Monsieur le Président de la République,Vos collaborateurs, même les plus proches, ne respectent plus vos hautes instructions. Je présente dans les pages qui suivent un cas pratique pour illustrer mon constat déclaratif.Il me plaît, Excellence, de correspondre avec vous par le truchement de ce moyen pour porter à votre très haute attention une injustice criarde dont est victime un Camerounais du nom de Gabriel Ebili, pourtant, héros des évènements du 06 Avril 1984 qui ont failli vous coûter la vie et votre pouvoir. Je le fais surtout pour montrer le sort déplorable réservé aux hautes instructions que vous donnez à vos collaborateurs, même les plus proches.
En effet, c'est le jeune Gabriel Ebili né à Bibondi par Bikoka, arrondissement de Lolodorf en 1952 qui, mû par son patriotisme, a eu le réflexe divin de circonscrire le message des mutins au périmètre de Yaoundé, message qui, on s'en souvient mettait fin à votre règne et entre parenthèse les institutions de la République, un acte de courage et de bravoure qui est ignoré depuis qu'il a été réalisé. Or, l'histoire prouve que, tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, ont pris une part positive aux dits événements ont été récompensés à la mesure des actes posés. La récompense du technicien de la radio ayant sérieusement été séquestré par les mutins, reste la seule médaille de la force publique à lui épinglée en 1984 après le putsch par le défunt Ministre de la Défense, Gilbert Andzé Tsoungui.
Monsieur le Président de la République, pour des raisons de méchanceté et de jalousie, le héros Gabriel Ebili croupit dans la pire des misères à Bibondi par Bikoka (10 km de Lolodorf) sans pension ni rien. Il avait été chassé de la radio par ses supérieurs pour des raisons sulfureuses.
C'est grâce à ma modeste personne que, le cas Ebili sera relancé et porté à votre connaissance depuis 2008.
Le complot ourdi contre le brave opérateur de radio l'avait déjà fait mort. Je le sais parce qu'en 2002, alors que nous suivions un séminaire doctoral à l'Ecole Supérieure des Sciences et Techniques de l'Information et de la Communication (ESSTIC) animé par l'eminent professeur, Michel Tjadé Eonè sur «la place des médias dans la communication politique: le cas de la radiodiffusion», le professeur, en passant en revue les exemples des pays où les coups d'Etat avaient réussi ou échoué à la radio, a naturellement évoqué le cas du coup d'Etat du 06 avril 1984 au Cameroun. Il a souligné que «c'est grâce à un technicien de Radio Cameroun, lequel technicien serait d'ailleurs décédé, que les putschistes n'ont pas réussi leur coup de force. Ce dernier avait réussi l'exploit de circonscrire le message des mutins dans la capitale Yaoundé et ses environs». Les stratèges des questions militaires soutiennent effectivement que si le message des mutins avait été entendu sur l'ensemble du territoire, les choses allaient tourner en leur faveur. La grand-mère de Gabriel Ebili, Sama Eyene, et mon père Eyene Bala Daniel sont issus d'un même ventre. Dans la généalogie, je suis l'oncle direct du technicien en question. Vous pouvez comprendre l'état d'esprit qui pouvait être le mien au moment où le professeur s'exprimait.
Je dois avouer que l'eminent homme des sciences n'était pas de mauvaise foi. Cependant, son attitude met tout simplement en relief le fait qu'après le coup d'Etat manqué du 06 avril 1984, personne n'a cherché à savoir le sort réservé à l'opérateur radio que Dieu avait utilisé pour éviter le pire à notre pays. Ma résolution a donc été d'apporter la preuve aux Camerounais que le technicien de radio qui avait sauvé la vie du président Paul Biya est toujours vivant en publiant une brochure intitulée: Gabriel Ebili, le héros oublié du 06 Avri1 1984 et en le présentant au monde entier en 2008 dans une émission de télévision, «Canal Presse», diffusée en direct tous les dimanches de 12h00 à 13h30 sur la chaîne Canal 2 International.
Le lendemain de la diffusion de l'émission, j'ai reçu le coup de fil de M. Joseph LE, Directeur adjoint du Cabinet Civil de la Présidence de la République qui me demandait de le rencontrer d'urgence pour en savoir davantage sur le sujet. Je me suis rendu avec le concerné au domicile du Ministre Joseph LE au quartier Biteng à Yaoundé. Il nous a reçus. Concours de circonstance, il se trouve que les deux personnes se connaissaient puisque quand Joseph LE, alors journaliste, arrive à la radio, c'est Gabriel Ebili qui opère comme technicien.
Les retrouvailles furent chaleureuses.
Le Ministre LE nous a instruit d'arrêter toutes actions médiatiques car, nous confia-t-il, Monsieur le Président de la République lui a demandé de prendre ce problème en main. Un autre rendez-vous nous a été donné. Nous nous y sommes rendus et le Ministre LE nous a dit que vous lui avez annoncé qu'à titre de récompense, une maison allait être construite au concerné et que sa carrière administrative allait être rétablie. A la fin, Monsieur le Ministre m'a chargé de ramener Gabriel au village et d'aller rassurer les populations de Bikoka-Bibondi en leur disant que le Président Paul Biya n'oublie personne! Une fois au village, j'ai, avec zèle, demandé au chef de réunir la communauté pour un important message. En plus du fameux message, il fallait bien que Gabriel qui a passé une année chez moi à Mfou retrouve les siens. Le chef du village a fait ce qu'il avait à faire et tout le village était content et fier du Président de la République et de mes actions efficaces en vue de la valorisation de la bravoure de Gabriel Ebili, leur fils, lors des événements du 06 Avril 1984.
