Resultats des Sénatoriales 2013: Réactions

Douala, 30 avril 2013
© Alain NJIPOU et Joseph OLINGA N. | Le Messager

Après la proclamation (lundi 29 avril 2013) des résultats du scrutin du 14 avril 2013 devant permettre aux Conseillers municipaux, seuls électeurs, de désigner les premiers sénateurs élus de l’histoire politique du Cameroun, Le Messager est allé à la rencontre de la classe politique qui jette un regard sur la by Text-Enhance">configuration de cette nouvelle institution et lève un pan de voile sur leurs attentes.

Albert Dzongang, président de la Dynamique: «Le Sénat va en rajouter à notre pauvreté»

Il faut expliquer aux Camerounais que le Sénat n’est pas une chambre au-dessus de l’Assemblée nationale qui reste maîtresse du vote des lois dans notre pays. Le Senat donne un avis. L’Assemblée nationale relit sa copie. Si cette chambre basse persiste, c’est la voix de l’Assemblée nationale qui a la primauté. Cela ne pourrait d’ailleurs être autrement si on a un sénat constitué d’élus et de nommés, qui aurait pour ainsi dire le dessus sur une Assemblée faite uniquement d’élus. Je ne veux pas être égaré par la proclamation des résultats du scrutin du 14 avril dernier à l’image des «mesurettes» d’Elecam, les interventions du Conseil constitutionnel, substitué par la Cour suprême. Il s’agit d’une élection à suffrage indirect. C'est-à-dire que les électeurs sont connus. Dès lors qu’au Cameroun, il est dit qu’un élu doit obéissance à son parti, les 10 régions en compétition étaient majoritairement et totalement occupées par le Rdpc. Aucun autre parti par voie élective, sauf si des conseillers devaient se dédire, ne pouvait avoir des sénateurs élus. Le Rdpc en choisissant d’organiser les sénatoriales avant les législatives et les municipales, s’était donné le moyen d’avoir la majorité absolue. Pour ne pas paraître trop grossiers aux yeux de l’opinion internationale ou pris de remords, ils ont inventé des balivernes où dans l’Adamaoua, on dit qu’un ancien gouverneur n’a pas su remplir sa demande de candidature, où à l’Ouest, on dit qu’une dame introduite dans la liste des candidats par le secrétaire général du Comité central du Rdpc, lui-même, n’a pas su qu’ un extrait de casier judiciaire est sign`é à la Justice et non au commissariat de police. Tout cela c’est de la poudre aux yeux. Le Sénat sera comme l’Assemblée nationale, archi-dominée par le Rdpc. En démocratie, ce n’est pas le nombre des partis représentant qui compte mais la valeur représentative de chaque groupe. Or, le Rdpc va s’en sortir au moins avec 70 sénateurs sur les 100. Quand vous avez 70% en démocratie, il n’y a pas match. Je n’attends rien de cette affaire. Le Sénat est une institution qui va en rajouter à notre pauvreté. On va voter des budgets pour entretenir des gens. La plupart des gens qui y vont sont des séniles. Avec le Sénat, on a fait le bébé avant la maman. Ceux qui doivent voter les sénateurs, c’est les conseillers municipaux et les conseillers de région. On aurait pu mettre en place ces conseillers de région avant.



Abanda Kpama, président national du Manidem: «Fru Ndi a été définitivement mis hors d'état de nuire»

Les résultats des élections sénatoriales sont désormais officiels. Comme il fallait s'y attendre, le Rdpc, parti au pouvoir, est le grand vainqueur de cette élection dont nous avons contesté les fondements. Le fait que cette élection se soit tenue, dans la tranquillité absolue, que personne ne puisse contester la suprématie du Rdpc et qu'enfin tout le pays soit focalisé sur les 30 personnalités que le président de la République va désigner pour compléter la liste des sénateurs, tout ceci traduit un rapport de forces totalement à l'avantage du Rdpc et surtout de M. Biya, maître du jeu politique. Depuis 1990, date de l'ouverture démocratique, M. Biya a réussi à dompter ses adversaires politiques, ce d' autant plus que la plupart de ces adversaires étaient issus de la même famille politique. A la faveur de la récente élection sénatoriale, M. Fru Ndi a été définitivement mis hors d'état de nuire, à la suite de M. Bello Bouba et de quelques autres leaders moins influents. La leçon de ces sénatoriales, c'est la consécration de M. Biya comme le «big boss», et la déchéance de M. Fru Ndi qui passait frauduleusement pour le principal opposant à M. Biya.

