Recrutement de 25 000 jeunes : Marchandages autour des fiches de candidatures
Recrutement de 25 000 jeunes : Marchandages autour des fiches de candidatures
Certains candidats l’achètent aux abords de la délégation régionale de la Fonction publique centre à 1000Fcfa.
12
h. A la délégation régionale de la Fonction publique du Centre, une
marée humaine a pris d’assaut les cours centrale et arrière du bâtiment.
La marée humaine déborde tellement que, les trottoirs, la rue, les
couloirs et même le jardin aménagé au niveau du nouveau rond point dit
de la Province, sont immergés par cette surpopulation inhabituelle au
point de créer des bouchons à cet endroit. «Tu as vu cette marée
humaine», s’exclame un candidat qui vient d’arriver. Un autre, dépité,
lance : «Les 25 000 là vont remplir dans le bâtiment et je n’aurai
toujours pas de fiche». Dans la journée de lundi, une bousculade a
conduit à l’évanouissement d’une dizaine de candidats à cause de la
chaleur.
Sur une fenêtre, tel un essaim d’abeilles, des centaines de
candidats au recrutement à la Fonction publique sont agglutinés dans
l’espoir de retirer la fiche de candidatures qui, tel que l’indique
l’avis de recrutement, est téléchargeable sur le site du ministère de la
Fonction publique et de la Réforme administrative (Minfopra). «Nous
avons téléchargé la fiche mais lors du dépôt des dossiers, elle a été
rejetée parce qu’elle comporte pas la mention indiquant la région qui
pour ce qui est du Centre est «CE». Voilà pourquoi on est obligé de
revenir ici s’aligner de 7h jusqu’à parfois 14h pour espérer l’avoir»,
témoigne un candidat.
Certains malins, soulignent des candidats,
l’ont retirée en quantité importante. Ainsi pour gagner un peu d’argent,
ils profitent de l’impatience des uns et de la foule pour monter les
enchères. «La fiche est gratuite, mais moi j’ai retiré trois fiches qui
portent déjà un cachet hier et je les vends à 1500Fcfa à ceux qui ne
peuvent supporter le soleil», témoigne un individu qui se fait passer
pour un candidat.
En dehors de la fiche de candidature, la chemise
cartonnée vendue officiellement à 100Fcfa, fait aussi l’objet d’un
commerce aux abords. «Les gens achètent à 100Fcfa et revendent à 500Fcfa
; imaginez le bénéfice lorsque quelqu’un prend 10 ou 20 chemises»,
s’indigne un candidat.
Au secrétariat technique chargé du
recrutement, un responsable indique que la mention CE ne devrait
conduire à ce type de malentendus. “Au niveau du ministère indique cette
source, nous avons imprimé 10 mille fiches portant cette mention pour
aider les candidats de la région. mais ce n’est pas une exigence que
cette fiche porte cette mention qu’on doit porter à la main au sein des
commissions régionales.”
Plaintes
D’après lui, cette
fiche est téléchargée sur e site vierge sans cette inscription ni
cachet. “Nous avons mis une machine de compostage que nous utilisons
lors des recrutements au ministère à la région pour éviter ces
marchandages qui sont le fait de personnes qui mettent les candidats en
difficulté et dans le piège”, explique la source.
Malgré les
assurances des cadres du Minfopra qui indiquent la mention précisant la
région d’origine doit être apposée à la main par les membres de la
commission de recrutement au dépôt des dossiers, beaucoup de candidats
continuent de chercher la fiche portant la mention CE. A l’entrée du
bâtiment abritant les services du gouverneur, une inscription rappelle
que «désormais, les fiches de candidatures seront remises dans la salle
de recrutement ; elles peuvent également être retirées sur le net.»
Mais
des candidats continuent de se plaindre de l’absence sur le site de la
fiche conforme qui comporte les mentions de la région d’origine, exigée
lors du dépôt des dossiers. Hier, dans la journée, le stock de fiches a
été épuisé à la délégation et à la région, tandis que le site n’était
plus accessible.
«Quand on va à la délégation, on nous dirige
vers la région. Et une fois ici, on dit qu’il faut aller sur le site du
ministère où la fiche n’est pas toujours pas actualisée», se plaint une
candidate.
Pour certains candidats, le marchandage des fiches et des
chemises cartonnées provient du sommet. «Il y a un marché noir autour
de cette opération, témoignait un postulant sur le poste national de la
Crtv hier à 17h ; les fiches de candidatures sont vendues à 1500, les
chemises cartonnées à 500Fcfa.»
Pour le superviseur de la commission
de recrutement de la région du Centre, c’est l’oeuvre des arnaqueurs.
«Il y a des arnaqueurs dehors qui font croire que les fiches et les
chemises se vendent, et qu’on marchande les cachets, c’est faux. Les
fiches sont gratuites, elles ne se vendent pas», a-t-elle souligné.
Ce
qui amène un agent de la région à déclarer que «désormais, les cachets
c’est au dépôt». Vers 15h, la tension a failli tourner à l’émeute. Les
candidats, las d’attendre, ont brisé les baies vitrées qui donnent sur
l’entrée principale des services de la région. Même la police appelée à
la rescousse n’a pas pu discipliner les candidats.
Pierre Célestin Atangana
Attention danger
Le
gouvernement est au pied du mur. Après avoir décidé de recruter 25 000
jeunes gens à la Fonction publique et dicté les conditions de
recevabilité des dossiers, le voici une fois de plus pris dans le piège
de la routine et de péchés mignons. Alors que le ministre de la Fonction
publique et de la Réforme administrative, Emmanuel Bondé a clairement
martelé que les fiches de candidatures sont gratuites et téléchargeables
sur Internet, voilà que le délégué régional du Centre en a imprimé une
spécialement marquée de son ressort de compétence. Au prétexte que les
fiches téléchargées par les candidats sont anonymes de ce point de vue.
Ce
n’est pas tout, les mêmes services ne reçoivent que les dossiers
portants des timbres acquis à la délégation régionale de la Fonction
publique du centre. Comme si cela ne suffisait pas, le cachet et la
chemise cartonnée ont également chacun un prix. Respectivement donc de
1500, 1000 et 500Fcfa, ces prestations qu’on dit, le fait des
responsables de ladite délégation sont proposées par des rabatteurs. Un
marché est donc né autour d’une opération dont certains doutaient et
savaient qu’elle était loin de soulager les populations en proie à la
pauvreté et au chômage. Une occasion pour certains de se faire des
fromages.
Et ce n’est pas tout dans la mesure où un drame semble se
nouer aux abords des services du gouverneur au quartier Nlongkack à
Yaoundé. Un peu comme lors du dépôt des dossiers de candidatures aux
différents de police, il y a deux ans. Du fait de l’engorgement et de la
grande affluence, l’on a enregistré des morts pour cause de bousculades
et d’étouffement. Hier soir, des ouvertures ont cédé et des vitres ont
été brisées à la délégation régionale de la Fonction publique où les
postulants ne parviennent pas convenablement à se faire enregistrer.
Comme le dit l’artiste, «attention danger» donc.
L N