Regards (sur la crise ivoirienne): En attendant le vote des bêtes sauvages...
DOUALA - 20 DEC. 2010
© Suzanne Kala Lobé | La Nouvelle Expression
La crise politique qui a éclaté avec le Coup d’Etat de Gueï, puis par la suite son assassinat, cristallisée en 2002 par la guerre civile, a finalement donné naissance à un monstre à deux têtes.
La lutte est longue pour parvenir à clarifier les termes de références en Afrique pour élaborer des règles et construire le système démocratique. Elle est une route infinie, sinueuse et semée d’embûches sur laquelle roulent des contraintes historiques et culturelles qui tiennent le haut du pavé avec les préjugés idéologiques.
L’élection présidentielle ivoirienne est de ces faits sociologies qui rendent plus que tout de l’état d’avancement d’une société et surtout de la perception qu’elle a d’elle-même et de celle que les autres ont d’elle !
La crise politique qui a éclaté avec le Coup d’Etat de Gueï, puis par la suite son assassinat, cristallisée en 2002 par la guerre civile, a finalement donné naissance à un monstre à deux têtes. Cette situation n’est par ailleurs rien d’autres que le reflet d’une succession mal réglée depuis la mort d’Houphouët. Elle est le maelstrom, provoqué par les appétits constants des multinationales qui dictent les politiques étrangères des grandes puissances et leur gourmandise à contrôler les richesses des sous-sols africains.
Cette argumentation simple déplait souverainement aux africains convaincus que l’histoire n’est qu’une série de hasards qui s’entrechoquent sans jamais vraiment faire sens. Ceux et celles qui feignent de croire que tout arrive seulement depuis dix ans et que la faute est à la mal-gouvernance ontologique des africains. Eux, ces « révisionnistes » qui estiment que le poids de l’histoire n’engendre pas pesanteurs et responsabilités. Eux qui croient savoir que la précarité de la situation de la Côte d’Ivoire serait le prolongement du désir imbécile d’un dictateur qui ne veut simplement pas quitter le pouvoir. Cette explication simpliste et banale a l’inconvénient de laisser les jugements voire les évaluations d’une situation dans un dogmatisme manichéen et du coup figer la recherche objective de solutions.
Au fond que se passe-t-il aux pays des éléphants , réellement au-delà des débats conjecturels sur la prééminence de la légitimité du peuple sur la légalité et surtout sur le droit d’ingérence dont la communauté international semble avoir abusé sans vergogne dans le cas ivoirine ? Que fait-on de la souveraineté d’un Etat et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ? Etait-il de la responsabilité de l’Onuci de choisir un camp dans cette confusion ? Communauté Internationale ne devait-elle pas appeler les deux camps à plus de responsabilité en demandant la reprise des élections ? Par une de ces formidables pirouettes intellectuelles que seuls connaissent les Africains, Laurent Gbagbo, est devenu infréquentable, parce qu’il aurait confisqué le pouvoir depuis dix ans. Il serait temps pour lui de passer la main... passer la main à qui ?
C’est là où le débat devient intéressant : les arguments de l’alternance à tout prix pour la Côte d’Ivoire laissent de côté les orientations structurelles que ce pays doit prendre pour se déployer à nouveau. Les questions du choix de société du système économique, des principes de gouvernance sont occultées au profit d’une improbable neutralité du concept même d’alternance. La démocratie ce moins mauvais système, devient dans l’analyse en Afrique, un fourre-tout dans lequel on fourgue des principes, des concepts sans historiographie, sans mis en perspective, sans les contextualiser, en oubliant la lutte âpre des multinationales pour le contrôle de toutes les richesses de la terre.
Tout se passe comme si le monde aurait réellement changé de base et que la politique n’est qu’un enfer semé de bonnes intentions. Tout se passe comme si les appétences géostratégiques s’étaient fondues à l’aune d’une mondialisation qui continue de trainer comme un boulet l’inégalité du monde et les effets pervers de la division internationale du travail.
La situation ivoirienne prouve si besoin était que la lutte des clans existent. Que les affrontements idéologiques ont toujours cours et que la question de savoir si oui ou non des Etats peuvent être souverains et autonomes malgré la mondialisation demeure. Par ailleurs un combat sournois se mène depuis quelques années sur le continent, c’est le désir de contrôle religieux par l’islam, notamment dans cette région. Plusieurs querelles de leadership se télescopent, les fils s’emmêlent et bien malin celui qui réussira à en dévider l’écheveau. La force de Gbagbo est d’avoir compris la complexité de la situation et d’avoir poussé les extrêmes à abattre leurs cartes. Certes au détriment du peuple ivoirien de façon immédiate mais sans doute au profit d’une nouvelle Nation Ivoirienne de manière prospective. De nombreuses coalitions se font jour et la crise ivoirienne est l’exemple type de la collusion de nombreux acteurs pour préserver des intérêts en agitant l’ombre maussade et obscure d’un assoiffé de pouvoir qui refuserait de quitter en toute dignité.
