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Yaoundé, 02 Septembre 2013
© L'Anecdote

Ce n'est plus un secret, Mgr Tonyè Bakot a été contraint à la renonciation dans des circonstances non élucidées jusqu'ici. Nous avons mené l'enquête. Voici comment les réseaux ont œuvré.

Quelques semaines, après le communiqué laconique de la nonciature, les langues commencent à se délier. Des informations recoupées au Vatican, dans l'entourage du prélat et certains milieux bien introduits sont de plus en plus précises sur ce qui restera officiellement connu comme la «renonciation de Mgr Tonyè Bakot». En vérité, le désormais Archevêque Émérite de Yaoundé a été contraint à la renonciation et réduit au silence depuis lors. Si beaucoup ont été surpris voire choqués par la nouvelle du départ de l'ancien évêque d'Edéa, quelques personnes, elles, étaient dans le secret des anges depuis des mois. 

Difficile de croire à une simple coïncidence avec les événements du 29 juillet. Visiblement il y en a qui savaient, bien à l'avance, ce qui se tramait et où ça se passait. De qui tenaient-ils donc leurs informations si ce n'est des hauts responsables de la curie au Saint-Siège? Comment des décisions qui relèvent de la seule compétence du Pape et de ses plus collaborateurs peuvent-ils se retrouver sur la place publique avant même qu'elles ne soient entérinées? Quand on connait le culte du secret qu'entretient l’Église catholique, cela laisse pantois. 


"Je vous ai dit que je l'aurai. Je l'ai eu." 

Mars 2013, l'Archevêque de Yaoundé assisté du conseil presbytéral sanctionne, à titre conservatoire, le Curé de la paroisse Nnom Nnam-Camps Sonel d'Oyomobang à Yaoundé, le nommé Kisito Etoundi Bibeguele pour tendances homosexuelles avérées et affichées en milieu ecclésiastique, Le Prêtre sanctionné va se rendre à Rome quelques temps après et ce, contre l'avis de son évêque, jurant auprès de tous ceux qui voulaient bien l'entendre qu'il, se vengerait. Une fois à Rome, il ne manquera pas d'appeler un de ses proches resté au Cameroun et de lui dire: «c'est ici qu'on fabrique les évêques». Entendez, c'est aussi ici qu'on les démet. Le sort de Mgr Tonyè Bakot, l'un des hommes le plus incompris et combattu de l’Église catholique au Cameroun, aurait été longtemps scellé. 


Le prix de la lutte anti homosexuelle 

Des informations en notre possession laissent croire, avec une certitude déconcertante, que Mgr Tonyè Bakot paie aujourd'hui le prix de sa croisade contre l'homosexualité et les réseaux sectaires. «Ici au Vatican, tout le monde sait que Mgr Tonyè Bakot a été victime des réseaux». Telles sont les confidences téléphoniques d'un Prêtre d'origine camerounaise résident à Rome à un de ses proches à Yaoundé il y a quelques temps. Il s'agit, à coup sûr, des réseaux homosexuels et sectaires dont la présence et l'influence à la curie, au Saint-Siège, ont été récemment confirmées par le Pape François lui-même. Il n'échappe à personne que depuis 2005, deux ans après son arrivée à la tête de l'Archidiocèse de Yaoundé, Mgr Tonyè Bakot n'a pas cessé de dénoncer toutes les pratiques qui vont à l'encontre de la foi chrétienne: homosexualité, sectes, etc. 

En 2005, lors des ordinations à la Basilique mineure de Mvolyé, à Yaoundé, il fustige la Rose-Croix et affirme que «l'on ne peut pas être chrétien et rosicrucien». Un an plus tard, il fait une homélie enflammée contre l'homo¬sexualité qui va rester dans l'histoire de l’Église catholique au Cameroun, Il faudrait être naïf pour croire que tout cela allait se faire sans conséquence pour le prélat qui a affirmé, à plu¬sieurs reprises, qu'il faisait ce qui est bon pour l’Église, pour les fidèles. Mais c'était sans compter avec la puissance des forces du mal qui ont pris l’Église en otage aujourd'hui. 

Si Mgr Tonyè Bakot croyait être sur le bon chemin, celui de la vérité, celui de la lumière, il renforçait, à chaque instant, à chacune de ses sorties, le courroux des hommes de l'ombre qui ont su, dans une campagne savamment organisée, le discréditer aux yeux des fidèles imaginant et révélant, de façon méthodique, "des scandales" que la simple bonne foi aurait permis de clarifier. Un faisceau d'accusations bien structurées a régulièrement alimenté une certaine presse avec un chronogramme bien agencé dans le seul but de montrer que l'Archevêque de Yaoundé était l'incarnation du mal. A ce jeu, elle a brillamment réussi. Mais quand on convoque l'histoire, un constat vite s'impose: toutes les polémiques autour de Mgr Tonyè Bakot commencent ou s'accentuent après 2006, l'année où il décide d'aller en guerre contre l'homosexualité. Curieuse coïncidence! Et ses premiers ennemis -qui se comptent désormais par milliers-sont autour de lui et avec lui. 


Filoni-Sarah-Pioppo, des alliés de poids pour les ennemis. 

Pour débarquer un évêque de la gouvernance d'un diocèse, seul Rome en a la compétence. Habituellement, cela relève du pouvoir discrétionnaire du Pape quand la curie lui présente un dossier. De sources bien introduites, le cas de Mgr Tonyè Bakot a été présenté au Pape François un jour avant qu'il ne se rende aux JMJ à Rio de Janeiro, au Brésil. Par qui et pourquoi? Par le duo Filoni-Sarah, le premier étant le Préfet de la propaganda Fide et le deuxième, le Secrétaire de cette structure qui gère les diocèses des territoires africains au Saint-Siège. Considéré comme «le tombeur des évêques africains», Robert Sarah est un évêque guinéen qui a été promu cardinal en 2012, une sorte de promoveatur ud admoveatur, après avoir fait tomber près d'une dizaine d'évêques sur le continent (2 en RCA, 1. au Congo-Brazzaville, 1 au Burkina-Faso, 2 au Bénin). Les ennemis de Mgr Tonyè Bakot ont su trouver en la personne de Robert Sarah, l'homme idéal pour faire partir l'Archevêque anti-homosexuel. 

Déjà en 2008, le Cardinal Sarah avait voulu envoyer «un visiteur aposto-lique» (une sorte d'enquêteur) à Yaoundé pour entendre celui-là qui menait une guerre féroce contre le religieusement incorrect, Mgr Tonyè Bakot. Il essuya alors un refus catégorique de la part du nonce apostolique de l'époque. Ce n'était que partie remise puisque l'occasion de débarquer l'Archevêque de Yaoundé lui a été donnée à nouveau avec des complicités locales, en tête desquelles le nonce apostolique actuel, Mgr Piero Pioppo qui n'a eu cesse d'envoyer de mauvais rapports à Rome contre le clergé camerounais en général et les évêques en particulier. Dire que le loup est dans la bergerie c'est peu dire. Mais où va l’Église catholique? 

GEORGES-HENRI AKOU 
JOURNALISTE