SDF et RDPC : Soupçons de deals politiques
La collusion avec le pouvoir et l’enrichissement supposé de John Fru Ndi sont à l’origine de nombreuses frustrations.
La sortie publique de l’ex-secrétaire général du Social Democratic Front [1994-2005], Tazoacha Asonganyi, le 27 septembre 2005, au siège de ce parti à Yaoundé, a presque provoqué un tsunami. En déclarant, juste avant de démissionner de son poste, que des rumeurs de plus en plus persistantes indiquent qu’il y aurait une collusion entre des responsables de son parti et le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), parti au pouvoir. Ces rumeurs, disait-il, soutenaient que ses camarades de parti recevaient du Rdpc des fonds occultes considérables.
Aucune autre précision, puisque l’orateur s’empressait d’ajouter : « La vérité de ces rumeurs m’échappe complètement. En tout état de cause, cela me semble avoir gravement compromis l’efficacité du Sdf et de l’opposition ». La rumeur ne cesse d’enfler. Puisque dans un courriel en date du 4 octobre 2005, une Ong londonienne dénommée Africa Confidential évalue la fortune de John Fru Ndi à 64 milliards de Fcfa. Les biens du Chairman, selon Africa Confidential, sont constitués de dépôts dans des banques anglaises. Il y a également des propriétés aux Etats-Unis d’Amérique et des boutiques en Allemagne. Des révélations renversantes, notamment quand ladite Ong déclare, péremptoirement: « Plus de 70% de l’argent du Chairman provient de ses deals politiques avec le chef de l’Etat camerounais en fonction ».
Le journal The Post s’était fait l’écho de ces révélations. En réaction, John Fru Ndi a réfuté en bloc toutes ces accusations. Il a en plus nié ne disposer du moindre compte bancaire en Grande-Bretagne. « Ces gens connaissaient-ils ma force de frappe, avant que je ne m’engage en politique ? Je n’ai pas embrassé la politique avec la vision d’amasser une fortune. Si c’était le cas, j’aurais cherché à devenir député ou maire pour gagner des contrats pouvant m’enrichir », ironise M. Fru Ndi. Le Chairman mettait même au défi ses détracteurs de livrer tous les détails sur son patrimoine immobilier. A la même occasion, il accusait ses adversaires de fabriquer ces informations « ridicules » dans le but de le discréditer.
Moins de deux semaines après, le document dit « explosif », attribué à Africa Confidential se trouvait être de l’intox. On a failli tomber à la renverse. Ce qui n’était pas le cas en avril 2005, lorsque Rose Ndi, le seconde épouse du Chairman décédait. Au cours de ses obsèques, organisées le 6 mai de la même année, des responsables du Sdf saluaient le geste du gouvernement de la République, lequel aura contribué à hauteur d’une trentaine de millions de Fcfa, depuis que Rose Ndi s’était écroulée en plein service, alors qu’elle recevait les leaders de femmes socialistes à Yaoundé. Elle s’en était allée, après une évacuation sanitaire en Suisse. Les militants du Sdf de la province du Royaume-Uni, en avaient fait un problème, en « dénonçant des négociations nocturnes entre certains cadres du parti et le gouvernement Rdpc ».
Le groupe de Londres exigeait la mise sur pied d’une commission d’enquête, avec pour compétence de « faire la lumière et informer le peuple camerounais sur les conditions d’octroi des fonds au Chairman par le Rdpc pour l’évacuation de son épouse en Suisse ». Non sans demander de «clarifier les raisons, les motivations qui ont permis à l’ambassade du Cameroun à Genève de mettre à la disposition du Chairman lors des obsèques de son épouse à Genève, une voiture du corps diplomatique, avec chauffeur et garde du corps, et ceci alors qu’il n’est ni membre du corps diplomatique, ni membre du gouvernement, ni parlementaire ni même fonctionnaire de la République». On n’en saura pas davantage.
Toujours est-il qu’en décembre 2010, Paul Biya reçoit John Fru Ndi pour la première fois à Bamenda, en marge du cinquantenaire des forces armées. Une rencontre qui a accentué des suspicions dans les rangs du Sdf. Tout comme la présentation des vœux au chef de l’Etat, quelques semaines plus tard au Palais de l’unité, et la présence de John Fru Ndi au comice agropastoral de janvier 2011, ont contribué à diviser l’opinion et à couvrir de doute la probité de certains cadres du Sdf.