Rouleau Compresseur: Pourquoi M. Marafa ne sera pas libéré
YAOUNDE - 29 AOUT 2012
© Parfait N. Siki | Repères
Même acquitté dans l'actuelle affaire de l'avion présidentiel BBJ-2, l'ancien Minatd ne serait qu'au début d'un rouleau compresseur qui doit le mettre hors d'état de nuire.
Le ton a été donné par les réquisitions du parquet. Dans l'affaire de l'achat manqué de l'avion présidentiel BBJ-2, le ministère public et les avocats de l'Etat du Cameroun ont requis la culpabilité des trois accusés présents devant le tribunal grande instance du Mfoundi, MM. Marafa Hamidou Yaya, Yves Michel Fotso et Mme Julienne Nkounda, et des deux en fuite Jean Louis Chapuis et Jean-Marie Assene Nkou des chefs d'inculpation de détournement en coaction et de complicité de détournement de La somme de 31 millions de dollars. Au bout de près de huit heures, le procureur a tenté de démontrer que l'ancien Minatd et l'ancien Adg de la Camair ont monté un stratagème pour faire débloquer les fonds publics au ministre des Finances, M. Michel Meva'a m'Eboutou, qualifié de fonctionnaire loyal, au bénéfice de GIA International. Des fonds qu'ils se sont partagés à travers des sociétés écran aux noms exotiques que l'accusation a énumérées comme la preuve même d'une machination bien conçue et exécutée avec une cupidité diabolique.
UN PROCÈS-PIÈGE
La position du ministère public et de l'Etat du Cameroun n'est pas une surprise en soi. Au regard des auditions des témoins, des examinations-in-chief et des cross-examinations, les procureurs n'ont pas dévie de leur position de départ et les témoignages et pièces à conviction produits par les accusés au cours du procès n’ont pas retenu leur attention. De fait, M. Marafa Hamidou Yaya voit arriver droit sur lui les dents du rouleau compresseur qui doit le mettre «hors d'état de nuire».
En effet, selon la propre analyse de quelques pontes du pouvoir, la possibilité d'un acquittement de l'ancien Minatd est une éventualité à prendre en compte, au regard du déroulement des auditions et malgré les réquisitions du ministère public, le pensionnaire du SED n'ayant jamais été vraiment mis en difficulté par ses contradicteurs et le lien avec les 31 millions de dollars n'ayant pas été indiscutablement établis.
Dans le sérail, on redoute donc un acquittement de M. Marafa Hamidou Yaya, dont certains hiérarques reconnaissent que l'arrestation a contribué à lui tailler une réputation réellement héroïque et un costume au moins de martyr. «La popularité accumulée au cours de son incarcération et de son procès est telle qu'il devient un vrai problème», confie une grosse huile. «Si virulent et si virevoltant en prison, qu'adviendra-t-il s'il est acquitté et libéré?», s'interroge une autre.
DES FAUCONS AUTOUR DU PRÉSIDENT
En tout état de cause, les faucons qui entourent le président Paul Biya, même s'ils envisagent un acquittement de M. Marafa, mettent la pression sur les juges. Etoudi n'a pas encore digéré l'acquittement de M. Atangana Mebara dans l'affaire Albatros et verrait d'un œil torve que pareille sentence tombe dans l'affaire du BBJ-2. Cela reviendrait à dire qu'au terme des deux tentatives d'achat d'un avion présidentiel en 2001 et 2004, M. Paul Biya n'a ni les milliards dépensés, ni un avion ni un coupable ou responsable. La position du Président est pourtant sans équivoque: «Libérez-les si vous voulez, mais je veux mon argent ou mon avion.»
Au-delà des suites de l'achat d'un aéronef présidentiel, c'est l'avenir politique du pays et la succession de M. Paul Biya qui préoccupent. Et il n'est pas question pour les inspirateurs de la démarche présidentielle que M. Marafa Hamidou Yaya figure dans quelque scénario. A son sujet et à propos de certaines autres proies de l'opération Epervier, M. Paul Biya s'est fait une religion: ils se sont amassés une immense fortune pour satisfaire leur irrépressible envie de pouvoir et leurs étouffantes ambitions. Dans ce registre sont classés, MM. Atangana Mebara, Marafa Hamidou Yaya et Polycarpe Abah Abah. Le chef de l'Etat a fait de leur mise à l'écart du chemin qui mène à Etoudi l'un des derniers combats de son règne. Le niveau d'adversité n'est toutefois pas également réparti, M. Marafa Hamidou Yaya se révélant autrement plus coriace que prévu. Le plan A s'avérant hypothétique, un plan B est déjà envisagé.