M. Biya peut désormais nommer des personnalités de la société civile, de l'opposition et quelques grincheux du Rdpc pour que le Sénat soit multicolore. Ses amis étrangers ne pourront que le féliciter pour cet esprit d' «ouverture ». Nous pensons que la nouvelle donne politique oblige l'Opposition véritablement anti-néo-coloniale, celle dont l'objectif n'est pas de chasser M. Biya pour faire du biyaïsme ( le fameux «Biya must go» ), mais plutôt de construire un rapport de forces favorable au changement de système politique, pour cette opposition-là, nous prônons la mise en place d'un Front des forces patriotiques et panafricanistes révolutionnaires regroupant toutes les forces de progrès dans le but de fusionner dans un grand parti progressiste, seul susceptible de rivaliser avec le Rdpc et ses affidés.



Kameni Djouteu Dieudonné, président national Udt: «Parmi les sénateurs des illettrés sans culture politique»

La mise en place d’un Sénat dans l’état actuel des choses, sans Conseil régional, avec des conseillers municipaux par décret qui ne représentent plus le peuple mais celui qui a prorogé leur mandat, n’est pas la seule curiosité qui entoure cette institution. En effet, jusqu’à cette veille d’élections des premiers sénateurs de l’histoire institutionnelle du Cameroun, les comportements de nos hommes politiques ont toujours entretenu des attitudes de nature à laisser croire que le Sénat n'est qu'une sorte de «maison de retraite pour privilégiés de la politique ou politiciens au rancart», ou encore une «maison de retraite 5 étoiles !». Certains ont même parlé de «voie de garage pour anciens ministres, agrémentés de quelques cumulards. Ce qui paraît beaucoup plus gênant est que les hommes politiques, qui devraient en donner d’amples explications, préfèrent s’enfermer dans les calculs politiciens au point d’occulter l’essentiel qui réside pourtant dans le profil même d’un sénateur. C’est ainsi que la qualité de la majorité des candidats contribue à forger une image de marque déplorable. Laquelle suscite le mépris de l’homme de la rue pour les hommes politiques, les sénateurs, le système parlementaire, et au bout du compte pour la démocratie tout court. Comment comprendre que parmi les postulants aux postes de futurs sénateurs au Cameroun, on retrouve des illettrés sans culture politique, très loin d’être susceptibles d’analyser un texte de loi? C’est tout simplement faire preuve de méconnaissance totale de ce qui attend un sénateur une fois arrivée à la chambre haute. A moins qu’il ne s’agisse d’une «maison de retraite où les pensionnaires sont payés pour dormir».


Jean Robert Wafo, ministre du «Shadow cabinet» du Sdf: «Pour le Sdf, c’est un exploit électoral »

