Réponse du berger à la bergère: Le CODE répond aux menaces du Ministre des Relations Extérieures du Cameroun
Dans une correspondance publiée le 06 mars dernier, M. Eyebe Ayissi Henri, Ministre camerounais des Relations Extérieures, a livré sa vision de la diaspora camerounaise et de son rôle. Entre lieux communs, constats de polichinelle et promesses démagogiques, il s’est adressé particulièrement, « en guise d’interpellation, (à) certaines catégories d’associations, à l’instar du Conseil des Camerounais de la Diaspora ou du Collectif des Organisations Démocratiques et Patriotiques des Camerounais de la Diaspora, de son acronyme C.O.D.E. », les qualifiant d’associations « assimilables à des associations de malfaiteurs », et indiquant clairement que « le Gouvernement de la République ne peut que réserver, de façon sereine et responsable, le traitement diplomatique qu’ils méritent. ».
Pour ceux qui connaissent les
discours autoritaires du régime sanguinaire et corrompu en place au
Cameroun, de telles phrases, signées par une si haute autorité de la
République, sont une déclaration de guerre et un message clair à
l’attention du CODE et du CCD, à savoir « On vous aura par tous les
moyens ».
Le régime de M. BIYA a décidément lancé une campagne de
menaces et d’intimidation des patriotes camerounais à l’intérieur comme
à l’extérieur du pays !
Au Cameroun, on assiste à une recrudescence des menaces et du harcèlement des patriotes et notamment des défenseurs des droits humains et des journalistes : filatures ostentatoires, visités inopinées aux domiciles, coups de fil et textos anonymes de menaces, enlèvements et condamnations arbitraires de journalistes, etc. , et parallèlement à l’étranger, le régime de Monsieur BIYA s’est manifesté par la création et le financement à coups de millions d’euros, d’une organisation dirigée par les espions formés par le défunt FOCHIVE, le COSCE. Les patriotes sont soumis aux menaces anonymes accentuées par le harcèlement des membres de familles restés au pays. Voici une description factuelle des méthodes que ce régime utilise pour intimider ceux qui luttent pour l’avènement d’une véritable démocratie et d’un Etat de droit au Cameroun.
Mais revenons aux avertissements proférés par M. Eyebe Ayissi, qui perd son sang-froid de Ministre (fonction en principe empreinte de dignité) pour s’en prendre à des cadres de son pays qui, au demeurant, n’ont jamais agi avec violence à l’égard du régime dont il est membre, mais qu’il menace aussi ouvertement de représailles.
Quel est donc ce traitement diplomatique que nous mériterions ? Concrètement, qu’est ce que ça signifie ?
Est-ce
que nous ne pourrons plus rentrer librement chez nous au Cameroun ?
Serions-nous fichés comme « malfaiteurs » et nous aurait-t-on déjà
condamnés par contumace et devant un tribunal d’exception à huis clos ?
Au terme de quelle procédure judiciaire et suite à quelle accusation
aurions-nous été ainsi condamnés ? Le traitement diplomatique – et si
nous étions sur place, quel autre traitement nous aurait-on réservé –
consisterait-t-il à nous arrêter dès que l’un de nous aura posé le pied
sur le sol camerounais ? Les Ambassades du Cameroun, territoire
camerounais à l’étranger, nous seraient-elles déjà interdites et les
services qu’elles rendent nous seront-ils refusés si nous en avions
besoin ? De quel traitement diplomatique s’agit-il ?
Si besoin était encore, le paragraphe que Sa grandeur Monsieur Eyebe Ayissi a bien voulu nous destiner dans sa lettre à la diaspora, démontre à souhait la nature dictatoriale du régime d’Etoudi.
Voici donc un régime à qui certains de ses ressortissants demandent depuis longtemps au moins deux choses :
-
que le Président au pouvoir depuis 28 ans et éternel candidat à sa
succession à la Présidence de la République se soumette à la
constitution en publiant l’état de ses biens et en les justifiant ;
-
que les massacres de février 2008 fassent l’objet d’une enquête pour
établir l’ampleur du drame, ainsi que les responsabilités et les
sanctions qui en découlent.
Ayant constaté que ces deux choses
n’arrivent toujours pas, ces ressortissants se tournent vers ceux qui,
de par leurs compétences et leur pouvoir de pression sur ce régime,
peuvent permettre d’y arriver.
