Cette revendication est clairement exprimée dans le mémorandum envoyé à Paul Biya par certains patriarches de cette région.
Depuis la nomination de Marcel Niat Njifenji comme président du sénat,
la région du Centre se sent abandonnée par le chef de l’Etat Paul Biya.
Voilà la raison pour laquelle un groupe de patriarches de cette région
lui a adressé une correspondance en date du 15 juillet 2013.
Correspondance dans laquelle ces patriarches demandent à Paul Biya de
limoger la plupart des ministres de cette région et les directeurs
généraux. Cette deuxième raison n’est qu’un prétexte, tout comme le
chômage des jeunes évoquée dans cette correspondance, ou la mauvaise
qualité des infrastructures.
Le Centre lésé
La région du Centre qui abrite Yaoundé la capitale politique s’estime
lésée dans le partage du gâteau national au niveau des grandes
institutions de l’Etat. Cela se vérifie aisément si on jette un coup
d’œil sur le tableau ci-après de répartition de ces grands postes de
l’Etat, région par région. A la lecture de ce tableau (Voir ci-dssous),
on constate que la région de Centre n’est représentée nulle part à la
tête des grandes institutions de l’Etat. Et il est ainsi depuis que Paul
Biya est à la tête du pays, soit 31 ans. L’Extrême Nord avait jusqu’à
une date récente la tête du Conseil économique et social et l’Assemblée
nationale. Celle-ci attend les élections le 30 septembre prochain, elle
n’a pour le moment ni député ni président.
Institution | Responsable | Région d’origine |
---|---|---|
Présidence de la République | Paul Biya | Sud |
Sénat | Marcel Niat Njifenji | Ouest |
Assemblée nationale | ? | ? |
Conseil économique et social | Luc Ayang | Extrême Nord |
Cour suprême | Alexis Dipanda Mouelle | Littoral |
Primature | Philemon Yang Yundji | Nord-Ouest |
La loi de la compensation
Ayant compris très tôt que le Centre est lésé, Paul Biya a fait jouer la
loi de l’équilibre en octroyant à cette région un trop grand nombre de
ministre, 19 (pour dix départements) sur un total de 63 ministres. En
vérité, le Centre ne devrait pas demander à avoir le poste de Premier
ministre car cette région et celle du Sud sont considérées sur le plan
géopolitique comme constituant une seule aire. Les populations sont
presque les mêmes, parlent des langues similaires, partagent les mêmes
coutumes et même sur le plan culinaire elles sont très proches. Les
populations du Centre devraient donc comprendre qu’on ne peut pas avoir
Paul Biya pour président et avoir un originaire du Centre comme Premier
ministre, tous appartenant au grand groupe Fang/Béti. Paul Biya n’a fait
que poursuivre la politique de son prédécesseur Ahmadou Ahidjo qui
s’appuyait beaucoup sur cette politique d’équilibre à la tête des
grandes institutions de l’Etat. Ahmadou Ahidjo président avait placé
comme Premier ministre dès 1975 Paul Biya et un anglophone au
Nord-Ouest, Solomon Tandeng Muna comme président de l’Assemblée
nationale.
L’Ouest casse l’équilibre
Tant qu’il n’y avait pas de sénat, l’équilibre était respecté. Avec
l’apparition du sénat et la nomination d’un président originaire de
l’Ouest à sa tête, ce fragile équilibre a été rompu. L’Ouest se
plaignait de plus en plus d’être le parent pauvre du partage du gâteau
national. Elle estime aujourd’hui que justice a été faite, rendue.
Le Conseil constitutionnel au Centre
En fait, le Centre sait très bien qu’il ne peut pas obtenir la primature
mais n’hésite pas à faire le chantage à Paul Biya, à faire pression sur
lui pour obtenir la présidence du Conseil constitutionnel quand il sera
mis en place. Mais une fois de plus le Conseil constitutionnel pourrait
échapper au Centre pour aller au Sud avec pour président le Professeur
Joseph Owona qui est certes un Ewondo mais du Sud et non du Centre ;
Le chômage n’est pas l’apanage du Centre
Quand les patriarches de la région du Centre parlent du chômage qui
frappe les enfants de cette partie du pays cela n’est pas correct car le
chômage est un phénomène national et non régional. Aucune région du
pays n’est moins frappée par rapport aux autres. On peut même dire que
le Centre est privilégié par rapport à d’autres régions du pays compte
tenu du nombre assez élevé des travailleurs de l’Etat qui sont
originaires de cette partie du pays.
