Scandale: Paul Biya et les 12 Milliards de fonds secrets de la Presidentielle 2011
YAOUNDE - 06 AOUT 2012
© GUIBAI GATAMA | L'Oeil du Sahel
Le déblocage des fonds, en liquide, a été décidé en pleine campagne électorale par Paul Biya.
© GUIBAI GATAMA | L'Oeil du Sahel
Le déblocage des fonds, en liquide, a été décidé en pleine campagne électorale par Paul Biya.
L'élection présidentielle du 09
octobre 2011, qui a consacré la large victoire du candidat-Président
Paul Biya, est finalement loin d'avoir livré tous ses secrets. Une
correspondance adressée le 26 septembre 2011 par le secrétaire général
des services du Premier ministre d'alors, Jules Doret Ndongo, au
ministre des Finances, Essimi Menye, et dont votre journal a pris
connaissance, lève une partie du voile sur le verrouillage de la
réélection du candidat-Président.
«Dans le cadre de l'élection présidentielle de 2011, le Premier ministre me charge de vous faire savoir que le président de la République a marqué son Haut Accord pour la mise à disposition du Premier ministre et du Conseil Electoral de Elections Cameroon, des sommes de 200.000.000 (Deux cent millions) FCFA et 300.000.000 de francs (Trois cent millions de francs FCFA), respectivement. Par ailleurs, suite aux conclusions de la réunion qu'il a présidée ce jour, 26 septembre 2011, le chef du Gouvernement me charge de vous demander de bien vouloir mettre à disposition, les sommes ci-après: Minatd (608.700.000 FCFA), Mindef (3.500.000.000 Fcfa), DGSN (3.307.000.000 Fcfa), Elecam (3.000.000.000 Fcfa), Cour suprême (1.155.753.375 Fcfa)», peut-on lire dans ce «précieux ordre à payer» dont l'objet est: «Préparation de l'élection présidentielle de 2011».
Le ministre des Finances ne s'est pas fait prier pour exécuter rapidement l'instruction du candidat-Président d'alors. Entre le 26 septembre et le 02 octobre 2011, les heureux bénéficiaires de cette dotation spéciale sont passés à la caisse via des «billeteurs» préalablement désignés. Ceux-ci ont perçu en espèces, au total, la rondelette somme de 12.071.453.375 Fcfa (douze milliards soixante-onze millions quatre cent cinquante-trois mille trois cent soixante-quinze mille francs Fcfa)!
Interrogations
Le déblocage de ces fonds soulève des questions. En plus de la grosseur de l'enveloppe, la dépense est ordonnée et exécutée en pleine campagne électorale par un candidat, fut-il toujours président de la République, à l'Insu de ses concurrents. Elle soulève donc un problème moral car l'élection présidentielle était un rendez-vous connu à l'avance, son organisation était inscrite et explicitement détaillée dans le budget de l'exercice 2011 de l'Etat.
Certes des ajustements pouvaient survenir, ils sont encadrés, mais la sortie d'une cagnotte aussi épaisse des caisses publiques pour colmater des brèches détectées ici et là alors même que la campagne avait été déjà lancée, peut paraître, à bien des égards, suspecte. Sauf à considérer que tous les acteurs impliqués dans le processus électoral avaient fait preuve, en même temps, et comme par hasard, d'irresponsabilités criardes. A défaut de reconnaître que l'organisation de l'élection présidentielle n'était pas au point, treize jours avant le jour fatidique...
Elections Cameroon (Elecam) par exemple s'est vu attribuer 3.000.000.000 FCFA pour accompagner l'organisation d'une élection prévue treize jours plus tard alors même que le budget 2011 lui avait concédé, en prenant en compte cette échéance, 11.000.000.000 Fcfa... Quels sont donc ces besoins de dernières minutes qui valaient tant de milliards FCFA? Elecam n'a pas voulu répondre à cette préoccupation.
La Délégation générale à la Sûreté nationale et le ministère de la Défense ont reçu respectivement 3.307.000.000 FCFA et 3.500.000.000 Fcfa. Que devaient-ils rattraper qui n'ait été prévu dans le budget 2011? Au ministère des Finances, l'on indique que ces deux administrations sont coutumières du fait. A la veille d'échéances majeures, elles recevraient régulièrement des décaissements spéciaux, dit-on, pour galvaniser le moral des troupes.