C’est ainsi que le CCD s’est tourné
vers le pays tutélaire, pour dénoncer le recel en France, des biens mal
acquis par M. Biya et son régime.
C’est également ainsi que le
CODE a entrepris d’interpeller le procureur de la Cour Pénale
Internationale pour qu’il saisisse le régime camerounais d’une demande
d’enquête internationale, et avec d’autres compatriotes, a également
saisi par une pétition, le Secrétaire Général des Nations Unies pour
qu’une commission d’enquête internationale soit initiée dans ce sens.
Au lieu de répondre aux questions fondamentales posées par toutes ces démarches, à savoir d’une part le problème de la mauvaise gestion, du pillage et de l’accaparement par une minorité des ressources naturelles et produites au Cameroun, et d’autre part le problème des droits humains élémentaires et de la justice, Monsieur le Ministre verse dans l’insulte gratuite : « associations de malfaiteurs ! ».
Aucune définition, ni juridique, ni littéraire, ne justifie la qualification de nos démarches de « méfaits ».
Les
seuls faits possibles que peuvent causer les démarches du CODE ou du
CCD, c’est que des enquêtes soient réalisées pour établir les
responsabilités dans les massacres de février 2008 et que les
responsables soient punis, ou encore que des enquêtes démontrent la
nature frauduleuse de biens mal acquis et recelés en France, avec pour
objectif noble que ces biens soient restitués à leur légitime
propriétaire, le peuple camerounais.
Ne voit-on pas très bien de quel côté se trouvent les malfaiteurs, les méfaits et leurs auteurs ?
Si les démarches entamées par le
CODE ou le CCD aboutissent, les « méfaits » ne seront que pour les
détourneurs et les assassins, mais pour le peuple camerounais, ce
seront des bienfaits. En nous traitant de « malfaiteurs », Monsieur
Eyebe Ayissi parle-t-il comme le représentant des premiers, ou comme le
défenseur du second ?
D’autre part, regrettant de ne pouvoir commettre avec aisance le mal que le régime aurait sans scrupule fait subir aux membres du CODE et du CCD s’ils étaient au Cameroun, M Eyebe Ayissi en appelle, avec une certaine impuissance, aux pays qui nous hébergent en leur demandant de traduire devant leur justice, pour « insulte à chef d’Etat étranger », des honnêtes gens respectueuses du droit international. Et M. Eyebe d’écrire :
« Au demeurant, sur le plan du
droit et au niveau des pays d’accueil concernés, les déclarations et
publications respectives de ces compatriotes, concernant le Président
de la République Paul BIYA, constituent, assurément, des « injures à un
Chef d’Etat étranger », au sens de la loi pénale ».
Nous proposons à M. le Ministre qu’il n’attende pas que le Procureur de la République française ou le Procureur du Roi en Belgique, veuillent bien nous accuser « d’injures à chef d’Etat étranger » : que M. Eyebe mandate directement l’organisation que son régime a fabriquée de toutes pièces, le COSCE, pour nous attaquer en justice en France, en Belgique, en Allemagne ou aux Etats-Unis. Dans ces pays où le droit a encore du sens, bien que leurs gouvernements soutiennent le régime de M.BIYA, nous attendons sereinement l’inculpation pour « injures à chef d’Etat étranger ». Et si l’histoire des procès d’autres dictatures contre l’Association Survie par exemple, n’a pas servi de leçon à M Eyebé Ayissi, peut-être qu’un procès contre nous lui en apprendra. Oserait-il nous donner l’occasion d’éclairer une fois de plus l’opinion internationale sur les accusations que nous portons contre ce régime et son chef ?
En attendant de répondre à M. Eyebe Ayissi sur d’autres sujets plus sérieux tels que les mascarades de «festivités » du cinquantenaire, les répercussions de la « démagogie » de Paris pompeusement appelée « le discours de Paris » et toutes les autres fades considérations du texte de M. Eyebe, le CODE regrette que le Ministre des Relations Extérieures du régime de Monsieur BIYA porte ainsi atteinte à l’image du peuple camerounais, en s’attaquant aussi bassement à des compatriotes dont le seul tort est de parler de justice et de transparence en exigeant l’établissement d’une gouvernance appropriée au 21ème siècle.
Pour le CODE
Moïse ESSOH, Secrétaire exécutif