Le ministre de la santé publique est-il la prochaine cible du rapace chargé de l’assainissement de la bonne gouvernance dans la gestion des institutions publiques ? C’est ce que laisse entrevoir l’annonce de son arrestation le 1er avril 2014. Répandue comme une trainée de poudre, la nouvelle s’est avérée un poisson d’avril.
I- Le poisson d’avril à succès
AU LENDEMAIN de la mise sous mandat de dépôt provisoire à la prison centrale de Yaoundé-Nkondengui du ministre des Enseignements Secondaires, Louis Bapès Bapès, une information faisant été de l’interpellation, du déferrement et de la mise sous mandat de dépôt provisoire du Ministre de la Santé Publique, André Mama Fouda à la prison centrale de Yaoundé-Nkondengui a état propagée sur l’ensemble du territoire national avec une célérité inouïe. Plusieurs personnes et personnalités même dans les hautes sphères de l’Etat y ont cru. Preuve que l’Opération Epervier donne de la trouille à tous les gestionnaires des deniers publics et plus encore, échappe même aux hommes du sérail qui semblent proche du cercle du pouvoir. A la grande surprise de tous, c’est plutôt la nouvelle d’une imminente mise en liberté du ministre Louis Bapès Bapès, 24 heures après son arrestation va sonner comme un poisson d’avril (intox).
C’est en fin de journée lorsqu’elle va se concrétiser que la lumière sera aussi faite sur la vraie-fausse arrestation du Ministre André Mama Fouda. Il reste que l’arrestation d’un ministre en fonction et sa libération en l’espace de 24 heures, si elles ont eu le mérite de mettre en évidence la gestion bananière de la République du Cameroun, elles ont donné des signaux forts sur le lancement imminent de la phase III de l’Opération Epervier. Le cas Louis Bapès Bapès étant considéré comme un faux départ. Il reste tout de même que la trouille s’est à nouveau emparée du landerneau politique avec le spectre du début des prochaines arrestations de l’Opération Epervier qui vient s’ajouter déjà à une crispation entretenue par l’attente depuis décembre 2013 du remaniement ministériel.
Surtout que la presse n’a pas été en reste, elle qui s’est jetée en conjecture pour affirmer que les arrestations de la phase III de l’opération Epervier serait à nouveau lancée dès le retour du Président Paul Biya au pays. Certains ont même publié la vraie-fausse liste des gestionnaires indélicats de la fortune publique qui seraient dans le viseur du Tribunal criminel spécial (Tcs). Au passage du ministre de la Justice, Garde des sceaux, Laurent Esso à l’Assemblée nationale, après audition de certains du gouvernement, il a révélé que 119 dossiers étaient encore en instance au Tcs. Ce qui a poussé notre curiosité d’en savoir un peu plus sur les dossiers qui pourraient être portés contre, André Mama Fouda depuis qu’il occupe d’importantes fonctions dans les sphères de l’Etat. Aussi bien comme Directeur général de la Maetur de 1991 à 2008 et de ministre de la Santé publique de 2009 à ce jour. Il ressort des sources proches du Tcs qu’il n’aurait pas encore de dossier ouvert dans cette juridiction.
Et n’aurait même pas encore fait l’objet d’une convocation dans un service de police judiciaire pour être entendu sur sa gestion des budgets de l’Etat qu’il a gérés jusqu’ici. Seule affaire révélée est la plainte portée en 2012 contre Mama Fouda André par son ex-employé, Jean Letni qui l’accuse d’avoir usé de manoeuvres illicites pour lui extorquer sa signature afin de confisquer ses biens. En revanche, on apprend que des fins limiers des institutions compétentes de l’Etat chargés de lutte contre les prévaricateurs de la fortune de l’Etat ont mené des audits de sa gestion aussi bien à la Maetur qu’au Minsanté. Ceux-ci n’ont permis de révéler le moindre délit.
Certainement des fautes de gestion bénignes et inévitables dans la gestion de tout responsable. Seulement, il y a bien un dossier qui est revenu à plusieurs reprises, celui de la gestion du patrimoine foncier des communautés autochtones du Golf-Ntougou à Yaoundé IIè où on l’accuse d’avoir spolier les familles souches de leurs terres. En effet, sous André Mama Fouda, la Maetur va mener le projet de lotissement de Golf-Ntougou. Après que ce patrimoine foncier de 38 hectares soit déclaré d’utilité publique à la faveur d’un décret n°073/18 du 17 janvier 1973 en vue de la construction d’un musée national, ce terrain va rester partiellement occupé par des familles autochtones. C’est dire que l’Etat avait le loisir d’incorporer ledit site dans son domaine privé après paiement des indemnisations éventuelles liées à la mise en valeur des occupants.