Si la pratique est donc connue, pourquoi ne l'avoir pas budgétisée afin que tous les acteurs politiques puissent en être informés? Car s'il s'agissait bien de sécuriser le processus politique, n'était-il pas au bénéfice de tous les citoyens? Bien évidemment, au ministère de la Défense comme à la Délégation générale à la sûreté nationale, c'est le black-out total sur l'usage de ces fonds. Curiosité: aussi bien les proches collaborateurs de Alain Edgar Mebe Ngo’o que de Martin Mbarga Nguélé ignorent tout du montant débloqué. Quant à l'usage...
Le ministère de l'Administration territoriale et de la décentralisation a perçu 608.700.000 Fcfa. Ce département ministériel a justifié cette dotation spéciale par l'incapacité d'Etections Cameroon à organiser parfaitement l'élection présidentielle. Le Minatd, quelques jours avant la présidentielle, avait été appelé à la rescousse pour mettre à contribution ses ressources humaines et matérielles pour l'organisation de ladite élection, notamment la distribution des bulletins de vote et du matériel électoral, alors que cette mission lui ayant préalablement été retirée avec la mise sur pied d'Elecam, aucune rubrique n'avait été inscrite dans son budget pour supporter cette dépense.
Incongruité
L'autre incongruité de cette dépense spéciale de «dernière heure» reste tout de même ces autres curieux bénéficiaires que sont la Primature, le Conseil Electoral et... la Cour suprême. La Primature a encaissé 200.000.000 Fcfa. Quel était son rôle dans le processus électoral pour se voir gratifier d'un tel pactole? Une source introduite a indiqué que l'argent a servi en grande partie à financer la tournée électorale du Premier ministre Yang Philémon en sa qualité de directeur de campagne du candidat-Président Paul Biya.
Le Conseil Electoral, instance composée de 17 membres après le renvoi de Mme Pauline Biyong a reçu pour sa part 300.000.000 Fcfa comme déjà mentionné plus haut. Pourquoi avoir dissocié Elecam qui a reçu 3.000.000.000 Fcfa de son Conseil Electoral alors qu'ils ne sont qu'une et même entité budgétaire? Mystère. Unique certitude: en dehors de son président Samuel Fonkam Azu'u, aucun autre membre du conseil n'a été informé de ce décaissement. Pis, lors de sa dernière session tenue le 18 septembre 2011 à Yaoundé, Samuel Fonkam Azu'u ignorait tout du «coup de pouce» qui devait lui être gracieusement octroyé. Et pour cause: le Conseil électoral carburait avec la cagnotte inscrite au budget d'Elecam et n'avait sollicité, pour sa part, aucun appui direct.
Une fois l'élection passée, et alors même qu'il avait généreusement encaissé les 300.000.000 FCFA, Samuel Fonkam Azu'u n'a fait part à personne de la «bonne nouvelle». Les membres du Conseil Electoral ont-ils toutefois profité de cet argent? Oui. «J'ai perçu environ 7.500.000 Fcfa après l'élection présidentielle. Je l'ai déchargé sans la moindre explication. J’ai considéré cela comme une prime», confirme un membre du Conseil Electoral.
Que dire alors de la Cour suprême, arbitre central du processus électoral, qui a encaissé 1.155.753.375 FCFA? Etait-ce pour financer les travaux de la Commission nationale de recensement général des votes (CNRGV)? Impossible, son mécanisme de financement étant déjà inscrit dans son budget de fonctionnement de 2011 qui se chiffrait à 3.376.000.000 Fcfa. Etait-ce pour financer le contentieux électoral? Là encore, le budget de fonctionnement 2011 avait prévu toutes ces dépenses...
Contrôle
Cette dotation spéciale de 12.071.453.375 FCFA peut-elle faire tout de même l'objet d'un contrôle? Bien qu'elle soit hors budget, les bénéficiaires devraient en principe, rendre compte de son utilisation sur la base du compte d'emploi préalablement soumis à l'autorité compétente et qui aurait dû sous-tendre la décision du ministre des Finances débloquant les fonds qui n'en sont pas moins des fonds publics. Sauf que dans ce cas précis, la Primature comme le Conseil Electoral et bien d'autres administrations n'ont soumis aucun besoin dûment répertorié. Difficile donc de procéder aux contrôles sauf à se contenter des décharges...
Autre blocage à tout contrôle: la qualité de certaines administrations impliquées dans cette affaire. Qui oserait s'aventurer pour s'assurer de la régularité de la dépense des fonds hors budget au ministère de la Défense ou à la Délégation générale à la Sûreté nationale, domaine par excellence de souveraineté? Idem pour la Cour suprême. Toutefois, gare aux péripéties politiques! Depuis quelques semaines, la gestion de la dotation spéciale accordée au ministère de l'Administration territoriale et de la décentralisation est minutieusement épluchée. Une discrète mission séjourne même dans les régions pour traquer la moindre faille dans la gestion, par Marafa Hamidou Yaya, de la cagnotte de 608.700.000 Fcfa octroyée à ce département ministériel. Jusqu’ici, rien à se mettre sous la dent.
