Rdpc, les ingrédients de la défaite
Rdpc, les ingrédients de la défaite
(Aurore Plus 19/08/2011)
Le parti au pouvoir connu pour ses impérities va se présenter à l’élection en désordre de bataille. Et semble tout mettre en jeu pour perdre. Les allusions à la santé du Président sont formellement interdites au Cameroun. On le sait depuis la mésaventure de Pius Njawe qui avait eu l’imprudence de jouer les cardiologues de Biya au soir d’une finale de foot à Yaoundé. Le journaliste en a écopé d’un petit long séjour au gnouf, histoire de faire passer l’envie à tous les autres scribouillards de recommencer. La leçon a été prise.
Et bien prise. Mais c’est un Paul Biya visiblement fatigué, le pas beaucoup moins alerte qu’à l’accoutumée, que les Camerounais ont retrouvé l’autre jour à la descente d’avion depuis son voyage en Chine. Une escapade dans l’Empire du Milieu et probablement une virée sur les marches interminables de la Grande Muraille, ça vous éreinte un homme. Mais Paul Biya n’a pas exactement pu se retaper en Suisse. Il est donc revenu et ce n’est pas avec la grande forme qu’il va s’attaquer aux dossiers brûlants qui l’attendent au rendez-vous d’un calendrier politique surchargé de complications.
D’abord et toutes affaires cessantes, le congrès Rdpc de tous les dangers. De l’avoir ajourné cent fois, c’est un président « illégitime » qui va devoir convoquer les assises et affronter, si l’ordre du jour est convenu, des candidatures trouble-fête à la présidence nationale. Malgré les menaces de sanction brandies par des caciques, des téméraires dans les rangs se jurent de remettre le coup.
Ils seront candidats, quitte à provoquer le « big bang » dans un édifice déjà branlant sur ses fondations. Jusque-là, on n’a eu droit qu’à des déclarations de candidatures qu’on pourrait qualifier de candidatures de seconde zone, venant de secrétaires anonymes de sections du Rdpc, mais il n’est pas exclu que des candidatures plus sérieuses soient déclarées le jour du congrès. Ceux qui soutiennent qu’un congrès ordinaire est pour le moins inopportun aujourd’hui pourraient avoir raison. Ce n’est pas le moment de remuer le couteau dans des plaies mal pansées.
Un congrès extraordinaire à la place d’un congrès ordinaire ? La posture est d’autant plus intenable que Paul Biya lui-même a besoin d’être reconduit comme président national. Et, avec lui, tous les autres vice-présidents, les membres du comité central et du bureau politique, ceux décédés qu’il faut remplacer, et ceux, trop vieux ou classés « analphabètes politiques » (le mot est de l’écrivain, grand militant et conseiller très spécial de René Emmanuel Sadi, le secrétaire général du R…) qu’on doit « dératiser ». Ça va se jouer au couteau entre le camp de la vieille garde représentée par les Françoise Foning et autres, et le camp des jeunes loups qui en a sa claque de continuer à jouer les seconds rôles, même à cinquante ans passés. Les jeunes loups pensent que l’heure a sonné pour eux, et que ce ne sera pas en 2035 qu’ils pourront enfin prendre le contrôle des affaires. Le discours politique officiel annonce, une autre utopie, que le Cameroun sera un pays émergent à l’horizon 2035.
La jeunesse du Rdpc a su retourner cette belle intention en sa faveur. Avec de bonnes raisons. Lorsqu’un homme qui a 80 ans en 2010 fait des projets pour 2035, il doit avoir un sens des affaires que les jeunes du R… n’apprécient pas beaucoup. Au Cameroun, on n’a pas la chance de vivre jusqu’à l’âge de 115 ans. Toute la question est donc là. A quatre-vingts ans bientôt, Paul Biya et son entourage politique ne peuvent plus incarner le rêve d’une prospérité ou d’une émergence économique qu’ils promettent aux jeunes dans 25 ans. Dans la foulée de cet agenda, Paul Biya devra convoquer le corps électoral, organiser une ou deux visites dans des régions qui lui sont stratégiques, avant de songer à reprendre du repos, le temps de la campagne. A propos de campagne électorale, le président n’a pas besoin de se fatiguer. Tous les fonctionnaires vont se mettre en quatre. C’est le prix à payer s’ils veulent continuer à jouer les grands patrons dans l’administration. « Détresse » serait un bien petit mot. Le Rdpc fonce à toute vitesse contre cent icebergs dressés sur sa route.
