Au nom de quelle jeunesse parle tu ?, voici ma question inaugurale que je m’en vais adresser à celui qui se présente comme étant le porte parole de la jeunesse camerounaise. Sismondi est plus connu par une minorité de camerounais pour ses multiples sortis médiatiques, son activisme virtuel sur Facebook, et ses prises de positions qui tiennent souvent à controverse. C’est un noble combat, celui de vouloir apporter sa pierre, aussi petite soit’ elle, au joyau architectural qui est en train de se construire. Qui n’est rien d’autre que le Cameroun émergent de demain. Mais ce mot, ou ce concept d’émergence, Sismondi n’est point d’accord avec, justement comme toutes les autres initiatives qui émanent du régime. Pour lui comme pour beaucoup d’autres, le Cameroun ne sera pas émergent en 2035. Ceci n’est qu’une date prémonitoire, une rêverie de visionnaire, sortie de la bouche d’un vendeur d’illusions.
Le combat est noble, mais les méthodes sont biaisées. Car prétendre être porte parole de la jeunesse, et faire croire en cette jeunesse que le Cameroun ne peut pas être émergent, c’est étouffer une plaie en pensant la panser. Le rôle d’un porte parole d’une jeunesse comme celle du Cameroun, ne doit avoir que des messages d’espoir, et des appels forts au travail et à l’engagement. Plutôt que de s’enfermer dans le carcan de l’imprécation. Sismondi est tombé dans le piège de la plupart des opposants au Cameroun, qui pensent qu’il faut toujours rejeter d’un revers de la main tout ce qui vient du pouvoir. Que pour être crédible, il faut toujours se poser contre. L’homme n’est pas seulement « le non », il est aussi « le oui ». (Njoh Mouellé, Nietzche, Bergson, Fanon). Quelqu’un l’a dit : être dans l’opposition ne signifie pas être hors position. Achille Mbembé a eu à remarquer que Maurice Kamto en critiquant l’opposition est en train de manquer la cible. C’est pareil pour vous, en critiquant avec une véhémence infatigable le système, vous manquez la cible. Vous oubliez d’interpeller la jeunesse pour le rôle qu’elle a à jouer dans ce combat pour l’émergence, de lui demander comme l’exigeait Fanon, de découvrir sa mission de l’accomplir ou de la trahir.
Je me demande toujours au nom de quelle jeunesse vous parlez, et au nom de qui vous parlez. Les jeunes que j’ai interrogé ne vous connaissent pas, ils ne vous ont jamais ni vu ni entendu. Même les plus affuts de l’actualité et de l’internet ont la peine à y arriver. Il faudrait donc encore vous interroger sur votre côte de popularité, envers une jeunesse qui représente 60% d’une population de 20 000 000 d’habitants. Cette popularité peut se prouver sur les réseaux sociaux, combien commentent vos publications et combien osent cliquer sur « j’aime », au moins par compassion. Combien adhèrent à vos prises de positions et combien peuvent vous suivre.
Vous ne parlez qu’à votre nom, pour parodier Césaire, si tu ne savais que parler, c’est pour toi-même que tu parlerais. Et pour pasticher Victor Hugo, quand tu parles de toi, c’est de toi-même que tu parles. La jeunesse ne se reconnait pas en toi, et ni toi en elle. Le combat contre le régime n’est pas le combat que les jeunes veulent mener aujourd’hui. Ils ne veulent point être de connivence avec le système, ils ne veulent non plus être en opposition avec lui. Le combat que les jeunes veulent mener c’est le combat avec eux-mêmes. Ils ne veulent pas demander ce que le pays fait pour eux, mais ce qu’ils font eux mêmes pour leur propre pays. Vous êtes contre l’homosexualité et toutes les autres pratiques semblables. Mais vous oubliez que les jeunes que vous prétendez défendre sont eux-mêmes des promoteurs de ces activités, et vous pensez qu’ils sont manipulés par je ne sais quel diable qui n’ose montrer sa face ? C’est dire que la jeunesse n’est pas toujours défendable. Et le défenseur de la jeunesse doit souvent pouvoir se poser en accusateur de cette jeunesse.
