Le secrétaire général du comité central du Rdpc a échappé à la furie des flammes, mais les causes du sinistre semblent se rapprocher de pratiques mafieuses à l’intérieur du parti au pouvoir.
On continue d’épiloguer sur le drame, survenu mardi soir au quartier Ngousso à Yaoundé, et qui a vu partir en fumée la résidence du secrétaire général du comité central du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc, au pouvoir), Jean Nkuete. On se perd en conjectures, quant aux origines d’un sinistre à la fois brutal et suspect. Et comme souvent, les premiers soupçons se sont portés vers un court-circuit. En pareil cas, c’est une thèse qui devrait arranger tout le monde et clore le dossier.
Sauf qu’un faisceau d’indices permet de rester circonspect. Ainsi que nous l’écrivions dans notre dernière édition, l’énergie électrique n’est pas partie de la maison dès le bruit venant de la toiture, ainsi que plusieurs témoins l’ont relaté. Qui plus est, et selon l’épouse du maître des lieux, Honorine Nkuete, les flammes sont parties de la toiture. Des spécialistes en la matière, approchés, émettent de sérieux doutes quant à la thèse d’un problème technique comme cause de l’incendie.
En attendant – et en espérant – des conclusions rapides de l’enquête policière ouverte sur le sujet, il est permis de rester vigilants et, surtout, de ne pas tomber dans un angélisme béat, plusieurs observateurs continuant à suspecter une main criminelle. Mais qui en voudrait tant au Sg/Rdpc, au point de vouloir sa perte ainsi que celle de sa famille ? Depuis la survenue de ce drame, les langues se délient en effet au sein du parti de Paul Biya, chacun estimant se rapprocher de la réalité.
Certains, ainsi, voudraient non sans insistance que Jean Nkuete paie le prix de pratiques véreuses à l’intérieur de la formation, venant de collaborateurs qu’il a trouvés déjà en poste au comité central. C’est ceux-là, parfois des élites respectables et respectées, qui se prennent pour les patrons du palais de Tsinga, les faiseurs de rois, manipulant les instructions du sommet et rackettant à tout va.
Réseaux mafieux
A l’approche du renouvellement des organes de base, où le mécanisme des investitures devrait être une nouvelle fois privilégié, ce serait alors, subodorent des sources introduites, d’un carton jaune adressé au secrétaire général, homme sobre et dévoué s’il en est, afin de l’amener à être moins regardant et moins rigoureux quant au respect des circulaires du président national. Jean Nkuete serait alors une victime expiatoire des réseaux mafieux. Ces sales manœuvres, pratiquement connues du temps de Joseph Charles Doumba, auraient davantage pris de l’envergure au moment où le leader du Rdpc, Paul Biya, invite ses compatriotes en général et les cadres de son parti, en particulier, à assainir les mœurs publiques chacun à son niveau en mettant en avant l’intérêt supérieur du Cameroun. De quoi s’agit-il ?
Selon des sources introduites, plusieurs dignitaires du Rdpc indiquent avoir été flouées. Ils invoquent d’énormes sommes d’argent, versées à des soi-disant intermédiaires aux fins d’achat des investitures, aussi bien pour les sénatoriales d’avril 2013 que des législatives et municipales de fin septembre de la même année. A l’arrivée, beaucoup auraient ainsi été arnaqués par des personnes sans foi ni loi, sans possibilité de rentrer dans leurs fonds ou d’engager des poursuites judiciaires. Et pour les personnes ainsi spoliées, il faut bien que quelqu’un paie la facture. Jean Nkuete serait alors apparu comme la cible idéale de leur fureur.
Cette thèse appelle toutefois quelques questions : et si des gens
avaient racketté au nom de M. Nkuete ? L’homme les avait-il mis en
mission ? A-t-il seulement eu vent de ces pratiques non-éthiques au nom
du comité central ? Une chose est avérée : le Rdpc abrite aujourd’hui
nombre de personnages au passé flou et aux desseins inavoués, dans un
environnement où feymen et autres gestionnaires indélicats du bien
public, en quête d’immunité, se bousculent et s’entrechoquent, prêts à
payer des centaines de millions de francs pour accéder à un poste
électif.
Dans ce climat glauque, d’autres versions pointent du doigt des
personnalités ayant actuellement en délicatesse avec la discipline du
parti. Ces derniers, coupables ou présumés tels de s’être écartés des
instructions édictées par la hiérarchie en rapport avec les investitures
lors des derniers scrutins, ont été traduits en conseil de discipline
et attendent de connaître leur sort. Encore une fois, c’est Jean Nkuete
qui est mis à l’index, accusé de vouloir couper des têtes. Face à cet
environnement électrique, il est urgent que la sécurité soit renforcée
autour du Sg et des siens.