Regards: 45 ans après Osendé Afana nous parle

DOUALA - 15 MARS 2011
© Edmond Kamguia K. | La Nouvelle Expression

Victime non seulement de l’ouverture précoce de son maquis du front de l’Est, mais aussi de la trahison de certains proches, des divisions qui minent l’Upc en exil et des nouveaux équilibres géopolitiques, Osendé Afana était un nationaliste engagé.

Premier docteur en sciences économiques de l’Afrique noire sous domination française, Castor Osendé Afana fut capturé dans le maquis du front de l’Est Cameroun, exécuté et décapité le 15 mars 1966. Osendé Afana est assassiné à l’âge de 36 ans. Du côté de Ndélélé, non loin de la frontière entre le Cameroun et le Congo Brazzaville. Un an à peine après l’ouverture de ce qui avait la prétention de constituer les jalons du « Deuxième Front », après le front de l’Ouest dirigé par Ernest Ouandié. Osendé Afana avait mis sur pied ce front avec des camarades militants de l’Union des populations du Cameroun (Upc) dont Henri Hogbe Nlend et Fosso François.

Selon des témoignages plus ou moins concordants, la tête d’Osendé Afana fut tranchée et ramenée au président Ahmadou Ahidjo par un hélicoptère, peu après son exécution.Collaborateur d’Osendé Afana dans le maquis du front de l’Est, Henri Hogbe Nlend se serait enfuit et aurait abandonné son camarade. Les détracteurs d’Henri Hogbe Nlend disent qu’il n’aurait eu la vie sauve qu’après s’être mis sous la protection de la France.


Economiste de haut vol

Spécialiste des problèmes de développement, marxiste, maoïste et anticapitaliste, Castor Osendé Afana est connu comme le premier théoricien du socialisme africain. Il est auteur d’une thèse de doctorat en sciences économiques intitulée « L’Economie de l’Ouest africain : Perspectives de Développement ». Une brillante thèse publiée à Paris, aux Editions François Maspero, en 1966.

Le gouvernement français de cette époque a interdit et fait saisir le livre de cet économiste de haut vol. Un ouvrage qui dérangeait la tranquillité des colons français et occidentaux.Né en 1930 à Ngoksa, près de Saa dans l’actuel département de la Lékié, Castor Osendé Afana a fait ses études primaires à la mission catholique de Saa jusqu’à l’obtention du CEPE. En 1942, il entre au petit séminaire d’Efok.

L’année suivante, il entre au petit séminaire d’Otélé jusqu’à la fin du cycle secondaire.Entré au grand séminaire de Mvolyé, il est exclu pour son esprit critique et son caractère rebelle. C’est en qualité de candidat libre qu’il passe avec succès la première partie du baccalauréat. Il s’inscrit en classe de philosophie au lycée Général Leclerc de Yaoundé en 1951.Un an plus tard, il prend la tête d’une manifestation des élèves contre le mauvais état de la nourriture servie aux pensionnaires. Cela ne l’empêche pas de réussir la deuxième partie du baccalauréat en juin 1952. A la faveur d’une bourse, il se rend en France, à Toulouse pour poursuivre des études supérieures à la faculté de droit et des sciences économiques.

Il adhère à l’Association des étudiants camerounais (AEC) qui deviendra l’Union nationale des étudiants du Cameroun (UNEC), puis l’UNEK avec la lettre K pour « Kamerun », allusion au Cameroun allemand.En 1954, il retourne en vacances au Cameroun et se marie. Dieu bénit son mariage avec quatre enfants : Joseph Osende, Martin Osende, Alice Osende et Félix Moumié Osende. La même année 1954, il représente l’AEC à la Fédération des étudiants d’Afrique Noire en France (Féanf).


Nationaliste engagé et panafricaniste résolu

En 1955, Osende Afana, Ndongo Diyé et Michel Ndoh mettent en place le comité de base de l’UPC à Toulouse. Après les événements de mai 1955 au Cameroun, le comité de base de l’Upc de Toulouse et la section de l’AEC de Toulouse lancent une série de pétitions et mobilisent les opinions publiques française et internationale sur la situation du Cameroun.

En 1956, Osendé Afana devient Vice-président de la Féanf et Directeur de publication de « L’Etudiant d’Afrique Noire », organe d’expression de la Féanf dont le siège a été transféré à Toulouse à l’initiative d’Albert Tevodjéré, l’ancien Directeur de publication.En février 1957, il est délégué aux Nations-Unies au nom des étudiants upécistes pour réclamer la réunification et l’indépendance du Cameroun. A titre de représailles, L’Etat français supprime sa bourse d’études. Il quitte Toulouse pour Paris et est élu trésorier général de la Féanf.C’est en 1958, l’année de l’assassinat de Ruben Um Nyobé, qu’il quitte clandestinement la France pour rejoindre la direction de l’Upc au Caire. Il va représenter l’Upc au Secrétariat Permanent Afro-asiatique au Caire, en Egypte. Il anime alors une émission radiophonique portant le nom emblématique du journal de l’Upc : « La Voix du Cameroun ».


Soutenu par Ernesto Che Guevara

L’assassinat par empoisonnement en Suisse de Félix Roland Moumié en 1960 rend Osendé Afana nerveux et radical. En 1962, il est élu membre du Comité Révolutionnaire par la première Assemblée Populaire sous maquis. L’année d’après, il s’installe au Congo Brazzaville où il encadre les jeunes et effectue le travail de conscientisation des masses dans les régions frontalières du Sud-est du Cameroun. Avec le précieux soutien de la Chine, du célèbre révolutionnaire Ernesto Che Guevara et des amis du gouvernement congolais de Brazzaville. Ce qui l’encourage à entrer en 1965 au maquis malgré une préparation hélas insuffisante ! Il était animé d’idéaux et de convictions d’une Afrique unie, forte, débarrassée du colonialisme et du néocolonialisme. Une Afrique dans laquelle le Cameroun jouerait un rôle déterminant grâce à son expérience historique de lutte anticoloniale et ses nombreux autres atouts dans la sous région, sur le continent africain et dans le monde. S’il n’avait pas été assassiné, Osendé Afana aurait eu 81 ans cette année !


16/03/2011
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