Route Ayos-Bonis : Messengue Avom pour une commission d’enquête parlementaire
Le ministre des Travaux publics se dit prêt à assumer sa part de responsabilité.
La
nuit de mardi à mercredi n’a pas été de tout repos pour les députés et
les membres du gouvernement. En effet, de 17h mardi à 7h30 mercredi
matin, la plénière d’adoption de la loi des finances 2012 a donné lieu à
un feu nourri de questions des parlementaires aux ministres qui,
contrairement aux plénières consacrées aux questions orales, n’ont pas
eu la possibilité de préparer les réponses longtemps à l’avance. Comme
de bien entendu, le rapport de la Commission nationale anti-corruption
(Conac), qui indexe le ministre des Travaux publics (Mintp), Bernard
Messengue Avom, à propos des détournements présumés sur la route
Ayos-Bonis, n’a pas échappé aux fourches caudines des élus de la nation.
Interpellé sur cette question, Messengue Avom, qui a pris la parole
vers 5h du matin, a indiqué qu’il a respecté les procédures en vigueur
en matière de marchés publics au Cameroun. A l’en croire, les études
pour le bitumage de la route Ayos-Bonis ont été ratées, d’où les
conséquences relevées par la Conac dans son rapport, notamment la
signature d’un marché complémentaire de 15,4 milliards Fcfa. Du reste,
le ministre soutient avoir saisi le Premier ministre pour le lancement
d’un appel d’offres en vue de la désignation d’un cabinet d’audit afin
de tirer cette affaire au clair.
Confrontation
Tout en
mettant en exergue la responsabilité de ces prédécesseurs dans ce
département ministériel, Dieudonné Ambassa Zang et Martin Okouda, au
sujet de l’affaire de la route Ayos-Bonis, le Mintp a déclaré sur la
chaire de l’hémicycle qu’il est prêt à assumer sa part de responsabilité
après confrontation des rapports d’audit du cabinet tunisien (qui sera
bientôt à pied d’oeuvre), des conclusions de la commission d’enquête
parlementaire, qu’il a appelé de tous ses voeux, et du rapport de la
Conac, qu’il récuse toujours. Un engagement qui a recueilli un tonnerre
d’applaudissements parmi les députés.
Rappelons que cette sortie de
Messengue Avom, qualifiée de «courageuse» par plusieurs élus du peuple
au sortir de la plénière, intervient après celle du vice-Premier,
ministre de la Justice, Amadou Ali, qui révélait vendredi dernier au
cours de la séance plénière consacrée aux questions orales des députés
aux membres du gouvernement, que «le président de la République a déjà
saisi la justice pour mener des enquêtes sur les personnes concernées
par le rapport de la Conac (…).Je vous rappelle que ce dossier
concernant la route Ayos-Bonis a été suivi par plusieurs ministres. Ce
n’est pas nécessairement le ministre en poste qui est mis en cause. Mais
les responsabilités des uns et des autres seront connues à l’issue de
l’enquête conduite par les magistrats. Les mis en cause auront
l’occasion de venir se défendre lors des audiences publiques. Vous êtes
sans ignorer qu’en matière d’enquête, les auditions sont tenues
secrètes…».
Jean Nkuété et Luc Ayang dans l’oeil du cyclone
Les
détournements constatés dans la filière maïs après une enquête de la
Conac (postérieure à celle de l’Association camerounaise pour la défense
des intérêts collectifs-Acdic), qui met en cause des fonctionnaires du
ministère de l’Agriculture et du Développement rural (Minader) ont
également été au menu des échanges entre les députés et les membres du
gouvernement dans la nuit de mercredi dernier. Le vice-Premier ministre,
Minader, Jean Nkuété, a ainsi essuyé les critiques d’un député qui a
estimé que, par son silence, ce dernier se rend complice des
détournements décriés dans son département ministériel. «Même le chef de
l’Etat peut témoigner que je suis un bon serviteur. Je n’ai jamais
demandé de l’argent à quelqu’un [contre un service]», a martelé le
vice-Pm pour s’extraire de l’étau des parlementaires. Autre cible des
députés, Luc Ayang, le président du Conseil économique et social. «A
quoi sert ce Conseil qui engloutit chaque année un budget important ?», a
tenu à savoir un parlementaire.
Le ministre des Finances,
Essimi Menye, a estimé, à propos, qu'il ne lui appartient pas de savoir
si le Conseil économique et social est une structure utile ou non. A cet
égard, il entend continuer à doter cette structure d’un budget jusqu'à
ce qu'elle n’existe plus. En rappel, créé par l’article 54 de la
Constitution de 1972, le Conseil économique et social (Ces) était régi
il y a quelques années par la loi du 5 juillet 1986. Durant l’âge d’or
des plans quinquennaux de développement initiés par l’ex-président de la
République, Ahmadou Ahidjo, cette institution était consultée pour des
avis et des études ayant trait aux grands dossiers économiques qui
engageaient le pays. Dès l’abandon de la politique de planification et
l’avènement de pilule des plans d’ajustements structurels, au début des
années 1990, le Ces gît quasiment dans l’inertie. C’est à peine si on
perçoit le rôle de cette structure dirigée depuis 1983 par Luc Ayang,
dans les grandes orientations sociales et économiques du Cameroun.
L’inertie du Ces contraste avec l’épaisseur de son enveloppe budgétaire
au fil des années. Pour le prochain exercice budgétaire, 1 809 000 000
Fcfa ont ainsi été alloués au Ces.
Georges Alain Boyomo