LES PLANS B ET C
Sur la table est posée un enveloppe qu'on dit volumineuse et sur laquelle est marqué: vente de la carcasse du Boeing 747 Combi de la Cameroon Airlines, sorti de piste le 5 novembre 2000 à l'aéroport Roissy Charles de Gaulle à Paris en France, pour cause de surcharge et de présence de corps étranger dans le poste de pilotage (selon le rapport du Bureau d'enquêtes et d'analyses). Le 28 février 2012, une plainte contre M. Yves Michel Fotso a été déposée auprès du juge d'instruction du tribunal de Grande instance du Mfoundi par M. Emile Christian Bekolo, le liquidateur de la défunte Camair pour détournement de deniers publics en complicité et en coaction d'une valeur cumulée de plus de 69 milliards de FCFA. Selon la liquidation de la Camair M. Yves Michel Fotso, alors administrateur directeur général de la défunte Camair «avait cédé à Gia International, sans contrepartie pour la Camair, l'épave de son avion Boeing 747-200 Combi, laquelle aurait été, par la suite, vendue à des tiers pour la somme d'environ un milliard de francs CFA». Dans le sérail, on compte montrer que M. Marafa Hamidou Yaya, SG/PR au moment des faits, a partie liée à cette affaire.
Il y a aussi un plan C, logé dans le dossier relatif à la privatisation de la Regifercam (Régie nationale des chemins de fer du Cameroun), entreprise publique concédée en 1999 à un duo franco-sud-africain (Bolloré et Comazar, ce dernier s'étant par la suite retiré). Dans une tribune à Cameroon Tribune, M. Janvier Mvoto Obounou, défenseur du régime et collaborateur au Mincom de M. Issa Tchiroma Bakary, demandait déjà de manière prémonitoire à M. Marafa Hamidou Yaya de rendre compte de la privatisation de cette société. C'est sans doute pour cette raison que l'ancien Minatd est régulièrement présenté par ses pourfendeurs comme proche de M. Vincent Bolloré, le magnat français et concessionnaire de Camrail.
Difficile pour le moment de savoir ce qu'on reprocherait exactement à celui qui était SG/PR à l'époque des faits, pourtant le pouvoir croit tenir des éléments compromettant contre M. Marafa Hamidou Yaya. Ainsi, au moment où démarre la dernière ligne droite de son procès au sujet du BBJ-2, le verdict importe déjà peu. Dans le silence des couloirs du pouvoir se prépare déjà la suite.
© Parfait N. Siki | Repères
Même acquitté dans l'actuelle affaire de l'avion présidentiel BBJ-2, l'ancien Minatd ne serait qu'au début d'un rouleau compresseur qui doit le mettre hors d'état de nuire.
Le ton a été donné par les réquisitions du parquet. Dans l'affaire de l'achat manqué de l'avion présidentiel BBJ-2, le ministère public et les avocats de l'Etat du Cameroun ont requis la culpabilité des trois accusés présents devant le tribunal grande instance du Mfoundi, MM. Marafa Hamidou Yaya, Yves Michel Fotso et Mme Julienne Nkounda, et des deux en fuite Jean Louis Chapuis et Jean-Marie Assene Nkou des chefs d'inculpation de détournement en coaction et de complicité de détournement de La somme de 31 millions de dollars. Au bout de près de huit heures, le procureur a tenté de démontrer que l'ancien Minatd et l'ancien Adg de la Camair ont monté un stratagème pour faire débloquer les fonds publics au ministre des Finances, M. Michel Meva'a m'Eboutou, qualifié de fonctionnaire loyal, au bénéfice de GIA International. Des fonds qu'ils se sont partagés à travers des sociétés écran aux noms exotiques que l'accusation a énumérées comme la preuve même d'une machination bien conçue et exécutée avec une cupidité diabolique.
UN PROCÈS-PIÈGE
La position du ministère public et de l'Etat du Cameroun n'est pas une surprise en soi. Au regard des auditions des témoins, des examinations-in-chief et des cross-examinations, les procureurs n'ont pas dévie de leur position de départ et les témoignages et pièces à conviction produits par les accusés au cours du procès n’ont pas retenu leur attention. De fait, M. Marafa Hamidou Yaya voit arriver droit sur lui les dents du rouleau compresseur qui doit le mettre «hors d'état de nuire».
En effet, selon la propre analyse de quelques pontes du pouvoir, la possibilité d'un acquittement de l'ancien Minatd est une éventualité à prendre en compte, au regard du déroulement des auditions et malgré les réquisitions du ministère public, le pensionnaire du SED n'ayant jamais été vraiment mis en difficulté par ses contradicteurs et le lien avec les 31 millions de dollars n'ayant pas été indiscutablement établis.