L’impasse actuelle est le résultat de calculs de contrôlent qui remonte à l’an 2000. De nombreux accords furent signés dans des conditions de d’échanges atroces et il a fallu le courage de certains ivoiriens pour que le pays reprenne le chemin de la paix.
La Côte d’Ivoire aujourd’hui est à la croisée des chemins. Pour faire mentir les oiseaux de mauvais augure s, sans attendre le vote des bêtes sauvages, il leur faut utiliser cette disposition constitutionnelle qui autorise la Cour à faire reprendre les élections en cas d’irrégularités. Ensuite il faut que la Communauté Internationale s’engage à sécuriser le Nord du pays et aide au désarmement des Forces Nouvelles.
La démission de Guillaume Soro remise à Ouattara alors que rien n’était joué, est une indication de ce que l’axe lourd des dioulas n’a pas renoncé à contrôler le pays comme à charge de revanche ! Cette démission remise à Ouattara alors que le processus de validation n’était pas achevé, en dit long sur les manœuvres qui ont marqué la vie politique ivoirien au cours de ces dix dernières années.
Un écrivain, Ahmadou Kourouma, Ivoirien de surcroit, raconta en paraboles et comme de manière prémonitoire , dans son livre sarcastique « En attendant le vote des bêtes sauvages « le côté ubuesque voire même grotesque des dirigeants mais aussi des peuples face à cette procédure de sélection politique très particulière qu’est le vote .. Sur quoi repose-t-il en dernière instance ? Il caricaturait et expliquait combien les forces en présence utilisent les unes comme les autres des artifices pour gagner. Mais dans le cas précis de cette élection ivoirienne il y a plus qu’une caricature : les enjeux sont si énormes que tous les moyens ont été mis en œuvre pour conduire à l’impasse actuelle.
La balle est maintenant dans le camp des ivoiriens. Gbagbo, Ouattara en premier lieu : se laisseront-ils imposer la suite de leur histoire par les circonstances des autres ? C’est à eux d’en juger... Mais qu’ils sachent : l’Afrique toute entière, l’Afrique des novateurs, des femmes et des jeunes, les regarde ! Comme tous les patriotes. Car si le sang des patriote est une semence du patriotisme – comme le dit Ernest Ouandié - trop de sang coulé fini par rendre exsangue toute forme de patriotisme. Alors l’heure est venue : il faut se ressaisir et reprendre les élections, sans attendre le vote des bêtes sauvages.
© Suzanne Kala Lobé | La Nouvelle Expression
La crise politique qui a éclaté avec le Coup d’Etat de Gueï, puis par la suite son assassinat, cristallisée en 2002 par la guerre civile, a finalement donné naissance à un monstre à deux têtes.
La lutte est longue pour parvenir à clarifier les termes de références en Afrique pour élaborer des règles et construire le système démocratique. Elle est une route infinie, sinueuse et semée d’embûches sur laquelle roulent des contraintes historiques et culturelles qui tiennent le haut du pavé avec les préjugés idéologiques.
L’élection présidentielle ivoirienne est de ces faits sociologies qui rendent plus que tout de l’état d’avancement d’une société et surtout de la perception qu’elle a d’elle-même et de celle que les autres ont d’elle !
La crise politique qui a éclaté avec le Coup d’Etat de Gueï, puis par la suite son assassinat, cristallisée en 2002 par la guerre civile, a finalement donné naissance à un monstre à deux têtes. Cette situation n’est par ailleurs rien d’autres que le reflet d’une succession mal réglée depuis la mort d’Houphouët. Elle est le maelstrom, provoqué par les appétits constants des multinationales qui dictent les politiques étrangères des grandes puissances et leur gourmandise à contrôler les richesses des sous-sols africains.
Cette argumentation simple déplait souverainement aux africains convaincus que l’histoire n’est qu’une série de hasards qui s’entrechoquent sans jamais vraiment faire sens. Ceux et celles qui feignent de croire que tout arrive seulement depuis dix ans et que la faute est à la mal-gouvernance ontologique des africains. Eux, ces « révisionnistes » qui estiment que le poids de l’histoire n’engendre pas pesanteurs et responsabilités. Eux qui croient savoir que la précarité de la situation de la Côte d’Ivoire serait le prolongement du désir imbécile d’un dictateur qui ne veut simplement pas quitter le pouvoir. Cette explication simpliste et banale a l’inconvénient de laisser les jugements voire les évaluations d’une situation dans un dogmatisme manichéen et du coup figer la recherche objective de solutions.