Ce qui s’est passé à la Cour suprême agissant en lieu et place du Conseil constitutionnel n’est que la formalisation des résultats qui étaient par ailleurs connues à la fin du vote. Nous avions refusé de faire un recours justement parce qu’il nous était difficile d’apporter des preuves matérielles des achats de conscience et de la corruption manifestes qui ont fortement nimbé le scrutin du 14 avril dernier notamment dans le Nord-ouest. L’enseignement à tirer de ce scrutin est que le seul moyen de parer à ces deux fléaux électoraux, à défaut d’augmenter la répression contre la fraude, est de procéder à l’institution du bulletin de vote unique, comme d’autres pays l’ont fait. La résolution de ces problèmes est donc politique. Pour terminer sur ce point justement, le chairman a fait preuve de maturité politique parce que pour être un bon démocrate, il faut savoir gagner et aussi surtout accepter sa défaite. Une fois que c’est dit, nous sommes satisfaits de notre performance. Nous sommes partis à cette élection pour donner une chance aux Camerounais d’avoir une opposition au Sénat. C’est une réalité aujourd’hui. Mathématiquement, nous étions partis pour avoir zéro sénateur. Nous nous en tirons avec 14 sur les 70 « élus ». Partir de zéro programmé à 14 sénateurs participe d’un exploit électoral que seuls les censeurs d’un genre nouveau peuvent nier. La composition du Sénat n’est pas encore complète du fait qu’il reste 30 à nommer. On est dans une forme d’équation où la curiosité viendra des 30 d’horizons divers qui seront nommés. Le problème dans l’opinion est moins le fait de nommer 30 sénateurs que la suspicion qui entoure la personne qui nommera. Pour dissiper toute interprétation tendancieuse autour des 30 sénateurs qui seront nommés, le président de la République à qui revient cette prérogative devrait utiliser cette disposition constitutionnelle pour corriger le déficit de légitimité qui a précédé ce scrutin. Et sur ce fait justement, il n’est pas républicain qu’une région soit représentée par un seul parti politique qui s’est déjà doté de la majorité absolue au niveau national. Il n’est pas bon que le tout premier Sénat du Cameroun soit obèse. Il faudrait aussi tenir compte des autres partis notamment du parti qui est arrivé second à l’issue de cette élection. Vous comprenez dès lors qu’il faut attendre la nomination des 30 pour avoir une idée claire sur ce que sera le futur Sénat dont l’enjeu et l’importance sont liés à la qualité de la production législative du fait de la navette parlementaire entre les deux chambres. On s’attend désormais que la deuxième lecture dans cette chambre débouche sur des lois mieux faites. Cela dépend bien évidemment de la qualité des hommes qui siégeront dans ce Sénat.


Ernest Pekeuho, président du Bric: «Après le Sénat, que d’autres institutions suivent

C’est une avancée politique pour notre pays. Même, si le Bric a dénoncé en son temps le fait que les sénatoriales se déroulent avant les législatives et les municipales. Nous souhaitons que les autres institutions prévues dans la loi fondamentale soient mises sur pied, entre autres le Sénat, le Conseil constitutionnel. Comment oublier le fameux article 66 sur la déclaration des biens. Sur le plan administratif, nous attendons le règlement intérieur du Sénat et son premier bureau. Nous souhaitons que le budget de fonctionnement de cette structure soit réduit au maximum et que par la même occasion, celui de la chambre basse soit revue à la baisse. Que les députés et les sénateurs votent des lois et travaillent en plein temps et non seulement lors des sessions qui encadrent l’activité parlementaire. Le Bric adresse ses félicitations aux premiers sénateurs du Cameroun. Il les exhorte à se mettre au travail dès maintenant au service de la nation.


Hilaire Nzipan, chargé de la communication du Mp: «Le tribalisme a refait surface en ayant pour socle de dispenser le Rdpc»

Je félicite d’entrée les nouveaux sénateurs élus. Je me réjouis, par ailleurs de ce que dans quelques jours nous aurons, enfin, toutes les institutions prévues par notre constitution. Pour ce qui est du Mouvement progressiste (Mp), l’on constate la bipolarisation du paysage politique camerounais. Pourtant, l’opposition est diverse et, beaucoup de partis politiques ayant des conseillers municipaux ne sont pas représentés dans la haute chambre. Un fait majeur est à noter, avec regret : c’est que les sénateurs sont tous du Rdpc à l’exception du fait que 14 sont étiquetés Sdf. Et, les trente autres qui seront nommés n’auront de légitimité que par rapport au chef de l’Etat. Dès lors que nous évoluons dans une République par décret. Il nous paraît prématuré de présager de ce que ce Sénat va faire. Sinon, on ne peut qu’encourager les sénateurs à travailler dans l’intérêt du peuple camerounais. Dans l’optique de l’amélioration de ses conditions d’existence et de subsistance. C’est l’occasion pour nous de remarquer que le tribalisme a refait surface en ayant pour socle de dispenser le Rdpc. Une situation qui est à regretter. Vivement que la République des compétences reprennent le dessus.

Recueillies par Alain NJIPOU et Joseph OLINGA N.



30/04/2013
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