Le manque d’infrastructures
Hormis la région de l’Ouest dont la plupart des chefs lieux de
département sont reliés entre eux par des routes bitumées, tous les
autres régions manquent d’infrastructures routières. Mais le Sud ne le
sera plus dans quelques années quand le programme mis en place par Paul
Biya sera appliqué. En effet, on verra tous les chefs-lieux de
départements reliés entre eux par des routes bitumées.
Le limogeage de l’élite par Paul Biya
Quand les patriarches du Centre demandent à Paul Biya de limoger
ministres et directeurs généraux parce qu’ils sont égoïstes, ne pensent
pas au peuple mais rien qu’à eux, c’est mal le connaître. Il ne
fonctionne pas ainsi. Il fait plutôt le contraire de ce qu’on attend de
lui. C’est ainsi que les hauts responsables très impopulaires sont
restés longtemps en poste par la volonté de Paul Biya. Prenons l’exemple
de Jean Nkuété, ci-devant secrétaire général du comité central du Rdpc.
Cet homme est d’une incapacité notoire mais cela n’a jamais empêché à
Paul Biya de lui confier d’importants postes. D’ailleurs dans sa logique
il aime conserver à leur poste des responsables dont on dit qu’ils sont
très méchants, mauvais. Quand on dit qu’un ministre ou un directeur
général est bon ou populaire, Paul Biya n’hésite pas un seul instant
pour le dégommer de son poste. Les patriarches ne comprennent-ils pas
que la politique de « diviser pour mieux régner » pratiquée par les
membres de l’élite n’a pour père que Paul Biya ? Le Chef de l’Etat
excelle en la matière. Ne prend t-il pas souvent le cousin d’un ministre
ou d’un directeur général pour remplacer ce dernier au gouvernement ou à
la tête d’une société d’Etat ? Prenons des exemples précis, concrets.
Dans le gouvernement du 9 décembre 2011 :
- Au Ministère des Forêts et de la Faune, il a remplacé Elvis Ngolle
Ngolle par son cousin Ngolle Philip Ngwesen tous deux originaires du
département du Koupe Manengouba, région du Nord-Ouest. Paul Biya était
au courant que les deux hommes ne s’attendaient pas.
-Titus Edzoa et Atangana Mebara. Quand le premier cité est devenu un
adversaire politique de Paul Biya en se présentant à l’élection
présidentielle de 1997, Paul Biya qui savait que Titus Edzoa ne
s’entendrait pas avec Atangana Mebara dans l’arrondissement de Mbankomo,
département de la Mefou et Akono, l’a nommé le 7 décembre 1997 au poste
de Ministre de l’Enseignement supérieur.
-Louis Marie Abogo Nkono et Pascal Anong Adibime. Quand Paul Biya fait
sauter le premier de son poste du Ministre des Domaines et des affaires
foncières le 7 septembre 2007, il ne trouve mieux que Pascal Anong
Adibime pour le remplacer. Paul Biya savait que les deux hommes étaient
des rivaux politiques dans leur arrondissement d’Ombessa, département de
Mbam et Inoubou. Deux ou trois kilomètres séparent les résidences de
deux hommes politiques au village.
-Pour remplacer Jean Baptiste Nguini Effa à la tête de la Société
camerounaise des dépôts pétroliers, Paul Biya est allée prendre Gaston
Eloundou Essomba du même coin, tous deux originaires de la Mefou et
Akono. C’est ce que Paul Biya a toujours fait et continue de faire de
leur élite, sachant très bien qu’ils sont les créatures et les
fabrications d’un certain Paul Biya. Le centre n’a pas besoin d’un poste
de premier ministre qui ne lui apportera rien. Il doit plutôt
sensibiliser les membres de son élite pour qu’ils prennent à cœur les
problèmes des populations. A supposé qu’on lui donne le poste de premier
ministre, et si le titulaire du poste agit comme les ministres et les
directeurs généraux actuellement, quel profit tirerait le Centre de
cette nomination ? Rien. Le problème n’est donc pas au niveau du poste
mais de la mentalité des homes qui les occupent.