RDC : De quoi Kabila a-t-il peur ?
De quoi Kabila a-t-il peur ?
L’opposant
historique et candidat à l’élection présidentielle du 28 novembre
prochain en République démocratique du Congo (RDC), Etienne Tshisekedi
wa Mulumba, a-t-il commis une erreur en se rendant en Afrique du Sud
avant l’ouverture de la campagne électorale ?
C’est la question que l’on est en droit de se poser avec son blocage au pays de Mandela, faute d’autorisation de rentrer en RD Congo. Au moment où ces lignes étaient tracées dans l’après-midi d’hier, le leader de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) était toujours en Afrique du Sud malgré lui, après avoir tenté de retourner dans son pays le 2 novembre dernier.En effet, sans que l’on sache trop pourquoi, l’Aviation civile congolaise, selon des responsables de l’UDPS, a exigé une panoplie de conditions pour un avion qui, dit-on, a toujours atterri sans problème en RD Congo.
Conséquence : la campagne électorale, débutée le 28 octobre, se déroule pour le moment sans Etienne Tshisekedi. Ses partisans ont vite accusé le pouvoir en place d’empêcher leur leader de battre campagne. Le porte-parole du gouvernement congolais, le truculent Lambert Mendé, a beau réfuter les accusations, affirmer qu’une demande de vol et d’atterrissage de l’avion transportant l’opposant historique n’a jamais été formulée, rien n’y fit.
Pour ses contradicteurs, le pouvoir en place dont le premier responsable, Joseph Kabila Kabengué, candidat à sa propre succession, tient là une occasion de se débarrasser d’un redoutable adversaire. Si par extraordinaire, le pouvoir de Kinshasa n’y est pour rien dans cet "exil" forcé de l’opposant (sa situation rappelle étrangement celle de l’ancien président malgache Marc Ravalomanana, exilé en Afrique du Sud et empêché, lui aussi, de rentrer au pays), il n’en demeure pas moins qu’il est un suspect sérieux dans cette affaire. Il est difficile de lui donner le bon Dieu sans confession au regard de deux faits majeurs.
Le premier est la modification du Code électoral pour faire passer le nombre de tours de l’élection présidentielle de deux à un. A l’époque, nous avions regretté dans ces mêmes colonnes le recul démocratique opéré par le pouvoir en place pour éviter un scénario à l’ivoirienne. Le deuxième est la violence qui a caractérisé le dépôt des listes de l’UDPS pour ces élections couplées en début octobre et le début de la campagne électorale. Une personne a perdu la vie et trois autres ont été blessées le 28 octobre dans le fief de l’opposant historique (au centre du pays) dans une manifestation marquant le début de la campagne, dispersée par la police. C’est peu de dire que le parti de Tshisekedi est persécuté, que tout est mis en œuvre par le pouvoir de Kabila pour l’empêcher de battre campagne.
Manifestement, Kabila a peur de quelque chose. Il reste à savoir ce qui le fait frémir. Est-ce la peur de perdre l’élection ? Le pouvoir manque-t-il d’assurance au point de vouloir "décourager" un opposant pour gagner ? Est-ce la popularité de l’opposant historique et les foules qu’il mobilise qui font trembler en haut lieu ? S’il n’y prend garde, le pouvoir de Kinshasa, en mettant systématiquement des bâtons dans les roues d’un vieil opposant qui n’a jamais pris les armes pour revendiquer le pouvoir dans un pays tourmenté, risque de lui faciliter la tâche. Les entraves pourront le rendre sympathique auprès de ceux qui, pour une raison quelconque, n’aimaient pas voir l’ancien Premier ministre de Mobutu, même en peinture.
Par-dessus tout, il faut même craindre pour le bon déroulement du
scrutin, voire la stabilité du pays dans son ensemble. Si tout n’est pas
mis en œuvre pour que l’opposant rentre rapidement, on ne peut pas
prévoir la réaction de ses militants et sympathisants. Il faut donc
éviter de provoquer inutilement des tensions aux conséquences
imprévisibles !
Séni DABO