Porté disparu depuis plus d’une semaine, le jeune cinéaste a été retrouvé ce mercredi dans une broussaille au quartier Mendong, à Yaoundé. Conduit aux urgences de l’hôpital de la Cnps, il aurait été transporté de là par un véhicule vers l’ambassade de l’Union européenne.
Il a l’air mal en point. Assis sur un lit d’hôpital, dans une salle d’urgence qui exhale un parfum d’alcool et de médicaments, le visage pâle, le regard hagard, Richard Fouofié Djimeli se veut plutôt rassurant quant à son état de santé : « ça va bien, même si je ressens des douleurs, mais ça va aller », confie t-il au reporter, la voix timide. Nous sommes aux services des urgences de l’hôpital de la Caisse, à Essos, à Yaoundé. Il est 14h ce mercredi 3 avril 2013.
Vêtu d’un maillot du FC Barcelone et d’un short noir, le pantalon jeans bleu retombé entre les jambes, un morceau de coton est posé sur la cuisse gauche du malade, preuve qu’il vient de subir une injection. Son bras gauche est soutenu par un bandage noué autour du cou.
Un autre bandage lui a été fait sur son auriculaire (doigt) gauche, imbibé de sang: « son doigt a été broyé. Lorsque nous étions à l’hôpital de Biyem Assi (quartier de Yaoundé, ndlr), le médecin a proposé qu’on lui ampute le doigt, mais comme celui qui était chargé de le faire était occupé, il a été transféré ici à l’hôpital de la Caisse », confie Thierry Batoum, président de l’Association de défense des droits des étudiants (Addec). Un médecin nous indique sous anonymat que Richard Djiff a été « victime d’un traumatisme à la tête, à la nuque et à l’omoplate gauche ».
L’UE au chevet de Richard Djiff
Le malade échange avec trois hommes, sans doute les membres de sa famille. Juste à côté, un Européen glisse quelques mots à Richard Djiff. Il tient une espèce de carte de visite sur laquelle est floqué le drapeau de l’Union européenne (Ue). La conversation est inaudible, mais ce bout de phrase n’a pas échappé au reporter : « nous allons partir avec lui ! ».
Sur la cour du service des urgences, du beau monde. Parents, voisins de la cité universitaire où réside le jeune cinéaste (il est étudiant à l’université de Yaoundé I) et acteurs du film « 139…les derniers prédateurs » (réalisé par Richard Djiff) attendent, l’air préoccupé. Assis à l’entrée de la salle d’urgence, 3 policiers, dont 2 gardiens de la paix et un inspecteur de police, montent la garde. Ils sont assistés par une vigile. D’autres flics en civil vont et viennent, le talky walkie en main. De l’autre coté de la route, en face de l’entrée principale, un car bleu de la police déverse d’autres corps habillés, une demi-douzaine environ.
15h 30. Richard Djiff sort de la salle d’urgence. Soutenu par deux protagonistes de son film, il tient à peine sur ses jambes. Il est conduit à bord d’un véhicule de couleur blanche garée sur la cour. A l’intérieur du véhicule, des membres de sa famille, des acteurs du film et quelques policiers : « Où est ce qu’on l’amène ? », interroge une dame. Sans doute vers une représentation diplomatique à Yaoundé : «on est en train de l’amener à l’ambassade de l’Union Européenne, pour assurer sa sécurité », nous certifie, au creux de l’oreille, un proche de Richard Djiff, au moment où le véhicule, immatriculé « CD (Corps Diplomatique) 38 13 », s’ébranle vers la sortie principale de l’hôpital.
Selon le récit d’un proche de Richard Djimeli, c’est vers 6h ce mercredi matin que le réalisateur a été retrouvé dans une broussaille marécageuse, non loin du lycée bilingue de Mendong, par un passant : « Richard lui a confié le numéro de son avocat. Ce dernier, informé de ce que son client a été retrouvé, a alerté des membres de sa famille. Ce sont ces derniers qui l’ont transporté à l’hôpital de Biyem Assi », raconte un proche de Richard Djiff.
Selon le parent du disparu, une fois retrouvé, Richard a confié à des proches qu’il a été trimballé d’un lieu à un autre par des individus et n’aurait eu pour seul repas que quelques biscuits. Un autre membre de la famille confie que l’un des acteurs du film de Richard Djiff a reçu, mardi 2 avril à 20h, un Sms anonyme qui lui demandait de venir avec une copie du film au Matéco à 23h (complexe sportif de l’Université de Yaoundé I) pour que Richard soit retrouvé à Mendong. Ce que ce dernier dit avoir considéré comme une grosse blague.