Le parti de Paul Biya est en fait en situation de naufrage. Il prend de l’eau de toutes parts et menace dangereusement de couler à pic. Ils le savent au sein du parti. Tout le monde s’était fait à l’idée que le septennat qui s’achève serait le dernier de Paul Biya et que l’heure avait sonné pour une transition à la soviétique. Les Vladimir Poutine qui devaient succéder aux Boris Eltsine et autres Mikhaïl Gorbatchev n’en peuvent plus d’attendre. Leur projet du G11 a été mis en échec au nom d’une opération Epervier d’assainissement qui a aujourd’hui étalé ses limites. Les dossiers instruits révèlent qu’ils ont été hâtivement montés et qu’ils manquent cruellement de preuves à charge contre les inculpés. Alors que le Rdpc pensait rallier des suffrages au nom de la rigueur et de la moralisation, il s’est plutôt tiré deux balles dans la jambe. D’abord, il a sacrifié les militants qui savaient mettre la main à la poche ou à la caisse (des entreprises publiques) pour battre le rappel des troupes et financer les agapes qui tiennent lieu de campagne électorale au Rdpc et distribuer les biffetons pour galvaniser les troupes.
Ensuite, les mêmes militants s’aperçoivent aujourd’hui que l’opération Epervier était une mauvaise affaire pour leur militantisme. A quoi leur servira-t-il de continuer à aller se saigner pour un parti qui ne les rassasie plus ? On a rarement vu le parti se déployer autant pour faire inscrire ses militants sur les listes électorales. Lors des dernières échéances, les militants se faisaient servir chez eux trois ou quatre cartes d’électeur. Pour l’échéance de 2011, ils se font prier, demandent même à être payés pour le dérangement. Le Rdpc était devenu une machine à gagner après les leçons de 1992, mais aujourd’hui il est devenu une formidable machine à perdre. Avec Elecam, on ne pourra plus bourrer les urnes, on ne pourra plus annuler des votes, on doit se mettre à la véritable compétition électorale. D’où toute cette fébrilité observée, avec un soupçon de panique dans les rangs.
On veut faire le plein des électeurs sur les listes, mais on disqualifie la solution pratique suggérée par Transparency International qui pense que ce serait plus facile avec son téléphone portable. Ce que le Rdpc redoute est déjà fait.
Déjà, l’opération de recrutement de 25 mille jeunes diplômés dans la Fonction publique lui a gagné au moins 300 mille voix défavorables. Ils ont eu la mauvaise idée d’imposer aux candidats d’avoir aussi leur carte d’électeur s’ils voulaient avoir une chance que leur dossier soit pris en compte. Les jeunes diplômés étaient plus de 300 mille à déposer un dossier, ils resteront pour la plupart sur le bas côté, ils seront donc les premiers à courir dans les bureaux de vote pour sanctionner le régime malfaisant du Rdpc.
Écrit par François Lasier
(Aurore Plus 19/08/2011)
Le parti au pouvoir connu pour ses impérities va se présenter à l’élection en désordre de bataille. Et semble tout mettre en jeu pour perdre. Les allusions à la santé du Président sont formellement interdites au Cameroun. On le sait depuis la mésaventure de Pius Njawe qui avait eu l’imprudence de jouer les cardiologues de Biya au soir d’une finale de foot à Yaoundé. Le journaliste en a écopé d’un petit long séjour au gnouf, histoire de faire passer l’envie à tous les autres scribouillards de recommencer. La leçon a été prise.
Et bien prise. Mais c’est un Paul Biya visiblement fatigué, le pas beaucoup moins alerte qu’à l’accoutumée, que les Camerounais ont retrouvé l’autre jour à la descente d’avion depuis son voyage en Chine. Une escapade dans l’Empire du Milieu et probablement une virée sur les marches interminables de la Grande Muraille, ça vous éreinte un homme. Mais Paul Biya n’a pas exactement pu se retaper en Suisse. Il est donc revenu et ce n’est pas avec la grande forme qu’il va s’attaquer aux dossiers brûlants qui l’attendent au rendez-vous d’un calendrier politique surchargé de complications.
D’abord et toutes affaires cessantes, le congrès Rdpc de tous les dangers. De l’avoir ajourné cent fois, c’est un président « illégitime » qui va devoir convoquer les assises et affronter, si l’ordre du jour est convenu, des candidatures trouble-fête à la présidence nationale. Malgré les menaces de sanction brandies par des caciques, des téméraires dans les rangs se jurent de remettre le coup.
Ils seront candidats, quitte à provoquer le « big bang » dans un édifice déjà branlant sur ses fondations. Jusque-là, on n’a eu droit qu’à des déclarations de candidatures qu’on pourrait qualifier de candidatures de seconde zone, venant de secrétaires anonymes de sections du Rdpc, mais il n’est pas exclu que des candidatures plus sérieuses soient déclarées le jour du congrès. Ceux qui soutiennent qu’un congrès ordinaire est pour le moins inopportun aujourd’hui pourraient avoir raison. Ce n’est pas le moment de remuer le couteau dans des plaies mal pansées.