Au fond que se passe-t-il aux pays des éléphants , réellement au-delà des débats conjecturels sur la prééminence de la légitimité du peuple sur la légalité et surtout sur le droit d’ingérence dont la communauté international semble avoir abusé sans vergogne dans le cas ivoirine ? Que fait-on de la souveraineté d’un Etat et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ? Etait-il de la responsabilité de l’Onuci de choisir un camp dans cette confusion ? Communauté Internationale ne devait-elle pas appeler les deux camps à plus de responsabilité en demandant la reprise des élections ? Par une de ces formidables pirouettes intellectuelles que seuls connaissent les Africains, Laurent Gbagbo, est devenu infréquentable, parce qu’il aurait confisqué le pouvoir depuis dix ans. Il serait temps pour lui de passer la main... passer la main à qui ?
C’est là où le débat devient intéressant : les arguments de l’alternance à tout prix pour la Côte d’Ivoire laissent de côté les orientations structurelles que ce pays doit prendre pour se déployer à nouveau. Les questions du choix de société du système économique, des principes de gouvernance sont occultées au profit d’une improbable neutralité du concept même d’alternance. La démocratie ce moins mauvais système, devient dans l’analyse en Afrique, un fourre-tout dans lequel on fourgue des principes, des concepts sans historiographie, sans mis en perspective, sans les contextualiser, en oubliant la lutte âpre des multinationales pour le contrôle de toutes les richesses de la terre.
Tout se passe comme si le monde aurait réellement changé de base et que la politique n’est qu’un enfer semé de bonnes intentions. Tout se passe comme si les appétences géostratégiques s’étaient fondues à l’aune d’une mondialisation qui continue de trainer comme un boulet l’inégalité du monde et les effets pervers de la division internationale du travail.
La situation ivoirienne prouve si besoin était que la lutte des clans existent. Que les affrontements idéologiques ont toujours cours et que la question de savoir si oui ou non des Etats peuvent être souverains et autonomes malgré la mondialisation demeure. Par ailleurs un combat sournois se mène depuis quelques années sur le continent, c’est le désir de contrôle religieux par l’islam, notamment dans cette région. Plusieurs querelles de leadership se télescopent, les fils s’emmêlent et bien malin celui qui réussira à en dévider l’écheveau. La force de Gbagbo est d’avoir compris la complexité de la situation et d’avoir poussé les extrêmes à abattre leurs cartes. Certes au détriment du peuple ivoirien de façon immédiate mais sans doute au profit d’une nouvelle Nation Ivoirienne de manière prospective. De nombreuses coalitions se font jour et la crise ivoirienne est l’exemple type de la collusion de nombreux acteurs pour préserver des intérêts en agitant l’ombre maussade et obscure d’un assoiffé de pouvoir qui refuserait de quitter en toute dignité.
L’impasse actuelle est le résultat de calculs de contrôlent qui remonte à l’an 2000. De nombreux accords furent signés dans des conditions de d’échanges atroces et il a fallu le courage de certains ivoiriens pour que le pays reprenne le chemin de la paix.
La Côte d’Ivoire aujourd’hui est à la croisée des chemins. Pour faire mentir les oiseaux de mauvais augure s, sans attendre le vote des bêtes sauvages, il leur faut utiliser cette disposition constitutionnelle qui autorise la Cour à faire reprendre les élections en cas d’irrégularités. Ensuite il faut que la Communauté Internationale s’engage à sécuriser le Nord du pays et aide au désarmement des Forces Nouvelles.
La démission de Guillaume Soro remise à Ouattara alors que rien n’était joué, est une indication de ce que l’axe lourd des dioulas n’a pas renoncé à contrôler le pays comme à charge de revanche ! Cette démission remise à Ouattara alors que le processus de validation n’était pas achevé, en dit long sur les manœuvres qui ont marqué la vie politique ivoirien au cours de ces dix dernières années.
Un écrivain, Ahmadou Kourouma, Ivoirien de surcroit, raconta en paraboles et comme de manière prémonitoire , dans son livre sarcastique « En attendant le vote des bêtes sauvages « le côté ubuesque voire même grotesque des dirigeants mais aussi des peuples face à cette procédure de sélection politique très particulière qu’est le vote .. Sur quoi repose-t-il en dernière instance ? Il caricaturait et expliquait combien les forces en présence utilisent les unes comme les autres des artifices pour gagner. Mais dans le cas précis de cette élection ivoirienne il y a plus qu’une caricature : les enjeux sont si énormes que tous les moyens ont été mis en œuvre pour conduire à l’impasse actuelle.
La balle est maintenant dans le camp des ivoiriens. Gbagbo, Ouattara en premier lieu : se laisseront-ils imposer la suite de leur histoire par les circonstances des autres ? C’est à eux d’en juger... Mais qu’ils sachent : l’Afrique toute entière, l’Afrique des novateurs, des femmes et des jeunes, les regarde ! Comme tous les patriotes. Car si le sang des patriote est une semence du patriotisme – comme le dit Ernest Ouandié - trop de sang coulé fini par rendre exsangue toute forme de patriotisme. Alors l’heure est venue : il faut se ressaisir et reprendre les élections, sans attendre le vote des bêtes sauvages.