Change-t-on l'équipe qui gagne? Absolument pas. Le Gouvernement du 09 octobre 2011 est postélectoral. Au-delà du limogeage systématique de ceux des ministres qui se sont comportés avec complaisance dans l'organisation du Comice agropastoral d'Ebolowa, l'équipe gouvernementale actuelle a deux spécificités à savoir : la récompense politique de ceux qui ont ferraillé pour la très éclatante victoire de Paul Biya à la présidentielle de 2011 et l'arrivée au Gouvernement d'une cuvée de technocrates nécessaires au lancement des chantiers des «Grandes Réalisations». La même équipe jouit de la maîtrise des rouages et du terrain politiques. Celle-ci devrait pouvoir mettre son expertise à contribution pour conforter la marge de manœuvre de Paul Biya au Sénat, au Parlement, et dans les collectivités locales décentralisées. Ces ministres sont en train d'abattre un travail titanesque aux côtés d'ELECAM pour gagner le pari de la refonte biométrique du fichier électoral. Parallèlement à cette réalité, il y a une priorité qui est la feuille de route. Les actuels membres du Gouvernement viennent de suivre un séminaire en vue de renforcer leurs capacités afin de faire progresser la réflexion méthodologique et affiner l'élaboration des feuilles de route dans un contexte de budget programme.
De plus, il n'y aurait véritablement rien à reprocher à l'équipe en place dès lors que globalement, les résultats acquis pour l'exercice budgétaire précédent font état de 65,83% du taux de réalisation. La même cuvée de ministres a défendu le budget programme en vigueur cette année. Il culmine à 3236 milliards FCFA. Ici, il est question de juger le maçon au pied du mur pour une évaluation objective des membres du Gouvernement. La période expérimentale dudit budget axé sur les résultats probants s'étale sur 3 ans (2013-2015). Pour l'instant, rien ne semble obliger le Chef de l'Etat à s'encombrer d'une équipe autre que celle en place. Ce serait un saut vers l'inconnu, à cette période charnière consacrée non seulement à l'élection des représentants locaux mais surtout, le renouvellement du sommier politique au sein du RDPC. C'est ce dernier aspect qui préoccuperait le Président national du parti des flammes où les batailles de positionnement et toutes sortes de spéculations font le menu quotidien dès lors que les données ont changé. C'est chaque candidat qui doit toucher tout son électorat pour se faire élire ou non. Dans le même sens, certains bastions du RDPC sont devenus fragiles à cause des ressentiments nés de l'Opération Epervier, notamment, dans le grand Nord, avec l'arrestation et la condamnation de Marafa, ainsi que la mise en détention préventive d'Inoni Ephraim, ancien Premier Ministre. Tous les deux sont accusés de détournement de la fortune publique. Sur le terrain, il faut l'avouer, l'harmonie est menacée principalement dans le Grand Nord et le Sud-Ouest. Plus embarrassant alors, Paul Biya doit trancher le débat sur la revendication dans les coulisses, du poste de Premier Ministre par l'élite du Grand Nord. Or ce poste fait l'objet de rotation dans la partie anglophone. La Présidence du Sénat figure également dans ce fichier. L'Adamaoua donne déjà le ton pour s'accaparer de ce prestigieux siège.
Opération Epervier
Les dernières arrestations de février dernier dans le cadre de l'Opération Epervier n'encouragent pas non plus le remaniement. Paul Biya préférerait jouer la pédale douce dès lors que ces arrestations ont toujours charrié une vive polémique dans l'opinion. Les dernières grosses prises du rapace des tropiques sont Mbia Enguéné, TPG de Yaoundé et Charles Metouck, ancien DG de la Société Nationale de Raffinage (SONARA). Les deux appartiendraient à des réseaux de détournements dont une retouche actuelle serait mal venue dès lors que les deux proies de l'Epervier auraient des complicités et des ramifications avec le sérail. Pour le TPG de Yaoundé, le détournement présumé de plusieurs milliards indexe certains hauts gradés et magistrats militaires des Forces de Défense. Tellement le dossier devient délicat dans la mesure où, depuis la fin de l'année 2012, l'on assisté à la rupture de l'idylle entre Paul Biya et son Armée. Des cas de haute trahison sont légions depuis la fusillade déclenchée par un élément de la Garde Présidentielle. Il était de faction sur le trajet que devait emprunter le cortège présidentiel de retour de la finale de la Coupe du Cameroun, édition 2012. Depuis ce temps, le malaise au sein des Armées est réel. On parlait même d'un groupe d'activistes et de dissidents à partir d'un mouvement «soldats patriotes». Il y a sans doute de l’électricité dans l'air. On se rappelle que Paul Biya vient d'engager une opération de dératisation dans sa sécurité immédiate, à l'instar de la GP et de la Brigade du Quartier Général. Quant à l'arrestation de Charles Metouck, il est clair que le secteur pétrolier est une arme stratégique très redoutable. La SONARA occupe le peloton de tête des entreprises en termes de chiffres d'affaires. Il suffirait que Charles Metouck explose véritablement pour voir s'emparer du sérail la confusion et le chamboulement. Au regard de ce qui précède, la météo sociopolitique, stratégique et sécuritaire n'est donc pas du tout favorable à toute logique de remaniement ou de réorganisation du Gouvernement.