Remaniement: L'équipe Yang doit elle être démantelée?
En réalité, pour peu que l'on soit un observateur averti de la scène politique camerounaise, et que l'on envisage un tant soit peu de prendre du recul, les contours de ce remaniement ou réaménagement ministériel apparaissent quasi incontestables...
En ce mois de janvier 2011, sauf changement, nous sommes pratiquement à moins de 10 mois de la prochaine élection présidentielle au Cameroun. Dans son message de fin d'année à la nation, Paul Biya a parlé « des élections » qui auront lieu en cette nouvelle année. On imagine que le chef de l'Etat pourrait faire organiser au cours de cette année, à la fois, l'élection présidentielle et (comme beaucoup d'analystes politiques commencent à le penser de plus en plus) les sénatoriales longtemps attendues. Politiquement, et davantage pour lui-même, l'actuel chef de l'Etat a besoin d'une équipe qui le rassure, et qui rassure aussi bien l'opinion publique camerounaise que celle de la « Communauté internationale ».
Le gouvernement que conduit actuellement Yang Philémon(photo)
apparaît quelque peu à la fois essoufflé et pas du tout soudé. Les
intérêts y sont divergents. Comme l'affirmait un politologue proche du
parti au pouvoir « l'équipe Yang actuelle, apparaît disparate et pas du tout solidaire ». En cela, on pense aux non respects des feuilles de routes
commandées par le Premier ministre, à la plupart des ministres
actuellement en fonction. De plus, ce même gouvernement, nonobstant la
compétence et la probité incontestées de son chef, ne semble pas avoir
atteint les résultats escomptés. Souvenons-nous, au lendemain du 30 juin
2009, le chef de l'Etat avait prescrit à Yang Philémon et son équipe 6
mois de travail pour arriver à des aboutissements probants. Au-delà de
ce délai qu'a –t-on constaté ? Non seulement les instructions du
Premier ministre ont pratiquement été boudées par des ministres, mais
aussi des membres du gouvernement n'ont absolument rien pu produire
comme résultats convaincants. Plus grave les ministres se sont marchés
dessus, à travers des conflits d'intérêts redoutables et effrayants.
Au final, lorsqu'on ajoute à cela, cette fameuse « Opération Epervier »
dont on signale, à tort ou à raison, que certains membres de l'actuelle
équipe de Yang Philémon seraient visés, l'inertie rampante, et la
corruption quasi généralisée dans les procédures de marchés publics dans
la plupart des ministères de la République, comme vient de le relever
Paul Biya lui-même dans son dernier message à la nation, on peut
affirmer sans risque de se tromper que les pourtours pour une mise en
route d'un énième gouvernement du Renouveau sont établis.
Les contours d'un remaniement annoncé
Absence
de résultats, non respect des feuilles de route, inertie tous azimuts,
actes de corruption répétés, sont entre autres, les motivations qui
semblent guider la volonté de Paul Biya de mettre en place une équipe
gouvernementale qui pourrait le conduire aux prochaines élections.
Ce
matin, en serrant la main du président de la République, à l'occasion
de la cérémonie des vœux qui lui est consacrée, certains membres du
gouvernement actuellement en fonction, s'avanceront certainement vers le
prince avec quelques amertumes. Et pour cause ? Pour certains, ce sera
peut-être la dernière fois qu'ils approchent le chef l'Etat en tant que
ministres. Depuis mi-décembre 2009, il se susurre en effet au sein du
landernau politique camerounais qu'un remaniement (ou alors
réaménagement) ministériel serait en vue. Certains l'avaient même
annoncé avec une précision étonnante pour le week-end de la fête de la
nativité. Puis le week-end de la saint Sylvestre. Il n'en a rien été
jusque là. Mais cela ne veut nullement dire que la rumeur sur ce
remaniement ministériel, qui part très souvent des milieux généralement
bien informés au niveau du sérail politique camerounais, serait sans
fondement.
Loin s'en faut. Un hiérarque du système explique : « Si l'on se fit au rythme avec lequel depuis 28 ans le président Biya fonctionne pour remanier ou réaménager l'équipe gouvernementale, à savoir tous les 18 ou 24 mois en moyenne, un remaniement ministériel devrait intervenir dans les prochains jours. Le dernier mouvement au niveau du gouvernement est intervenu le 30 juin 2009. Cela fait environ 18 mois. Ainsi, si la logique est maintenue, le président devrait opérer soit à un réaménagement, soit à un remaniement ministériel en profondeur. »
Et de poursuivre : « En fait, le président aurait pu le faire quelques mois avant la fin d'année, comme certains le présentaient. Mais il y avait plusieurs présuppositions qui logiquement l'auraient amené à surseoir à ce processus. On pense notamment à la session budgétaire du mois de novembre dernier, avec l'étude et l'adoption de la loi des finances qui mettaient en action, la plupart des membres du gouvernement dans la défense des budgets de leurs départements ministériels respectifs. Il apparaissait donc, assez moins judicieux d'effectuer des mutations en ce moment là. Et puis, le président a beaucoup voyagé à l'extérieur pendant le dernier trimestre de l'année 2009. Ce n'était pas donc une période de sérénité pour prendre un tel acte régalien. En fin d'année, c'est-à-dire au mois de décembre, il y avait toutes ces manifestations qui ont mis le chef de l'Etat au premier plan. Je pense au Cinquantenaire des armées à Bamenda, au possible voyage qu'il devait effectuer pour la Centrafrique à l'occasion des 50 ans de ce pays frère, et la situation du Comice agropastoral d'Ebolowa qui a été renvoyé en dernière minute. Bref, logiquement, même si les rumeurs annonçaient un remaniement ministériel, la période n'était pas propice pour le chef de l'Etat de se signaler comme tel de notre point de vue. »Nous sommes donc rendus en début d'année 2011. Et, comme il fallait s'y attendre, on reparle une fois de plus dans les coulisses du sérail politique camerounais de cette difficile affaire de remaniement ministériel. Dans les quartiers, des hauts commis de l'Etat, ceux qui sont au gouvernement, et/ou ceux qui aspirent (légitimement ou pas) à y entrer, sont chaque jour dès 17h, scotchés à la leur poste radio pour écouter le journal parlé du poste national de la Crtv. Soit dans l'attente ou la redoute, des décrets présidentiels portant remaniement ministériel. Plusieurs ont donc ainsi perdu le sommeil. Mais il faut se souvenir que Paul Biya demeure généralement imprévisible. En maître absolu du Cameroun depuis 28 ans, lui seul sait, en tant que coach et sélectionneur du Renouveau, quand il peut retirer des joueurs de l'air du jeu pour en faire rentrer d'autres. Et ce jour, en saluant les uns et les autres lors de la cérémonie des vœux à lui adressés au palais de l'Unité, à chacun, il aura certainement déjà, et peut-être fatalement indiquée, dans l'intimité de son cœur de grand manitou, un destin immédiat.