Réformes électorales: Peur sur la biométrie et le bulletin au Grand Nord

DOUALA - 09 Avril 2012
© Salomon KANKILI | Le Messager

La tâche des agents d'Elecam dans l'arrière pays précisément ne s'annonce guère aisée. Celle des chantres des différentes formations politiques et autres élites du septentrion non plus.

A la question de savoir comment se fera l'arrimage de la masse sous-scolarisé de l'arrière pays aux réformes du processus électoral, un magistrat municipal du parti au pouvoir dans l'Extrême-Nord a plutôt laissé poindre son embarras. «Je suis presque certain que ce ne sera pas du gâteau. Déjà avec l'ancien système nous avons fait des pieds et des mains pour les mettre au parfum. Voyez-vous pour les amener à voter le candidat Biya on leur a indiqué sa photo, la flamme et la couleur du bulletin. Mais certain se sont basé sur la couleur en votant pour des candidats de l'opposition», a-t-il indiqué sous cape. Même si ce dernier reconnait que la mise à zéro du fichier électoral à la faveur de la biométrie est une «avancée significative, tout comme le bulletin unique».

Les inquiétudes du maire Rdpc sont aussi perceptibles chez les responsables d'Election Cameroon (Elecam), l'organe en charge de l'organisation, la supervision et la gestion des élections au Cameroun. Samuel Fonkam Azu'u invoquait dans la foulée de son revirement (de la révision à la refonte) d'il y a quelques mois, le déploiement supplémentaire d'agents inscripteurs/enregistreurs. Une probabilité que le délégué régional d'Elecam pour l'Adamaoua avait aussitôt qualifiée de «perspective logique». Pour Abdoulahi Bidisse en effet, «la célérité de la refonte biométrique en dépend énormément, au même titre que les modalités pratiques (Ndlr: Kit d'enregistrement, logistique, formation des opérateurs et agents, etc.) y afférentes annoncées par le directeur général d'Elecam à la faveur du message-porté suspendant le processus de révision en cours à l'époque». En vérité, ce que le responsable régional d'Elecam ne dit pas, c'est que l'inaccessibilité et l'enclavement de certaines localités (Kontcha dans l'Adamaoua, Poli dans le Nord notamment) devraient davantage donner du tournis aux équipes sur le terrain.

L'étoffement de l'effectif au niveau des démembrements (éventualité du porte à porte) d'Elecam, au même titre que l'implication des élites locales, fait l'unanimité dans le landerneau politique de l'Adamaoua. De l'avis d'Aladji Ahmadou Danladi, «ça va être difficile d'implanter la nouvelle donne électorale auprès des populations sous-scolarisées si les élites intérieures et extérieurs ne prennent pas leurs responsabilités en main». L'élite de Ngan-ha dans la Vina pense qu'Elecam devrait se garder de faire cavalier seul.

L'autre peur est celle de l'engouement de l'électorat nordiste à se faire enregistrer. D'où l'éventualité d'un porte à porte.

«Sinon ça ne va pas être facile pour nous de convaincre les électeurs à converger vers nos agences respectives», a affirmé un responsable régional d'Elecam à Garoua. Il nous souvient que lors des inscriptions électorales en vue de la présidentielle de 2011, nombre de potentiels électeurs étaient resté cloitrés chez eux. Une frange s'était néanmoins rétractée pratiquement à la dernière minute, anticipant leur abstention le jour du scrutin.

La population électorale de l'Adamaoua par exemple était estimée à plus de 457 029 électeurs en août 2011. 437 130 avaient pu se faire inscrire (y compris les données de 2007). Sauf qu'au final, seulement 313 922 avaient valablement exprimé leur suffrage. Les statistiques prévisionnelles pour 2013 (année des élections couplées) pour la Région avoisinent 650 000 électeurs. Pour qui sait que dans le septentrion, l'arrière pays a toujours constitué un grenier électoral lors des législatives et municipales, il y a de quoi être perplexe et avant-gardiste.



Alhadji Ahmadou Danladi: «Les élites devront œuvrer au côté d'Elecam»

L'élite, président d'un comité de développement dans l'arrondissement de Ngan-Ha (Vina-Adamaoua) ; par ailleurs en service à la délégation régionale du transport de l'Adamaoua mesure l'immensité de la responsabilité des élites dans le processus de réformes du système électoral au Cameroun.


Le débat sur la refonte biométrique du fichier électoral, l'avènement du bulletin et d'un code électoral unique sont d'actualité au Cameroun. Comment l'élite de l'arrondissement de Ngan-ha suit-elle cette réforme?

Je vous remercie pour cette question importante. C'est une question d'actualité qui est maintenant sur toutes nos lèvres des militants du Rdpc et élites de la localité. Dans la mesure où l'application du nouveau système électoral dans les villages va être difficile. Les gens de ce côté ne connaissent pas le système et ne savent pas comment il est. Mais avec le concours de l'Etat, d'Elecam et de l'élite, nous allons nous organiser pour vulgariser ce nouveau système électoral. Cela nécessite beaucoup de sensibilisations, des explications et beaucoup de séminaires pour que tout le monde prenne la mesure de la chose. C'est ce que nous allons faire et c'est ainsi que nous suivons cette actualité très importante.


Quel jugement portez-vous sur la décision d'Elecam de procéder à une refonte plutôt qu'une révision? Comment le collectif des élites de Ngan-ha a-t-il accueilli ce revirement de l'organe chargé de l'organisation, de la supervision et gestion des élections au Cameroun?

Evidemment nous avons bien accueilli cette décision. Avant on était habitué aux cartes simplement, maintenant on bascule pour la biométrie ce qui veut dire l'électronique ou le système informatisé. Avant on n'incluait pas les photos et les empruntes maintenant tout cela est pris en compte. C'est ce qui est adopté dans presque tous les pays développés ou en voie de développement. Nous l'accueillons à cœur joie, pourvu que toutes nos populations s'y imprègnent, s'y adaptent effectivement. Naturellement avec notre concours, car il est de notre devoir de mettre tout le monde au parfum. Même si ça va être difficile. On le comprend, tout ce qui est nouveau doit aussi connaître des débuts difficiles avant d'émerger.


Qu'est-ce qui va être fait concrètement par l’élite de Ngan-ha pour assurer la fluidité de l'information électorale dans l'arrière pays?

Pour que le message électoral passe véritablement il va falloir des spots publicitaires en langues locales ; il faut une large sensibilisation, il faut beaucoup de réunions communautaires, des affiches et même des meetings pour montrer aux populations sous-scolarisées ce que c'est que la biométrie, le bulletin unique, etc.


Ce n'est pas un exercice facile a priori...

Ça ne va pas être facile au niveau des populations sous-scolarisées. On va parler dans toutes les langues. Il faut surtout le concours des élites et de la presse.


Quelles sont vos propositions, aussi modestes soient-elles, à l'endroit d'Elecam qui envisage déjà une vaste descente sur le terrain?

C'est de vulgariser suffisamment le nouveau système électoral. Surtout bien monter aux populations les avantages de la biométrie, leur démontrer que c'est le meilleur qui soit en matière électorale. Leur dire qu'avec la biométrie l'élection est facile et transparent.


10/04/2012
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