Un congrès extraordinaire à la place d’un congrès ordinaire ? La posture est d’autant plus intenable que Paul Biya lui-même a besoin d’être reconduit comme président national. Et, avec lui, tous les autres vice-présidents, les membres du comité central et du bureau politique, ceux décédés qu’il faut remplacer, et ceux, trop vieux ou classés « analphabètes politiques » (le mot est de l’écrivain, grand militant et conseiller très spécial de René Emmanuel Sadi, le secrétaire général du R…) qu’on doit « dératiser ». Ça va se jouer au couteau entre le camp de la vieille garde représentée par les Françoise Foning et autres, et le camp des jeunes loups qui en a sa claque de continuer à jouer les seconds rôles, même à cinquante ans passés. Les jeunes loups pensent que l’heure a sonné pour eux, et que ce ne sera pas en 2035 qu’ils pourront enfin prendre le contrôle des affaires. Le discours politique officiel annonce, une autre utopie, que le Cameroun sera un pays émergent à l’horizon 2035.
La jeunesse du Rdpc a su retourner cette belle intention en sa faveur. Avec de bonnes raisons. Lorsqu’un homme qui a 80 ans en 2010 fait des projets pour 2035, il doit avoir un sens des affaires que les jeunes du R… n’apprécient pas beaucoup. Au Cameroun, on n’a pas la chance de vivre jusqu’à l’âge de 115 ans. Toute la question est donc là. A quatre-vingts ans bientôt, Paul Biya et son entourage politique ne peuvent plus incarner le rêve d’une prospérité ou d’une émergence économique qu’ils promettent aux jeunes dans 25 ans. Dans la foulée de cet agenda, Paul Biya devra convoquer le corps électoral, organiser une ou deux visites dans des régions qui lui sont stratégiques, avant de songer à reprendre du repos, le temps de la campagne. A propos de campagne électorale, le président n’a pas besoin de se fatiguer. Tous les fonctionnaires vont se mettre en quatre. C’est le prix à payer s’ils veulent continuer à jouer les grands patrons dans l’administration. « Détresse » serait un bien petit mot. Le Rdpc fonce à toute vitesse contre cent icebergs dressés sur sa route.
Le parti de Paul Biya est en fait en situation de naufrage. Il prend de l’eau de toutes parts et menace dangereusement de couler à pic. Ils le savent au sein du parti. Tout le monde s’était fait à l’idée que le septennat qui s’achève serait le dernier de Paul Biya et que l’heure avait sonné pour une transition à la soviétique. Les Vladimir Poutine qui devaient succéder aux Boris Eltsine et autres Mikhaïl Gorbatchev n’en peuvent plus d’attendre. Leur projet du G11 a été mis en échec au nom d’une opération Epervier d’assainissement qui a aujourd’hui étalé ses limites. Les dossiers instruits révèlent qu’ils ont été hâtivement montés et qu’ils manquent cruellement de preuves à charge contre les inculpés. Alors que le Rdpc pensait rallier des suffrages au nom de la rigueur et de la moralisation, il s’est plutôt tiré deux balles dans la jambe. D’abord, il a sacrifié les militants qui savaient mettre la main à la poche ou à la caisse (des entreprises publiques) pour battre le rappel des troupes et financer les agapes qui tiennent lieu de campagne électorale au Rdpc et distribuer les biffetons pour galvaniser les troupes.
Ensuite, les mêmes militants s’aperçoivent aujourd’hui que l’opération Epervier était une mauvaise affaire pour leur militantisme. A quoi leur servira-t-il de continuer à aller se saigner pour un parti qui ne les rassasie plus ? On a rarement vu le parti se déployer autant pour faire inscrire ses militants sur les listes électorales. Lors des dernières échéances, les militants se faisaient servir chez eux trois ou quatre cartes d’électeur. Pour l’échéance de 2011, ils se font prier, demandent même à être payés pour le dérangement. Le Rdpc était devenu une machine à gagner après les leçons de 1992, mais aujourd’hui il est devenu une formidable machine à perdre. Avec Elecam, on ne pourra plus bourrer les urnes, on ne pourra plus annuler des votes, on doit se mettre à la véritable compétition électorale. D’où toute cette fébrilité observée, avec un soupçon de panique dans les rangs.
On veut faire le plein des électeurs sur les listes, mais on disqualifie la solution pratique suggérée par Transparency International qui pense que ce serait plus facile avec son téléphone portable. Ce que le Rdpc redoute est déjà fait.
Déjà, l’opération de recrutement de 25 mille jeunes diplômés dans la Fonction publique lui a gagné au moins 300 mille voix défavorables. Ils ont eu la mauvaise idée d’imposer aux candidats d’avoir aussi leur carte d’électeur s’ils voulaient avoir une chance que leur dossier soit pris en compte. Les jeunes diplômés étaient plus de 300 mille à déposer un dossier, ils resteront pour la plupart sur le bas côté, ils seront donc les premiers à courir dans les bureaux de vote pour sanctionner le régime malfaisant du Rdpc.
Écrit par François Lasier
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