Répression - Églises du réveil: La messe n'est pas dite
Yaoundé, 26 Août 2013
© JEAN DE DIEU BIDIAS | Mutations
Une cinquantaine de congrégations religieuses ont été fermées à travers le territoire, en l'espace d'un mois. Engagée le 1er août dernier par le sous-préfet de Yaoundé 1er la vague a atteint les 2è et 3è arrondissements de la capitale avant de faire tâche d'huile à Douala et à Bamenda. Les promoteurs des temples y voient des raisons purement politiques. Le gouvernement s'en défend.
Le glas des églises dites du réveil aurait-il sonné au Cameroun? La décision prise le 1er août dernier par le sous-préfet de l'arrondissement de Yaoundé 1er, Jean-Paul Tsanga Foe, de procéder à la fermeture de cinq associations religieuses exerçant sur son territoire de compétence semble, désormais, faire tâche d'huile. En dépit des grincements de dents provoqués par la première vague des fermetures chez les promoteurs de ces temples et nombre de leurs fidèles, le «chef de terre» est revenu à la charge, vendredi dernier en mettant fin aux activités de dix nouvelles églises. Il s'agit notamment de la Bethel Global Mission, du Ministère international Assemblée Bethesda et de l’Église Tabernacle de la foi, de l’Église catholique orthodoxe apostolique française, de la Cellule de prière s/c Cathédrale de mission (Emana), de la Chapelle Way et de la Mission sanctuaire Royaume des cieux (Etoudi), de l’Église évangélique des rachetés du Christ (Mfandena), de la Grace Medical Foundation et de la Faith Tabernacle Église des nations.
Les motifs invoqués, le 1er août, avaient trait, entre autres, à l'absence d'existence légale, aux activités contraires aux bonnes mœurs, aux troubles à l'ordre publics. Ce sont les mêmes qui ont présidé à la décision de vendredi dernier, nonobstant, selon le Ministre de la Communication, Issa Tchiroma Bakary, qui se prononçait sur la question vendredi soir, «l'agitation qui semble s'être emparée de certains milieux médiatiques à l'étranger» au sujet de ces fermetures.
A Yaoundé 3è et 5e, les sous-préfets sont aussi rentrés dans la danse en fermant, pour le premier, le Heaven Gate of all Nations et le Ministère de la délivrance et du progrès. Le deuxième vient d'apposer des scellés sur deux temples: l’Église du salut: la traversée de la mer rouge par Jésus et une autre, logée au quartier Ngousso et dont le promoteur est Malachi Botombé.
Douala et Bamenda, deux autres métropoles où essaiment ces nouvelles confessions, sont en train d'être atteintes par la tempête Tsanga Foé. Dans la métropole économique, c'est dans les 1er et 2è arrondissements que le ton a été donné avec cinq églises fermées, pour l'instant. Bamenda en compte actuellement une quinzaine, sous le coup d'une mesure d'interdiction. Sur le site Internet de la chaîne américaine Cnn, un pasteur de la désormais Église chrétienne de Dieu, Yaoundé, Boniface Tum, indique que le pouvoir est embarrassé par la liberté de ton au sein de ces églises. Avant de lâcher «Autoriser seulement les catholiques, presbytériens, baptistes, musulmans et quelques autres églises, est une violation flagrante du droit à la religion».
Autorisation
Face aux informations persistantes, relayées par des médias étrangers et selon lesquelles la vague actuelle de fermeture des églises dites du réveil au Cameroun a été commanditée depuis le plus haut niveau de l'Etat et ne viserait, en fait, qu'à «embastiller des ministres du culte, promoteurs de ces églises de plus en plus critiques au goût du pouvoir dictatorial de Yaoundé», Issa Tchiroma Bakary est monté au créneau. Pour rappeler que «le tableau confessionnel légal, qui du reste a été à maintes fois rendu public par le Ministre en charge de l'Administration territoriale, y compris par voie de presse, fait état de 47 associations religieuses dûment autorisées à ce jour, dont la moitié entre 1990 et 2009». Que, «depuis cette date, aucune association religieuse n'a plus été autorisée» et que «l'écrasante majorité de ces églises qui essaiment nos villes et villages à l'heure actuelle, existent en toute illégalité, bénéficiant d'un régime de tolérance administrative». La sortie du Ministre de la Communication semble, à l'analyse, annoncer des lendemains tourmentés pour les promoteurs des églises hors-la-loi.
Exemple en est donné dans cette note adressée au Préfet du Mfoundi par le sous-préfet de Yaoundé 1er: «Par correspondance en date du 11 juillet 2013, répercutant thermocopie du 24 avril 2013 de monsieur le Ministre de l'Administration territoriale et de la Décentralisation, vous avez bien voulu me demander de procéder à la vérification de l'existence légale de l'église dénommée Cathédrale de la foi, suite à une requête de Monsieur Beyegueno Philippe contre le promoteur de l'association susvisée pour l'enlèvement de son épouse Abona Marie qui a quitté le foyer conjugal depuis le 8 mars 2012, abandonnant 8 enfants issus de leur union vieille de 27 ans». Cet extrait démontre, à suffisance, l'implication des plus hautes autorités du pays dans la croisade actuelle contre certaines églises pentecôtistes. De sources généralement bien informées, le Ministre de l'Administration territoriale et de la Décentralisation, René Emmanuel Sadi, devrait s'exprimer davantage pour éclairer sur la vague répressive touchant certains lieux de culte.
Pour mémoire, lors d'une séance de questions orales, le 28 juin dernier l'Assemblée nationale, le Minatd avait été interpellé sur la question de la prolifération des églises au Cameroun et l'existence, ou non, d'un tableau confessionnel légal. René Emmanuel Sadi avait dû tenir des réponses de Normand. Son collègue de la Communication, face à la presse vendredi dernier, a invoqué «l’assainissement du paysage confessionnel du Cameroun, non pas dans un but de répression sauvage ou intéressé, mais plutôt dans le cadre d’une saine régulation de ce secteur ô combien sensible pour la construction morale de notre société, correspond donc à une volonté de nos populations, qui chaque jour, suffoque sous les coups de boutoir de vendeurs d’illusions et autres utopistes, déguisés pour la circonstance en Ministre de culte».