Dans les autres administrations, nul doute que ces révélations vont créer bien de frictions quand certains malins vont sortir la calculette. Il s'agira de connaître si le «chef», n'a pas retenu à des fins-personnelles la plus grosse part du «magot». Si jamais il en avait déclaré l'existence.
«Dans le cadre de l'élection présidentielle de 2011, le Premier ministre me charge de vous faire savoir que le président de la République a marqué son Haut Accord pour la mise à disposition du Premier ministre et du Conseil Electoral de Elections Cameroon, des sommes de 200.000.000 (Deux cent millions) FCFA et 300.000.000 de francs (Trois cent millions de francs FCFA), respectivement. Par ailleurs, suite aux conclusions de la réunion qu'il a présidée ce jour, 26 septembre 2011, le chef du Gouvernement me charge de vous demander de bien vouloir mettre à disposition, les sommes ci-après: Minatd (608.700.000 FCFA), Mindef (3.500.000.000 Fcfa), DGSN (3.307.000.000 Fcfa), Elecam (3.000.000.000 Fcfa), Cour suprême (1.155.753.375 Fcfa)», peut-on lire dans ce «précieux ordre à payer» dont l'objet est: «Préparation de l'élection présidentielle de 2011».
Le ministre des Finances ne s'est pas fait prier pour exécuter rapidement l'instruction du candidat-Président d'alors. Entre le 26 septembre et le 02 octobre 2011, les heureux bénéficiaires de cette dotation spéciale sont passés à la caisse via des «billeteurs» préalablement désignés. Ceux-ci ont perçu en espèces, au total, la rondelette somme de 12.071.453.375 Fcfa (douze milliards soixante-onze millions quatre cent cinquante-trois mille trois cent soixante-quinze mille francs Fcfa)!
Interrogations
Le déblocage de ces fonds soulève des questions. En plus de la grosseur de l'enveloppe, la dépense est ordonnée et exécutée en pleine campagne électorale par un candidat, fut-il toujours président de la République, à l'Insu de ses concurrents. Elle soulève donc un problème moral car l'élection présidentielle était un rendez-vous connu à l'avance, son organisation était inscrite et explicitement détaillée dans le budget de l'exercice 2011 de l'Etat.
Certes des ajustements pouvaient survenir, ils sont encadrés, mais la sortie d'une cagnotte aussi épaisse des caisses publiques pour colmater des brèches détectées ici et là alors même que la campagne avait été déjà lancée, peut paraître, à bien des égards, suspecte. Sauf à considérer que tous les acteurs impliqués dans le processus électoral avaient fait preuve, en même temps, et comme par hasard, d'irresponsabilités criardes. A défaut de reconnaître que l'organisation de l'élection présidentielle n'était pas au point, treize jours avant le jour fatidique...
Elections Cameroon (Elecam) par exemple s'est vu attribuer 3.000.000.000 FCFA pour accompagner l'organisation d'une élection prévue treize jours plus tard alors même que le budget 2011 lui avait concédé, en prenant en compte cette échéance, 11.000.000.000 Fcfa... Quels sont donc ces besoins de dernières minutes qui valaient tant de milliards FCFA? Elecam n'a pas voulu répondre à cette préoccupation.
La Délégation générale à la Sûreté nationale et le ministère de la Défense ont reçu respectivement 3.307.000.000 FCFA et 3.500.000.000 Fcfa. Que devaient-ils rattraper qui n'ait été prévu dans le budget 2011? Au ministère des Finances, l'on indique que ces deux administrations sont coutumières du fait. A la veille d'échéances majeures, elles recevraient régulièrement des décaissements spéciaux, dit-on, pour galvaniser le moral des troupes.
Si la pratique est donc connue, pourquoi ne l'avoir pas budgétisée afin que tous les acteurs politiques puissent en être informés? Car s'il s'agissait bien de sécuriser le processus politique, n'était-il pas au bénéfice de tous les citoyens? Bien évidemment, au ministère de la Défense comme à la Délégation générale à la sûreté nationale, c'est le black-out total sur l'usage de ces fonds. Curiosité: aussi bien les proches collaborateurs de Alain Edgar Mebe Ngo’o que de Martin Mbarga Nguélé ignorent tout du montant débloqué. Quant à l'usage...
