L’Etat, premier pourvoyeur d’emplois, semble masquer le tribalisme sous les oripeaux de l’équilibre régional.
L’histoire que raconte la jeune Henriette m, étudiante en master 2 Droit privé à l’université de Yaoundé ii semble sortir de l’ordinaire. Lors du dernier concours d’entrée à l’ecole nationale d’administration et de magistrature (enam), cette originaire de la région du sud dit avoir été recalée avec 13,70. «On m’a dit que j’étais victime de ma région, qui n’avait droit qu’à 4% de places. Or, ceux admis dans ma région auraient été bien au-dessus de cette moyenne », se lamentait-elle. Henriette, qui avait déjà aussi présenté le concours d’entrée à l’institut national de la jeunesse et des sports (injs) ainsi que celui de l’ecole normale supérieure (ens) semblait maintenant en avoir le coeur net.
selon une source au ministère de la Fonction publique et de la Reforme administrative (minfopra), le système de quotas est institutionnalisé. D’ailleurs, Jules Doret ndongo, secrétaire général des services du Pm en 2011 avait précisé que le recrutement spécial de 25.000 jeunes diplômés à la Fonction publique se ferait suivant le système des quotas en vigueur au Cameroun. notre source au minfopra évoque le décret n° 82/407 du 7 septembre 1982, qui laissait carte blanche au ministre de la Fonction publique de définir les quotas. ainsi, l’article 2 de l’arrêté n° 10467 signé du ministre de la Fonction publique le 4 octobre 1982 (réactualisé le 20 août 1992) prévoit 5% de places à l’adamaoua, 18% à l’extrême nord, 7% au nord, 15% au Centre, 4% à l’est, 4% au sud, 13% à l’Ouest, 12% au Littoral, 12% nord-Ouest et 8% au sud-Ouest. selon la même source, la politique de l’équilibre régional a été renforcée dans la constitution du 18 janvier 1996, qui prévoit la «protection des minorités». Le texte le plus récent en la matière est le décret n°2000/696/Pm du 13 septembre 2000 fixant le régime des concours administratifs. il reprend en son article 60 la disposition sur les quotas des places réservées au ressortissants de chaque «province» et renvoie cette fixation à la compétence du Premier ministre.
L’association Cameroon Journal on democracy and Human right (Cjdrh) ne manque pas de condamner cette politique. «Les enjeux auxquels le Cameroun est aujourd'hui confronté nécessitent que cette politique soit délaissée… Il est possible qu'un individu, parce qu'originaire de l'Est, soit admis à l'Enam avec 6 de moyenne, alors qu'un autre candidat parce que originaire du Centre sera recalé avec une note de 13. Ce qui signifie que des individus passablement incompétents sont appelés à endosser des responsabilités auxquelles leur incompétence naturelle ne leur permet pas de prétendre», déplore l’association Cjdrh.
elle conteste la position du philosophe ebenezer
njoh mouelle, qui a écrit dans son livre, «Député de la nation» à la
page 157 : «Que faire face à ce redoutable problème dans un pays qui
compte plus de deux cents tribus comme le Cameroun… Le principe des
quotas a été suivi avec plus ou moins de rigueur. Il a été critiqué par
ceux qui considéraient et considèrent encore peut-être toujours qu'il
comportait en lui-même une certaine injustice et induisait plutôt un
nivellement par le bas au lieu d'une promotion des meilleurs. Je ne
pense pas que c’eut été une politique garantissant la paix sociale et
l'unité du pays.» au nom de cette paix sociale, l’équilibre régional a
lui-même pris un coup, bousculé par les listes des candidats montées par
des castes tribales de la République, des candidats admis, bien avant
d’avoir composé.
Justin BlAise Akono