La session parlementaire extraordinaire et inutilement onéreuse convoquée dernièrement n’a pas failli à la tradition. Elle vient de s’achever comme toujours avec son lot de déceptions et de frustrations. Les Camerounais qui en attendaient soit des miracles ou un sursaut de patriotisme de la part des députés RDPC et de leur président national peuvent désormais faire le deuil de leurs rêves brisés et de leurs espoirs insensés.
Jamais le Cameroun ne se sera autant éloigné du processus de modernisation et de libéralisation des mœurs politiques et électorales qu’à la sortie de cette session : le mandat présidentiel à cinq ans renouvelable une seule fois, l’élection présidentielle à deux tours, l’introduction du scrutin uninominal pour les Législatives, l’institution du bulletin unique, la majorité électorale à 18 ans, le redécoupage électoral, l’utilisation de la biométrie pour les inscriptions avec délivrance sur-le-champ de la carte d’électeur, la restructuration d’Elecam de manière à le rendre véritablement indépendant, la fin de la création des circonscription spéciales ou de la nomination des délégués du gouvernement pour récupérer les communes gagnées par l’opposition et autres propositions susceptibles de moderniser le système électoral pour arrimer le Cameroun à la modernité ont été toutes rejetées par les députés du RDPC pour cause d’inconstitutionnalité. Cette préoccupation pour la constitutionnalité nous paraît tardive, suspecte et grossièrement intéressée.
Les pays qui se soucient effectivement de la
constitutionnalité se dotent d’abord d’un Conseil Constitutionnel
indépendant qui se charge de vérifier avant leur promulgation que les
lois sont conformes à la Constitution, norme suprême qui, contrairement
au Cameroun, n’est pas imposée par les puissants pour museler le
pluralisme et s’éterniser au pouvoir, mais établie par le peuple
lui-même (pour précisément se protéger de leur arbitraire) à travers une
assemblée constituante indépendante élue exclusivement pour cette tâche
et révoquée une fois leur copie rendue ! Tous les Camerounais, seize
ans après, connaissent le sort qui a été réservé au Conseil
Constitutionnel consacré dans la Constitution de 1996. Ceux qui ont
décidé que le Conseil Constitutionnel était facultatif ne pouvaient
qu’être guidés par l’idée qu’ils se faisaient eux-mêmes de leur
Constitution : ils l’ont trouvée tout aussi facultative. Nous dire
aujourd’hui qu’ils se sont soudainement découvert une vocation de
défenseur de la conformité de la loi avec la Constitution ne peut être
qu’une imposture et une grossière escroquerie.
La Constitution empêche-t-elle aussi la recherche du consensus entre les
parties prenantes sur les règles du jeu électoral, l’introduction du
bulletin unique, la restructuration d’Elecam, le redécoupage électoral,
la biométrie du début à la fin du processus électoral ou du mois la
remise de la carte électorale immédiatement après l’inscription ? La
vraie raison n’est-elle pas la frilosité du RDPC qui se voit
inéluctablement perdu si une élection transparente était organisée? Le
président du RDPC a bien laissé fonctionner Elecam avant le décret
d’application le mettant en place ou nommé les militants de son parti à
la tête d’Elecam sans que ses camarades députés lui rappellent
l’obligation de la conformité à la loi. Ce n’est qu’après protestations
de l’opposition qu’il a promulgué en régularisation le décret exigé et,
pour la galerie, demandé aux responsables d’Elecam de « démissionner »
du RDPC. En violation flagrante des dispositions de l’article 55 de la
Constitution, le président du RDPC, depuis 16 ans, nomme des délégués du
gouvernement et des gouverneurs à la tête des collectivités
territoriales décentralisées sans que les députés du RDPC y trouvent la
moindre entorse à la norme supérieure. Ce n’est donc pas un hasard si le
Cameroun, avec 03,46/10, occupe le 126e rang sur 167 pays et est classé
régime autoritaire dans l’indice démocratique de The Economist ! Sinon,
pourquoi a-t-on prorogé le mandat des élus ou convoqué une session
extraordinaire de l’Assemblée nationale si ce n’était que pour dire aux
Camerounais que leurs revendications étaient liées à la révision de la
Constitution qui ne peut avoir lieu que si c’est pour permettre à M.
Biya de s’éterniser au pouvoir ? Pourquoi les députés du RDPC ne se
sont-ils pas toujours préoccupés de la constitutionnalité des lois
électorales pour ne se réveiller qu’à ce moment ? Pour illustrer leur
escroquerie, examinons ce mandat impératif dont on a tant parlé lors de
la session qui vient de s’achever.
Nullité du mandat impératif : notion vieille de plus de 20 ans !