Au énième rendez-vous, cette fois au palais de l'Unité, nous avons remis au Directeur adjoint du Cabinet Civil de la Présidence de la République des documents administratifs de Gabriel Ebili (ses bulletins de solde, son acte d'intégration à la Fonction Publique, la photocopie de sa carte d'identité nationale...) et le plan de la maison à construire. Tout cela à nos frais. Gabriel Ebili a encore passé plus d'un an au village. Cela a commencé à provoquer des interrogations et même des inquiétudes. Certains ont commencé à me suspecter d'avoir déjà roulé Ebili car, arguaient-ils, «le Président de la République ne peut pas promettre quelque chose à un citoyen et laisser passer des années». J'ai beau me justifier, personne n'a compris, personne ne me comprend et personne ne peut me comprendre. Ce grand conflit familial existe. Il perdure.
En 2010, je suis revenu à la charge pour sauver ma face en me rendant à la Présidence rencontrer le Ministre LE. J'avais, avant de le rencontrer, exposé le problème à M. Oswald Baboké, Conseiller technique au Cabinet Civil de la Présidence de la République et à M. Simon Pierre Bikélé, Directeur du protocole d'Etat.
Le Ministre LE m'a effectivement reçu et m'a fait savoir qu'il avait perdu les documents à lui remis et qu'il fallait à nouveau amener d'autres. Cela fut fait dès le lendemain. La bonne nouvelle ce jour est que le Ministre LE m'a annoncé qu'au lieu de 30 millions, le Président de la République avait décidé de faire mieux en élevant le montant à 80.000.000 CFA.
Plus tard, le Ministre LE me dira que le Ministre des Finances (Lazare) Essimi Menye avait été notifié à ce propos.
Après 7 mois de silence ou d'indifférence, je me suis rapproché de l'ex-Ministre des Finances pour, comme on le dit chez nous, suivre le dossier initié. Le Ministre des Finances (Lazare) Essimi Menye m'a dit qu'il avait vu un tel courrier mais que, depuis 7 mois, il cherche à localiser le village de Gabriel Ebili. Cette réponse m'a plus que bouleversé. Quel est donc, Monsieur le Président de la République, ce pays où il faut plus de 7 mois pour localiser le village d'un citoyen? A quoi servent les gouverneurs des régions, les préfets dans les départements, les sous-préfets dans les arrondissements, les commandants de brigade qui ont les cahiers de surveillance de leur circonscription et les chefs de villages? Que doit-on conclure à ce niveau?
Toujours est-il que je n'aurai pas l'occasion de reparler du problème avec le Ministre des Finances Essimi Menye puisque, après le remaniement d'après la présidentielle, il a été muté au ministère de l'Agriculture et du Développement rural (Minader).
Il fut remplacé au poste par M. Alamine Ousmane Mey, un compatriote que je connais bien avant qu'il ne soit ministre.
Le jour de l’ouverture de la session parlementaire du mois de mars 2012, je me suis rapproché du nouveau Ministre Alamine à la salle des pas perdus de l'Assemblée pour solliciter une audience afin de lui poser le problème. Le Ministre s'est montré très occupé et m'a demandé, d'un air princier, de ne pas insister. Il a promis de m'appeler dès que son calendrier le lui permettrait. Ça fait presqu'un mois, le Ministre n'a pas appelé. Son calendrier, comme on le sait, est hyper chargé. Il n'appellera donc jamais.
Monsieur le Président de la République,
Ce récit est plus que pathétique. Il est choquant et révoltant. Il montre comment vos collaborateurs, même les plus proches, traitent les problèmes des citoyens et exécutent vos hautes instructions. Sans doute, vous êtes convaincu que vous avez déjà résolu le problème du technicien de radio qui vous a sauvé la vie le 06 Avril 1984. Malheureusement, rien et absolument rien n'est fait. La maison n'est pas construite (le village du concerné n'ayant toujours pas été localisé !) et son salaire n'a pas été rétabli. Une telle injustice est inexplicable et montre tout simplement la légèreté, la méchanceté, la perfidie ou l'incompétence de certains de vos proches collaborateurs qui ne ménagent pourtant aucun effort pour se montrer fidèles au discours sur la rigueur et la moralisation et qui, sans doute, vous font des comptes rendus mensongers sur certaines de vos très hautes instructions à eux données. C'est dommage que leurs comportements mettent en péril l'image, les vies des nobles compatriotes et frustrent les héros et ceux qui posent des actes de citoyenneté.
Nous sommes à quelques jours de la commémoration du 28e anniversaire des tristes évènements du 06 Avril 1984. Il fallait bien que Monsieur le Président de la République sût qu'il y a un Camerounais qui lui a sauvé la vie et qui, actuellement, se sent lésé et très frustré. Ce cas ne peut pas encourager d'autres actes de bonne volonté ni aujourd'hui, ni demain au cas où!
Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l'expression de ma très haute et déférente considération.