SCB-Cameroun: Le DG dans l'étau des réseaux tribaux

Yaoundé, 12 Février 2013
© François Owona | La Nouvelle

La mort, le 15 décembre dernier, de Henri Mekongo, emblématique Délégué du personnel et syndicaliste, est intervenue dans un contexte de guerre larvée entre la Direction Générale marocaine et ses affidés d'une part, les Délégués du personnel et la très grande majorité du personnel de l'autre. Le tout dans un climat social tendu et un environnement de travail pollué. Enquête.

Le 1er juillet 2011, lorsque les Marocains du groupe Attijariwafa reprennent la Scb Crédit Agricole, anciennement Scb-Crédit Lyonnais, c'est le soulagement chez les employés. En effet indiquent nos sources généralement très bien informées, la gestion du groupe français Crédit Lyonnais a été marquée par de grossières injustices dans la gestion des carrières des employés camerounais. Les «promotions-canapé» avaient abouti à des résultats stupéfiants: de jeunes filles recrutées avec des Cap et des Bepc se retrouvaient cadres en moins de 5 ans. La banque avait plus de cadres que d'agents de maîtrise et d'agents d'exécution.

Autre forme de promotion: l'appartenance à une des sectes en vogue dans la banque, la plus prisée étant la franc-maçonnerie. Presque tous les expatriés français en faisaient partie. C'est donc eux, indiquent certains observateurs qui avaient recruté les responsables camerounais des ressources humaines.

Curieusement, les responsables de la Direction des ressources humaines ou du capital humain comme on le nomme à la Scb-Ci sont issus d'un clan tribal originaire du Nkam mais qui a des ramifications dans le département de la Sanaga Maritime et le Nyong et Kellé. La promotion se fait donc en fonction de l'appartenance à ce clan tribal et surtout à la franc-maçonnerie. Les critères de promotion ne sont plus l'assiduité au travail, le mérite ou la compétence, mais plutôt l'appartenance à un clan tribal ou à une secte. Ceux qui refusent de se soumettre aux injonctions du clan sont marginalisés et même terrorisés, s'entend-on dire: Ceci est aussi vrai, commente-t-on abondamment pour les cadres et les employés camerounais que pour les cadres français. C'est dans ce contexte que Fournier, le Dg, est rappelé à Paris; après seulement 2 ans de présence au Cameroun. Dans certains réseaux mafieux, on lui reproche d'avoir voulu lorgné dans les carrières des agents dont certains avaient falsifié les âges. Un certain Sassier, Directeur comptable, a connu le même sort que son Dg et pour les mêmes raisons. Un certain clan veille au grain.


Gestion marocaine

A l'arrivée des Marocains, presque tous les postes stratégiques étaient occupés par le ressortissants du même clan ethnique: le secrétariat général, la direction informatique, le contrôle permanent, le département microinformatique, la direction qualité/logistique, le département monétique, les achats et dépenses etc.... Inutile de dire que cette situation n'a pas échappé aux Marocains qui ont observé la Scb pendant 18 mois, avant de se porter acquéreurs.

Mais à la surprise générale, les Marocains ont laissé le capital humain et les ressources humaines entre les mains du même clan et de la même secte. Sans doute pensaient-ils qu'entre eux les Camerounais, ils sauront trouver un terrain d'entente. Les Délégués du personnel avec à leur tête Henri Mekongo décidèrent donc d'informer Jamal, le Dg, sur la situation jugée de grossièrement injuste que vivent les employés de la banque. Le refus du dialogue fut net. Jamal, moulé à l'école marocaine de la féodalité et de la soumission ne semble évidemment connaître les vertus du dialogue social. Et la preuve? Selon nos sources, en 18 mois de présence au Cameroun, la Scb-Cameroun a essuyé 2 menaces de grève. A chaque fois, il a fallu l'intervention soit du Ministre des Finances, soit du Ministre du Travail, pour désamorcer la bombe.

Curieusement, Jamal et son équipe s'étonnent qu'il y ait des lois au Cameroun qui protègent les travailleurs et leurs représentants syndicaux. A la suite du dernier préavis de grève, certaines indiscrétions font état de ce que les Délégués du personnel ont fait l'objet d'affectations punitives en totale violation de la loi. L'argument évoqué par la direction marocaine est toujours la même: «depuis 18 mois, les salaires à la Scb-Cameroun ont augmenté de 10% en moyenne, ce qui situe la Scb-Cameroun dans le peloton de fête des banques en matière salariale; 50 camerounais ont été recrutés, le réseau s'est densifié».

Pour certains observateurs, tout cela est vrai et il convient de donner un satisfecit à la direction marocaine pour cette politique. Mais seulement pour réussir son challenge ces observateurs estiment que la direction marocaine devrait aussi veiller à ce que la gestion des ressources humaines soit juste et efficiente. Sur les 50 derniers recrutements par exemple, certaines sources indiquent qu'au moins 60% sont des ressortissants du même groupe ethnique qui rend la vie dure aux autres ethnies. Avec une telle gestion des ressources humaines, certains analystes s'inquiètent de l'avenir de la Sbc-Cameroun qui est passé de la 1ère banque au début des années 1980 à la 5ème aujourd’hui. Et ce n'est pas la prolongation de 2 ans de sa présence au sein de la banque que le patron capital humain vient d'obtenir de Jamal qui rassure les employés de la Scb-Cameroun.

De graves problèmes doivent être pourtant résolus. On parle en petits comités de feu Dr Eboko, Médecin de travail qui s'était inquiété à plusieurs reprises du nombre élevé de cancers dans la gent féminine de la Sbc-Crédit Lyonnais. Pour lui, l'explication pourrait se trouver dans le stress que subissent ces femmes dans leur travail. Il y a 2 ans se souviennent nos analystes, Henriette Ekwe avait publiquement accusé le capital humain et les ressources humaines de la Scb d'avoir provoqué la mort subite de sa sœur Marie-Madeleine Ngallé, Cadre de banque, humiliée à 2 ans de sa retraite. Avec l'arrivée des Marocains, le clan a repris de la vigueur. Et avec le départ à la retraite de Rose Ndzié et le décès d’Henri Mekongo, deux ténors de la délégation du personnel qui ont ébranlé la direction générale de la Scb-Crédit Lyonnais, le clan a repris le poil de la bête et profite du laxisme du Dg Jamal pour régler ses comptes à tous ceux qui refusent l'esclavagisme qui s'installe à la Scb-Cameroun. L'on évoque le cas des agents démissionnaires ou retraités qui ont les pires difficultés pour entrer en possession de leurs droits. C'est souvent le tribunal qui déciderait de faire payer les droits à ces travailleurs. Une réaction vigoureuse de la direction générale est attendue si l'on ne veut pas voir la banque dégringoler.


14/02/2013
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