Racisme : l'ONU s'inquiète du « discours politique » français
Racisme : l'ONU s'inquiète du « discours politique » français
PAR Augustin Scalbert on Aout 13,2010
A Genève, depuis deux jours, le Comité de l'ONU pour l'élimination de la discrimination raciale (CEDR) examine la situation de la France, qui a ratifié la convention correspondante en 1973. Face aux délégués français, les experts s'inquiètent de la recrudescence du racisme « dans le discours politique ». Le carnet de circulation des gens du voyage « rappelle l'époque de Pétain », a déclaré l'un d'eux.
C'est Waliakoye Saidou, le représentant du Niger, qui a fait cette dernière déclaration, en ajoutant que ce carnet de circulation « effraie » les membres du CEDR. Il s'est aussi étonné « des déclarations politiques récentes », et que « les politiques en France maltraitent à ce point le droit français et notamment la Constitution ».
Les 18 membres du CEDR s'expriment en qualité d'experts, et pas au nom de leur pays. L'expert français, l'ancien premier avocat général à la Cour de cassation Régis de Gouttes, n'a pas le droit de prendre la parole pendant l'examen de la situation de son pays.
L'expert togolais, Dieudonné Ewomsan, a évoqué les déclarations de Nicolas Sarkozy, le 30 juillet :
« Le discours du chef de l'Etat n'est pas seulement discriminant, c'est aussi une incitation à la haine. »
Le Turc Gün Kut s'est dit « inquiet du racisme dans le discours politique ». Lui aussi s'est demandé si le retrait de la nationalité pour certains délinquants d'origine étrangère était « compatible avec la Constitution ».
Selon Julie Gromellon, la représentante permanente de la Fédération internationale des Ligues de droits de l'Homme (FIDH) à Genève, qui assiste aux débats, ces questionnements sur le respect de la constitution d'un pays sont « assez rares » :
« D'habitude, les experts s'interrogent sur la conformité d'une politique nationale par rapport à la convention. Mais là, les membres du comité ont été choqués par les récentes déclarations au plus haut niveau de l'Etat.
Ils critiquent l'attitude générale de la France, qui non seulement ne reconnaît pas les discriminations raciales, mais en nie aussi l'existence. Ils reprochent à la France de se retrancher derrière les principes de “liberté, égalité, fraternité” pour dire que “tout va bien”. »
Par ailleurs, selon l'AFP, les experts ont salué l'annonce « inattendue » faite par la délégation française de la préparation d'un plan national de lutte contre le racisme. Les envoyés du Quai d'Orsay ont présenté un rapport de 90 pages résumant les mesures prises en France depuis 2005, date du dernier examen par le comité.
Le CEDR rendra son rapport sur la situation française dans une dizaine de jours. Même si la France a signé la convention de l'ONU, rien ne l'oblige à mettre en oeuvre les recommandations du CERD.
Julie Gromellon considère que « seule la pression des ONG » pourra amener la France à appliquer ces mesures. « On attend plus de la France, patrie des droits de l'Homme, que d'autres pays », note-t-elle.
rue89