Le ministère de l'Administration territoriale et de la décentralisation a perçu 608.700.000 Fcfa. Ce département ministériel a justifié cette dotation spéciale par l'incapacité d'Etections Cameroon à organiser parfaitement l'élection présidentielle. Le Minatd, quelques jours avant la présidentielle, avait été appelé à la rescousse pour mettre à contribution ses ressources humaines et matérielles pour l'organisation de ladite élection, notamment la distribution des bulletins de vote et du matériel électoral, alors que cette mission lui ayant préalablement été retirée avec la mise sur pied d'Elecam, aucune rubrique n'avait été inscrite dans son budget pour supporter cette dépense.
Incongruité
L'autre incongruité de cette dépense spéciale de «dernière heure» reste tout de même ces autres curieux bénéficiaires que sont la Primature, le Conseil Electoral et... la Cour suprême. La Primature a encaissé 200.000.000 Fcfa. Quel était son rôle dans le processus électoral pour se voir gratifier d'un tel pactole? Une source introduite a indiqué que l'argent a servi en grande partie à financer la tournée électorale du Premier ministre Yang Philémon en sa qualité de directeur de campagne du candidat-Président Paul Biya.
Le Conseil Electoral, instance composée de 17 membres après le renvoi de Mme Pauline Biyong a reçu pour sa part 300.000.000 Fcfa comme déjà mentionné plus haut. Pourquoi avoir dissocié Elecam qui a reçu 3.000.000.000 Fcfa de son Conseil Electoral alors qu'ils ne sont qu'une et même entité budgétaire? Mystère. Unique certitude: en dehors de son président Samuel Fonkam Azu'u, aucun autre membre du conseil n'a été informé de ce décaissement. Pis, lors de sa dernière session tenue le 18 septembre 2011 à Yaoundé, Samuel Fonkam Azu'u ignorait tout du «coup de pouce» qui devait lui être gracieusement octroyé. Et pour cause: le Conseil électoral carburait avec la cagnotte inscrite au budget d'Elecam et n'avait sollicité, pour sa part, aucun appui direct.
Une fois l'élection passée, et alors même qu'il avait généreusement encaissé les 300.000.000 FCFA, Samuel Fonkam Azu'u n'a fait part à personne de la «bonne nouvelle». Les membres du Conseil Electoral ont-ils toutefois profité de cet argent? Oui. «J'ai perçu environ 7.500.000 Fcfa après l'élection présidentielle. Je l'ai déchargé sans la moindre explication. J’ai considéré cela comme une prime», confirme un membre du Conseil Electoral.
Que dire alors de la Cour suprême, arbitre central du processus électoral, qui a encaissé 1.155.753.375 FCFA? Etait-ce pour financer les travaux de la Commission nationale de recensement général des votes (CNRGV)? Impossible, son mécanisme de financement étant déjà inscrit dans son budget de fonctionnement de 2011 qui se chiffrait à 3.376.000.000 Fcfa. Etait-ce pour financer le contentieux électoral? Là encore, le budget de fonctionnement 2011 avait prévu toutes ces dépenses...
Contrôle
Cette dotation spéciale de 12.071.453.375 FCFA peut-elle faire tout de même l'objet d'un contrôle? Bien qu'elle soit hors budget, les bénéficiaires devraient en principe, rendre compte de son utilisation sur la base du compte d'emploi préalablement soumis à l'autorité compétente et qui aurait dû sous-tendre la décision du ministre des Finances débloquant les fonds qui n'en sont pas moins des fonds publics. Sauf que dans ce cas précis, la Primature comme le Conseil Electoral et bien d'autres administrations n'ont soumis aucun besoin dûment répertorié. Difficile donc de procéder aux contrôles sauf à se contenter des décharges...
Autre blocage à tout contrôle: la qualité de certaines administrations impliquées dans cette affaire. Qui oserait s'aventurer pour s'assurer de la régularité de la dépense des fonds hors budget au ministère de la Défense ou à la Délégation générale à la Sûreté nationale, domaine par excellence de souveraineté? Idem pour la Cour suprême. Toutefois, gare aux péripéties politiques! Depuis quelques semaines, la gestion de la dotation spéciale accordée au ministère de l'Administration territoriale et de la décentralisation est minutieusement épluchée. Une discrète mission séjourne même dans les régions pour traquer la moindre faille dans la gestion, par Marafa Hamidou Yaya, de la cagnotte de 608.700.000 Fcfa octroyée à ce département ministériel. Jusqu’ici, rien à se mettre sous la dent.
Dans les autres administrations, nul doute que ces révélations vont créer bien de frictions quand certains malins vont sortir la calculette. Il s'agira de connaître si le «chef», n'a pas retenu à des fins-personnelles la plus grosse part du «magot». Si jamais il en avait déclaré l'existence.