Cette forme d'emprunt illégal fait courir plusieurs citoyens qui se font prendre au piège de créanciers peu scrupuleux.
Les guichets des banques sont sollicités. Non pas que le temps des salaires des fonctionnaires soit déjà arrivé, mais davantage pour des raisons de gestion des problèmes d’intendance. Dernières pensions scolaires, loyers impayés en décembre, intendance etc. Parce que la banque ne peut pas toujours répondre aux sollicitations des usagers, que certains individus ne disposent de pas de compte dans les établissements financiers ou que les clients trouvent le temps de réaction de la banque long, beaucoup se tournent vers les usuriers, qui eux, délient rapidement la bourse, non sans exiger quelques garanties. C’est le cas de cet officier des forces de défense qui s’est pointé dans une agence de la banque Ecobank de Yaoundé à la mi-janvier pour régler ses problèmes avec une de ses créancières. Il vit, avec sa famille, la conjoncture difficile du mois de janvier.
Deux de ses enfants, inscrits dans un établissement privé de Yaoundé, ne vont pas à l’école depuis la rentrée du deuxième trimestre pour pension non soldée. Aussi pour s’en sortir, a-t-il eu recours aux services d’une usurière qui, ce matin là, l’avait précédée à la banque. Avec deux chèques de 200 000 Fcfa et 300 000 Fcfa qu’il lui a signés. A l’écoute de son récit, l’homme est un prisonnier de fait; ce qui ne présage pas de beaux jours pour lui avant le mois de mars. Comme lui, bon nombre de Camerounais se rabattent sur les usuriers pour subvenir à leurs problèmes. Souple au départ, l’usure qui se définit comme l’intérêt perçu audelà du taux licite, ou encore un délit commis par celui qui prête de l’argent à un taux d’intérêt excessif, a des conséquences parfois suicidaires. Car, les garanties exigées par les usuriers sont démesurées, et les taux d’intérêts prohibitifs. «Pour 200 000Fcfa parfois, en dehors des 30% que vous devez lui donner en sus, vous laissez un ou plusieurs articles en gage, pouvant couvrir votre insolvabilité », renseigne une victime de l’usure. Parfois, après avoir pris la carte bancaire comme gage, ils vont jusqu’à exiger son numéro.
Désagréments
Léonie B. attribue la chute de sa soeur, cadre dans une micro-finance, à l’usure. « Ma soeur a contracté une dette de 500.000Fcfa auprès d’une femme qui vend de l’argent. A cause des difficultés qu’elle a rencontrées pour rembourser la somme empruntée à temps. Elle s’est retrouvée avec plus d’un million d’intérêts. Elle a même hypothéqué son salaire. Ça lui a valu au moins deux ans de galère», s’indigne- t-elle. Elle relève tout de même que la situation de sa soeur était moins fâcheuse que celle de bien d’autres.
C’est ce que semble dire Ibrahim T. en service dans l’administration, témoin de nombreux désagréments que cause une célèbre usurière bien connue dans l’arrondissement de Yaoundé III à Biyem-Assi. «Cette femme a tout un camp d’habitations confisquées à des débiteurs insolvables. Elle jouit tranquillement de ces biens «mal acquis?», déclare-t-il. Malgré les désagréments et les grincements des débiteurs, l’usure reste pour certains un mal nécessaire avec ses avantages. «On n’a pas besoin de longues procédures pour avoir le prêt demandé», susurre un journaliste. Pour lui, c’est ce rôle que devait jouer la micro-finance. Mais, regrette-il, «la micro-finance dupe toujours les clients. Au départ, on vous présente des conditions d’emprunt alléchantes. Mais au fur et à mesure que vous payez les traites, ces intérêts augmentent.
D’après certaines sources, même les administrations publiques n’échappent pas au recours à l’usure. Certains témoignages révèlent que pour des raisons de lenteurs administratives, des gestionnaires font appel aux services des usuriers pour financer des activités. “L’usure constitue en droit camerounais une infraction prévue et réprimée par l'article 325 du Code pénal. Elle n'est, en principe, punie que de peines d'amendes qui peuvent aller de 5 000 à 1 000 000 Fcfa. Cependant, l'usurier récidiviste risque une courte peine de prison qui peut s'étaler entre 15 jours et un an". Mais les usuriers ne manquent pas d'astuces pour contourner la loi. C'est ainsi qu'en guise de garantie, ils offrent deux possibilités : soit le demandeur signe une reconnaissance de dette, soit il établit un acte de vente postdaté d'un bien, meuble ou immeuble, qui l'autorise à le récupérer à l'échéance, en cas d'insolvabilité.
Bien de gens s’interrogent cependant sur la promptitude des banques à payer les chèques portés par les usuriers. «Le banquier est le mandataire de son client. La relation qui existe entre lui et son client se limite à exécuter les ordres de ce dernier ; de ce point de vue, il ne peut et ne doit s'immiscer dans les relations conflictuelles ou non qui pourraient exister entre des personnes qu'il (banquier) ne connaît pas. Autrement dit, quelle que soit la raison qui motive l'émission d'un chèque, dès qu'il est émis, le banquier est tenu de le payer s'il y a une provision suffisante en compte», explique Rodolphe Miale, directeur général de Capfinance.