétaire général de la Présidence serait le chef de l’Etat himself, à en croire d’anciens collaborateurs de ce dernier. «On lui dit bouge, il ne bouge pas», lançait encore il y a quelque temps, Titus Edzoa, ex Sgpr, du fond de sa prison, en souvenir de son passage au Secrétariat général.

Un autre ancien Sgpr estime que Paul Biya peut être, paradoxalement, à la fois un élément catalyseur et un facteur d’inertie dans le traitement des dossiers. «Le caractère souvent contradictoire, déroutant et imprévisible de ses instructions finissent par momifier le Sgpr, qui dans bien de cas, finit par se morfondre dans l’inaction, en attendant les instructions de la très haute hiérarchie», note un ancien employé de la Présidence.
Notons que de par sa position stratégique au coeur de l’Etat et certainement de la qualité des ressources humaines qui y exercent, le secrétariat général de la Présidence est depuis quelques années (avec le secrétariat des services du Premier ministre) l’une des principales administrations pourvoyeuses de ministres au Cameroun.

Georges Alain Boyomo



24/01/2012
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