Dans le sérail, on redoute donc un acquittement de M. Marafa Hamidou Yaya, dont certains hiérarques reconnaissent que l'arrestation a contribué à lui tailler une réputation réellement héroïque et un costume au moins de martyr. «La popularité accumulée au cours de son incarcération et de son procès est telle qu'il devient un vrai problème», confie une grosse huile. «Si virulent et si virevoltant en prison, qu'adviendra-t-il s'il est acquitté et libéré?», s'interroge une autre.
DES FAUCONS AUTOUR DU PRÉSIDENT
En tout état de cause, les faucons qui entourent le président Paul Biya, même s'ils envisagent un acquittement de M. Marafa, mettent la pression sur les juges. Etoudi n'a pas encore digéré l'acquittement de M. Atangana Mebara dans l'affaire Albatros et verrait d'un œil torve que pareille sentence tombe dans l'affaire du BBJ-2. Cela reviendrait à dire qu'au terme des deux tentatives d'achat d'un avion présidentiel en 2001 et 2004, M. Paul Biya n'a ni les milliards dépensés, ni un avion ni un coupable ou responsable. La position du Président est pourtant sans équivoque: «Libérez-les si vous voulez, mais je veux mon argent ou mon avion.»
Au-delà des suites de l'achat d'un aéronef présidentiel, c'est l'avenir politique du pays et la succession de M. Paul Biya qui préoccupent. Et il n'est pas question pour les inspirateurs de la démarche présidentielle que M. Marafa Hamidou Yaya figure dans quelque scénario. A son sujet et à propos de certaines autres proies de l'opération Epervier, M. Paul Biya s'est fait une religion: ils se sont amassés une immense fortune pour satisfaire leur irrépressible envie de pouvoir et leurs étouffantes ambitions. Dans ce registre sont classés, MM. Atangana Mebara, Marafa Hamidou Yaya et Polycarpe Abah Abah. Le chef de l'Etat a fait de leur mise à l'écart du chemin qui mène à Etoudi l'un des derniers combats de son règne. Le niveau d'adversité n'est toutefois pas également réparti, M. Marafa Hamidou Yaya se révélant autrement plus coriace que prévu. Le plan A s'avérant hypothétique, un plan B est déjà envisagé.
LES PLANS B ET C
Sur la table est posée un enveloppe qu'on dit volumineuse et sur laquelle est marqué: vente de la carcasse du Boeing 747 Combi de la Cameroon Airlines, sorti de piste le 5 novembre 2000 à l'aéroport Roissy Charles de Gaulle à Paris en France, pour cause de surcharge et de présence de corps étranger dans le poste de pilotage (selon le rapport du Bureau d'enquêtes et d'analyses). Le 28 février 2012, une plainte contre M. Yves Michel Fotso a été déposée auprès du juge d'instruction du tribunal de Grande instance du Mfoundi par M. Emile Christian Bekolo, le liquidateur de la défunte Camair pour détournement de deniers publics en complicité et en coaction d'une valeur cumulée de plus de 69 milliards de FCFA. Selon la liquidation de la Camair M. Yves Michel Fotso, alors administrateur directeur général de la défunte Camair «avait cédé à Gia International, sans contrepartie pour la Camair, l'épave de son avion Boeing 747-200 Combi, laquelle aurait été, par la suite, vendue à des tiers pour la somme d'environ un milliard de francs CFA». Dans le sérail, on compte montrer que M. Marafa Hamidou Yaya, SG/PR au moment des faits, a partie liée à cette affaire.
Il y a aussi un plan C, logé dans le dossier relatif à la privatisation de la Regifercam (Régie nationale des chemins de fer du Cameroun), entreprise publique concédée en 1999 à un duo franco-sud-africain (Bolloré et Comazar, ce dernier s'étant par la suite retiré). Dans une tribune à Cameroon Tribune, M. Janvier Mvoto Obounou, défenseur du régime et collaborateur au Mincom de M. Issa Tchiroma Bakary, demandait déjà de manière prémonitoire à M. Marafa Hamidou Yaya de rendre compte de la privatisation de cette société. C'est sans doute pour cette raison que l'ancien Minatd est régulièrement présenté par ses pourfendeurs comme proche de M. Vincent Bolloré, le magnat français et concessionnaire de Camrail.
Difficile pour le moment de savoir ce qu'on reprocherait exactement à celui qui était SG/PR à l'époque des faits, pourtant le pouvoir croit tenir des éléments compromettant contre M. Marafa Hamidou Yaya. Ainsi, au moment où démarre la dernière ligne droite de son procès au sujet du BBJ-2, le verdict importe déjà peu. Dans le silence des couloirs du pouvoir se prépare déjà la suite.