Les députés du RDPC se vantent d’avoir combattu la clause de la
procédure de révocation du député parce qu’elle violait la constitution
qui dispose que « Tout mandat impératif est nul ». Ils nous donnaient
ainsi l’impression que la révocabilité du député était une notion
nouvelle que l’on tentait d’introduire dans le code et que, n’eût été
leur vigilance, on aurait violé la Constitution ! Pourtant, l’article 22
de la loi n°91-20 du 16 décembre 1991 fixant les conditions d’élection
des députés à l’Assemblée Nationale, modifiée et complétée par la loi
n°97-13 du 19 mars 1997 et par celle n°2006/009 du 29 décembre 2006
dispose :
- 22.3 : Est également déchu de plein droit de la qualité de député ou
de suppléant celui qui, en cours du mandat est exclu ou démissionne de
son parti :
- 22.4 : La déchéance du député est constatée par le Conseil
Constitutionnel à la diligence du Bureau de l’Assemblée Nationale. Celle
du suppléant est d’office.
En ce qui concerne les Conseillers Municipaux, cette même procédure de révocation est reconduite mutatis mutandis dans les dispositions de l’article 9.1,2 et 3 de la loi n°92-002 du 14 août 1992 fixant les conditions d’élections des Conseillers Municipaux, modifiée et complétée par la loi n°2006/010 du 29 décembre 2006.
Comme on le voit, la procédure de révocation de
l’élu législatif et municipal existe bel et bien dans la loi électorale
depuis plus de deux décennies (1991) et a été reconduite à plusieurs
reprises par une Assemblée nationale où la majorité RDPC a été toujours
si écrasante qu’elle n’a même jamais tenu compte de ses alliés pour
passer en force et imposer ses diktats. Pendant plus de 20 ans, où
étaient les députés RDPC (les autres ne pouvant rien au vu de leur
nombre !) quand ces dispositions légales mais inconstitutionnelles
subsistaient dans la loi électorale et étaient même appliquées à la tête
du client par le Bureau de l’Assemblée ? M. Frédéric Kodock (paix à son
âme !), après les législatives de 1992 s’en était servi pour régler des
comptes dans son parti en excluant des députés de l’UPC dont
l’Honorable Soman et autres, sans que ceux qui aujourd’hui se découvrent
sur le tard des vocations de membres du Conseil Constitutionnel
exercent leurs prérogatives pour venir à la rescousse des victimes qui
étaient pourtant dans leur bon droit. Après 1997, malgré la
jurisprudence ainsi établie, le SDF, à maintes reprises, n’en
bénéficiera pas pour rétablir l’ordre dans ses rangs lorsque ses
députés, une fois à l’Assemblée se retournaient contre lui. Comme
jusque-là ça n’arrivait qu’aux autres, la démission de l’Honorable Ayah
Paul du RDPC et les tentatives infructueuses pour mettre fin à son
mandat ont dû créer une onde de choc dans ce parti viscéralement
hégémonique et monopolistique. Brutalement sorti d’un long sommeil
dogmatique, le RDPC doit faire face à la clarté éblouissante d’une
réalité incommodante longtemps refoulée.
Le combat acharné des députés RDPC pour rejeter toutes les modifications
pertinentes proposées dans le Code électoral unique et surtout pour
faire prévaloir la nullité du mandat impératif sous le fallacieux
prétexte d’inconstitutionnalité n’est en rien un acte patriotisme et de
défense de la Constitution. Au contraire, il a étalé au grand jour leur
hypocrisie et leur égoïsme, car des implications et incidences de la
nullité du mandat impératif, ils ne retiennent que celle qui concerne la
longueur de leur mandat au détriment des autres qui étaient tout aussi
importantes. Les cocoricos de ces faux braves qui se vantent d’avoir
pour une fois tenu tête à l’Exécutif ne sont en vérité que des
borborygmes d’estomacs angoissés qui envisagent à grand bruit leur
avenir alimentaire. Après la durée de leur mandat, ils se sont battus
pour réduire les taux de caution aux législatives et aux municipales où
ils comptent se présenter. Quant à la présidentielle qui n’est pas à
leur portée, le taux exorbitant de la caution ne dissuadera que les
adversaires. Le candidat naturel est à l’abri de tout besoin !
Prochain article : Implications et Incidences de la nullité du mandat impératif.
Jean Takougang
CAPES Bilingue Hors Echelle
Expert en Dialogue Social(UCAC)
Expert en Droit Int'l Humanitaire(UCAC)
Traducteur Trilingue(Anglais, Français, Allemand)
Prof.à l'Institut Sup. de Traduction et Interprétation(ISTI)
Yaoundé Cameroun