Quand le chef des rebelles libyens oeuvrait pour Kadhafi
Pendant huit ans, cinq infirmières bulgares et un médecin palestinien ont été retenus prisonniers en Libye. Qui a confirmé la peine de mort des infirmières? Moustapha Abdeljalil, aujourd'hui chef des insurgés.
Dans
son appartement de Sofia, la capitale bulgare, lorsqu'il regarde des
images venus de Libye, Guéorgui Milkov tombe souvent sur des visages
connus: "Voici, Idris, Khoreibi, Omar, Fitouri", dit-il
en pointant son doigt vers des rebelles qui s'époumonent devant la
caméra, à Benghazi, pour dénoncer les crimes de Kadhafi...
Lorsque
Guéorgui avait commencé à les photographier, il y a une douzaine
d'années, ils manifestaient déjà, mais pour exprimer leur fidélité au
régime et demander la pendaison des infirmières bulgares accusées
d'avoir inoculé le HIV à des centaines d'enfants de Benghazi sur ordre
d'Israël et des Etats-Unis.
Reporter pour le quotidien 24
Tchassa de Sofia, ce journaliste arabisant à suivi depuis 1999 le
douloureux feuilleton de ces cinq femmes (et un médecin palestinien) qui
n'ont été libérés qu'en 2007 après l'intervention de l'Union
européenne, et notamment de la France. "Une immense manipulation destinée à racketter l'Occident à travers la petite Bulgarie", explique-t-il, dans une allusion aux contreparties obtenues alors par le régime de Kadhafi.
Moustapha Abdeljalil, "un fidèle parmi les fidèles" du colonel Kadhafi
Comme
d'autres, en Bulgarie, Guéorgui n'a pas manqué de relever que parmi les
dirigeants de cette opposition libyenne, représentée par le Conseil
national de transition (CNT), plusieurs personnes sont fortement
impliquées dans cette affaire. A commencer par le chef du CNT, Moustapha
Abdeljalil, ancien ministre de la Justice du colonel.
"Pour
nous, souligne le journaliste, il reste le président de la cour d'appel
de Tripoli qui, à deux reprises, a confirmé la peine de mort des
infirmières. Un fidèle parmi les fidèles qui, en récompense de son
intransigeance dans ce procès, a été nommé ministre en 2007."
Idris Laga, "un homme avide et sans scrupules"
Vu de Sofia, un autre "acteur"
de cette manipulation est Idris Laga. Cet homme, qui se présente
aujourd'hui comme le coordinateur militaire du CNT, est surtout connu en
Bulgarie comme le président de l'Association des parents d'enfants
infectés, très active pendant toute l'affaire des infirmières.
"Officiellement
indépendante, cette organisation a été crée par le régime pour faire
monter les enchères en instrumentalisant la douleur des victimes",
estime l'universitaire Vladimir Tchoukov, l'un des meilleurs
spécialistes du monde arabe en Bulgarie. Et le portrait qu'il dresse
d'Idris Laga n'est pas flatteur non plus: "Il s'agit d'un homme
avide et sans scrupules, animé par une haine profonde de l'Occident,
ajoute le chercheur. Je souhaite que la France sache qui elle soutient
en Libye."
La Bulgarie condamne la reconnaissance du CNT par la France
Le
11 mars, à Bruxelles, le Premier ministre bulgare a violemment réagi à
la décision, défendue par la France, de considérer le CNT comme un
interlocuteur politique digne de foi. "Dans ce conseil il y a des gens qui ont torturé nos infirmières", s'est insurgé Boïko Borissov, après une sérieuse prise de bec à ce sujet avec Nicolas Sarkozy.
Sans
donner de noms, il a certainement visé encore un transfuge de poids, le
ministre de l'Intérieur du régime de Tripoli, Abdel Fattah Younis.
Accueilli par une foule en délire à Benghazi, à la fin de février, le
général Younis est devenu la coqueluche des Occidentaux - le Quai
d'Orsay relate sur son site une conversation téléphonique entre lui et
Alain Juppé le 5 mars - qui espèrent que son ralliement va permettre aux
insurgés de reprendre du poil de la bête sur le terrain militaire.
A Sofia, la presse l'avait surnommé le "tortionnaire en chef"
à cause des mauvais traitements dont se sont plaintes les infirmières -
viols, électrochocs et morsures de chiens notamment - commis par ses
hommes et destinés à leur faire avouer des crimes qu'elles affirment
n'avoir jamais commis.