Je vous ai écrit plusieurs fois sans obtenir de réponse de vous. Je ne vous tutoie pas justement parce que je ne vous connais pas, vous m’êtes étranger, comme vous l’êtes chez la plupart des jeunes. Vous prétendez parler au nom de la jeunesse, pourtant vous ne connaissez pas cette jeunesse. Vous ne vivez pas avec elle, vous ne l’écoutez pas, vous ne parlez pas avec elle. Vous profitez de ce mot « jeunesse » qui plait tant, pour vous positionner comme vous pouvez. Comme le disait Sartre à la préface des damnés de la terre de Fanon, vous êtes « un mensonge vivant », un usurpateur. Les jeunes en 2008 ont eu tort de suivre des gens comme vous, qui les ont conduits à la dérive, à la déroute et la débâcle dans la rue. Plus jamais elle ne doit se laisser manipuler, et dérouter par ceux qui prétendent lui montrer le chemin. Le Christ l’a dit « un aveugle ne peut conduire un autre ». Aujourd’hui les jeunes ont les yeux ouverts et savent sur quel chemin marcher, et sur quels chemins cheminent les autres qui les font marcher. La jeunesse veut penser par elle-même, elle veut parler de sa propre voix, elle veut faire des choses par elle-même et pour elle-même. Non plus pour l’approbation d’autrui, ni pour satisfaire les désirs inexprimés des uns et des autres.
En ce qui concerne votre combat pour l’eau et l’électricité, je dirais encore que vous avez manquez la cible. C’est dire que vous n’avez rien compris de la notion ou du concept de développement. Il est clair que pour qu’un pays puisse se dire développé, il faudrait que sa population puisse avoir un accès facile à l’eau potable aussi bien qu’a l’électricité. Mais vous oubliez les conditions préalables à ce dit développement. Sous la vigilance du professeur Njoh Mouellé, je dirais qu’il est fort possible que lorsque le jeune camerounais aura un accès à l’eau et à l’électricité, il puisse demeurer un homme pauvre et sous-développé. Ce dont les jeunes ont soif aujourd’hui c’est de la connaissance, du savoir : (du savoir-vivre, du savoir-être, du savoir-faire et du savoir-faire faire). Ce n’est pas au préalable l’électricité qui va alimenter et éclairer l’esprit de nos jeunes. Ils ont besoin de savoir comment faire pour devenir eux-mêmes des « agents du changement social », pour parler comme Guy Rocher. Il faut donc amener les jeunes, non pas à vivre dans un eldorado qui ne serait pas construit par eux, mais les amener à bâtir le monde dans lequel ils vont vivre eux et leurs enfants. Le maitre Joseph Ki Zerbo disait qu’ « on ne développe pas, mais on se développe ». Développez donc la jeunesse que vous pouvez, et ils pourront développer le pays que vous ne pouvez pas. Développez cette richesse humaine, à la manière de Njoh Mouellé qui se trouve en nos jeunes sous formes de potentialités et de possibilités.
Vous muselez la jeunesse et osez dire que vous êtes son porte parole. Vous affirmez à outrance que si la jeunesse ne veut pas voter c’est parce que le code électoral est faux ou faussé. Moi je dirais que si le code électoral est faux c’est parce que les jeunes ne veulent pas voter. Et si les jeunes ne veulent pas voter, c’est parce que des gens comme vous ont manqué et continuent à manquer l’occasion pour leur dire ce que c’est que le vote. Les jeunes sont des « analphabètes politiques », ils n’ont aucune culture de la chose politique, c’est la raison pour laquelle ils ne participent pas en allant au vote. Ils ne connaissent rien du code électoral, ça ne nous dit rien du tout, donc il est impossible que ce soit ça qui nous empêche de voter. Or les gens comme vous sont préoccupé par des combats de façades, de fards, superficiels. Les combats de Don Quichotte, qui ne mènent à rien. Pourtant la jeunesse a besoin d’être cultivé politiquement, pour comprendre ce que c’est que la chose politique, chose que vous refusez de lui apprendre. Justement vous la maintenez dans l’ignorance pour continuer à user d’elle. La jeunesse n’a pas besoin de haut parleur de votre genre, car sa voix porte déjà assez, elle n’a pas besoins de traducteurs car elle parle la langue du futur. Et elle sait que le traducteur est un traitre.
Parlez si vous voulez, mais ne dites plus que vous le faites au nom de la jeunesse, de ma jeunesse avec qui j’étudie, je bois, je chante, je danse, je pense, je bosse, je trime, je monte et je descends, je ris et je pleurs, je lis et j’écris. Cette jeunesse là, elle ne vous connait pas. Il est temps de « laisser la jeunesse aux jeunes ».