II- Les dessous du projet Golf Ntougou
Après que ces derniers aient mené plusieurs démarches de rétrocession qui vont s’avérer vaines, la Maetur va réussir à obtenir en 1997 de l’administration l’autorisation de viabiliser cette superficie. Similaire à une rétrocession déguisée. Il s’agit: - d’élaborer un schéma d’aménagement de type : «Grandes mailles» ; de mener des études d’urbanisme et la réalisation des voiries structurantes desservant les différentes mailles ; et d’encadrer les familles à l’établissement des titres fonciers. En contrepartie de prestations effectuées, conformément à la Convention signée, la Maetur devait percevoir 44% du terrain hors voiries structurantes et zones impropres à la construction.
Entretemps, la superficie a été réduite à 29 hectares du fait qu’entre 1973 et 1997 les pouvoirs publics y ont aménagé le Boulevard Jean Paul II et le Rond-point Bastos avec d’importants remblais. A l’issue de cette première phase, la part revenant aux familles est de 15,7487 hectares. Et la Maetur va obtenir un financement de 900 000 Dollars US (environ 4,5 milliards Fcfa) auprès de Shelter Afrique pour aménager et lotir les mailles. Ce qui va donner droit à une deuxième rétribution en nature après déduction des voiries secondaires.
A l’issue de cette deuxième phase, les familles sont propriétaires des parcelles totalement viabilisées d’une superficie de 9,176 hectares. Les familles qui voulaient vendre des lots immédiatement, ont sollicité l’expertise de la Maetur pour commercialiser une partie de leurs surfaces cessibles. La Maetur a ainsi payé entre 1999 et 2001, près de 400 millions Fcfa aux sept familles et mis à leurs disposition des dossiers techniques des différentes parcelles. Ce qui a été matérialisé par un procès-verbal de clôture financière. Cette gestion transparente et satisfaisante de toutes les parties va même décider certaines familles qui voulaient vendre le reste de leurs patrimoines fonciers de confier à nouveau la mission à la Maetur en 2002. Au départ de Mama Fouda de la Direction générale de la Maetur, en 2008, le projet Golf Ntougou est quasiment clôturé au regard du cahier des charges :
- Placements des parcelles, remboursement de l’emprunt,
- et plus de la moitié des clients Maetur et des familles sont déjà détenteurs d’un titre foncier. Seulement, quelques mois après son départ, débute une cacophonie dans la gestion de ce dossier.
Des décisions de son successeur à la Direction générale de la Maetur, certainement induit en erreur par des collaborateurs indélicats y sont à l’origine. C’est ainsi par exemple il va offrir à certaines familles onze lots qui sont pourtant soit indisponibles, soit disposant déjà des titres fonciers.
Ce qui pourrait ouvrir une spirale de revendications non maitrisables dans tous les lotissements aménagés depuis 22 ans par la Maetur du fait du caractère mercantile des propriétaires fonciers. Or cette opération d’aménagement concerté du lotissement du Golf Ntougou s’est appuyée sur une expertise acquise dans la brillante gestion des projets d’aménagement et du lotissement des projets :
- Golf Omgba,
- Nfandena,
- Ngousso hôpital,…
Ce qui a permis à la Maetur, secouée par la crise économique des années 90 de réaliser ces vingt dernières années son projet social dans sa double dimension d’opérateur foncier et d’aménageur en négociant avec les familles autochtones une formule d’aménagement concertées consistant à se faire rémunérer en espaces de terre, soit d’une régularisation foncière, d’un aménagement «grandes mailles» ou d’un aménagement parcellaire. A contrario, André Mama Fouda est accusé de tirer profit de sa position de Directeur général de la Maetur pour spolier les familles de leurs terres. Enquête menée, Il possède au Golf de Ntougou une parcelle de terrain d’une superficie de 2000 m2 constituée des lots G12 et G14. Il ressort qu’elle lui a été attribuée par le Ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat de l’époque, Pierre Hélé conformément à l’Arrêté N°0422 du 29 décembre 1999.
Ceci en guise de récompense pour le rôle significatif qu’il a joué dans la conduite de ce projet. Par ailleurs, il est aussi accusé d’avoir spolié la famille Omgba Martin en s’appropriant aussi une importante parcelle de terrain au Golf Omgba. Seulement, on apprend qu’il a acheté directement à Mme Amvouna Marie de la famille Omgba Martin, qui lui a cédé ses droits sur une parcelle de 1000m2 et devant témoins. Ce qui lui donne droit sur le slots F13 et F15. Et à ce jour, apprend-on, le terrain n’a fait l’objet d’aucune réclamation.