Remaniement: La solidarité gouvernementale vole en éclats

YAOUNDE - 30 NOV. 2011
© Georges Alain Boyomo | Mutations

L’annonce de la formation d’un nouveau gouvernement exacerbe les désaccords et trahisons entre ministres; Les colonnes des journaux fleurissent ces derniers temps de désaccords entre membres du gouvernement sur des dossiers engageant la vie de la nation. Bien que ces différends ne soient pas l’apanage du Cameroun...

Cameroun: Leurre de solidarité gouvernementale

L’esprit d’équipe prôné par le chef de l’Etat ne résiste pas aux équations personnelles de certains ministres.

Les colonnes des journaux fleurissent ces derniers temps de désaccords entre membres du gouvernement sur des dossiers engageant la vie de la nation. Bien que ces différends ne sont pas l’apanage du Cameroun, il va de soi que les batailles entre des ministres du cabinet Yang vont s’intensifier, comme cela a été souvent le cas dans les mêmes circonstances, à mesure que la formation du «gouvernement des grandes réalisations» sera retardée; avec les conséquences prévisibles sur l’atteinte des objectifs que le gouvernement s’est fixé. De toute évidence, cette situation remet sur la sellette un notion régulièrement réitérée par le chef de l’Etat, Paul Biya, ces dernières années à l’endroit des gouvernements successifs : la «solidarité gouvernementale». En fait, c’est le 27 avril 2001, à la faveur d’un réaménagement gouvernemental marqué par la sortie de personnalités présentées comme des «têtes fortes», à l’instar d’Edouard Akame Mfoumou (ministre de l’Economie et des Finances) et d’Augustin Kontchou Kouomegni (ministre des Relations extérieures), que Paul Biya évoque publiquement pour la première fois cette expression.

Dans une «lettre circulaire», accompagnant la composition du nouveau cabinet, il invite la nouvelle équipe au devoir de solidarité gouvernementale. «Chaque ministre doit faire siennes les décisions prises, quelles que soient ses attributions et qu'elle qu'ait été sa position dans leur préparation. Si des incompréhensions ou des difficultés d'interprétation subsistent, elles doivent être réglées en conseil de cabinet, et une fois arbitrées, ne plus faire l'objet de débats publics ou privés. Il est notamment inconcevable que des critiques se fassent jour dans la presse, à l'égard de l'action gouvernementale ou d'une décision ministérielle de la part de membres du gouvernement, au détriment évident de la cohésion de celui-ci. De tels comportements sont inadmissibles de la part des ministres appartenant à une même équipe. Ils sont de nature à fragiliser l'autorité de l'Etat. Aussi, je vous demande d'y mettre fin».


Septennat

Un discours empreint de fermeté, qui n’a pas pour autant fait le lit de la cohésion gouvernementale souhaitée. En effet, ils sont encore importants, les cas d’insubordination vis-à-vis de la hiérarchie mais aussi les cas de «velléités indépendantistes» de certains ministres «qui ne rendraient compte qu’au chef de l’Etat». Si bien que Paul Biya se sent toujours le devoir de rappeler, au cours des épisodiques conseils de ministres qu’il préside (le dernier a eu lieu le 3 juillet 2009) la nécessité de promouvoir la solidarité gouvernementale, «gage d’efficacité et de succès».

Selon le politologue Mathias Eric Owona Nguini, «la solidarité est une exigence essentielle pour tout gouvernement. Les membres du gouvernement doivent agir de concert. Mais à l’examen, pour le cas du Cameroun, il existe, de manière récurrente, des frictions entre des ministres, lesquelles sont étalées dans les chroniques médiatiques».

L’universitaire pense que ces «divergences» sont fondamentalement liées à «l’existence de plusieurs pôles de coordination de l’action gouvernementale, notamment les services du Premier ministre et le Secrétariat général de la présidence de la République. De plus, la répartition des tâches entre les différents ministères n’est pas toujours claire. Il faut mettre beaucoup de soin à l’architecture gouvernementale afin qu’il n y ait pas de chevauchements de compétences. La division du travail gouvernemental ne doit pas souffrir d’équivoques. Donc, si l’architecture gouvernementale est restructurée, on n’aura moins de divergences et les arbitrages se feront plus facilement». On signalera du reste que l’absence d’un conclave au cours duquel l’action du gouvernement est régulièrement évaluée favorise aussi les batailles de chiffonniers au sein de l’appareil gouvernemental. Des «combats» qui pourraient s’intensifier au cours de ce septennat pressenti comme le dernier de Paul Biya.


30/11/2011
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