Protestation: Expulsé du Procès Marafa, Albert Dzongang écrit au Secrétaire d’Etat à la Défense
DOUALA - 03 Septembre 2012
© Albert Dzongang (Corresp.) | La Nouvelle Expression
© Albert Dzongang (Corresp.) | La Nouvelle Expression
Excellence, Monsieur le Ministre,
J’ai l’honneur de venir porter à votre haute connaissance les faits ci-dessous: Comme tous les citoyens, voulant s’informer sur les affaires de notre pays, je me suis rendu à Yaoundé le 27 août 2012 dans l’espoir d’assister à une audience du procès de MM. Yves Michel Fotso, Marafa Hamidou Yaya, et autres. J’ai attendu comme tout le monde devant les portes fermées de la salle d’audience, jusqu’à 12 heures 30, heure de leur ouverture. Je me suis précipité, comme tous les autres à l’intérieur pour prendre l’une des rares places encore libres, le reste étant occupé par des personnes apparemment en service commandé. J’ai donc pris place et j’ai conversé avec mes voisins. Vers 14 heures, une dame lieutenant de gendarmerie, s’est approchée très discrètement et m’a demandé courtoisement si elle pouvait me parler hors de la salle en quelques mots. Je l’ai suivie volontiers, dans le couloir à l’extérieur. Avec une politesse inhabituelle au sein de nos forces de l’ordre, elle m’a dit avoir été informée par l’un de ses agents que j’étais en train de filmer la salle. Je lui ai marqué ma surprise et mon grand étonnement car, ni les juges, ni les accusés n’étant encore dans la salle, je ne vois pas ce que j’aurais pu être en train de filmer. Je lui ai volontiers montré mon téléphone portable en lui disant que si c’est avec lui que je filmais, la dernière image, qui datait de la veille, était celle d’un véhicule accidenté. J’ai attiré son attention sur le fait que des agents comme celui qui l’avait informée, qui distillent, à longueur de journée, de fausses informations à leurs chefs et font des dénonciations calomnieuses, sont responsables du climat social délétère dans notre pays, et causent un grand tort à l’image de nos forces de l’ordre et de nos services de renseignements. Elle s’est longuement excusée pour ce désagrément, et s’est offert de me raccompagner à mon siège dans la salle d’audience, ce qui a été fait. Assez content du comportement de cet officier, j’ai pris cet incident avec le sourire. Curieusement, une heure de temps après, aux environs de 15 heures, alors que les juges et les prévenus n’étaient toujours pas encore arrivés dans la salle, cette fois-ci, c’est un adjudant de gendarmerie, armé jusqu’aux dents, portant un gilet pare-balles et 2 fusils d’assaut, qui s’approche de moi, l’air mauvais, et dans un ton brutal, m’agresse violemment en ces termes: «Monsieur, j’ai reçu ordre de ma hiérarchie de vous demander de déguerpir de cette salle!» Passé le moment de la surprise, je lui ai demandé de quelle hiérarchie il s’agissait, puisque le lieutenant venait de me raccompagner dans la salle. Et comme il se montrait de plus en plus menaçant, je suis sorti raconter l’histoire au lieutenant qui est tombée des nues et est rentrée dans la salle pour avoir des explications de ce subalterne. Je suivais la scène et ai vu avec quel mépris et quelle désinvolture ce dernier répondait à son supérieur. Sur ces entrefaites, MM. Marafa et Fotso sont arrivés au tribunal, et en attendant l’arrivée des juges, je me suis mis à parler avec eux pour m’enquérir de leur santé. Ce même gendarme est venu, cette fois-ci plus menaçant et plus farouche, pour dire à M. Yves-Michel Fotso: «Vous n’avez pas le droit de parler à ce Monsieur!». Et se tournant vers moi, il a déclaré: «Pour la dernière fois, je vous demande de sortir!». J’ai alors compris que quelque chose de pas clair était en train de se tramer, et que ce gendarme et ses mystérieux commanditaires comptaient sur ma résistance pour créer un scandale et, même, qui sait, prétendre que les prévenus auraient cherché à s’évader, comme cela a pu arriver dans certain autre dossier ou, pire encore, nous abattre froidement. Je ne comprends pas, Excellence Monsieur le Ministre, comment ce sont vos éléments qui assurent la police dans une salle d’audience, rôle que la loi assigne explicitement et exclusivement au président de céans. Cet amalgame et cette immixtion des forces de l’ordre jusque dans les palais de justice apporte du crédit à la thèse de ceux qui pensent que le procès Marafa/Fotso n’est pas un procès de droit, mais une véritable farce où des commanditaires, tapis dans l’ombre, se servent de l’appareil judiciaire pour régler des comptes. Je voudrais vous demander, en tant que premier responsable de ce corps, de veiller à ma sécurité lors des prochaines audiences à Yaoundé comme ailleurs, audiences auxquelles je me suis fixé le devoir d’assister, pour éclairer ma propre lanterne avant toute prise de position dans des affaires en cours. Et si par mégarde, vous estimiez que ma présence constitue désormais une menace pour l’ordre public ou un empêchement de mentir en paix dans ce procès, je vous saurais gré de me le signifier par tout moyen à votre convenance. Je rends cette lettre publique pour prendre le peuple camerounais et la communauté internationale à témoin sur la menace qui pèse sur moi en ce moment. Veuillez agréer, Excellence, Monsieur le Ministre, l’expression de ma grande considération et de mon profond respect pour les institutions républicaines. Albert Dzongang Président exécutif du Comité pour la défense des droits humains des victimes de l’opération «Epervier» |
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