Hon. JOSHUA N. OSIH, JOSEPH MBAH-NDAM
&
LES MEMBRES DU GROUPE PARLEMENTAIRE SDF
EXPOSÉ DES MOTIFS
La loi N°1968-LF-3 du 11 Juin 1968 portant code de la nationalité au Cameroun mérite d’être modifiée afin de refléter les réalités du vécu et les aspirations fondamentales du peuple camerounais. Quatre raisons militent pour cette modification :
- Le nécessaire ancrage de notre pays dans le contexte actuel et persistant de la mondialisation.
- La normalisation de l’état de nombreuses familles qui vivent la situation inconfortable et exceptionnelle actuelle qui leur est imposée comme un reniement des richesses culturelles de notre pays dont elles sont pourtant copropriétaires. Cette injustice nuit gravement à l’harmonie de ces familles - qui sont au demeurant camerounaises - en même temps qu’elle les plonge dans une précarité morale inutile et préjudiciable au pays.
- L’intérêt supérieur de notre pays qui passe également par le rayonnement de ses fils et filles à travers le monde.
- L’incitation et la motivation de notre Diaspora afin qu’elle accentue sa participation et densifie sa contribution pour l’émergence de notre pays que nous espérons atteindre un peu plus tôt que prévu.
A cet effet, les dispositions de l’article 31 aliéna (a) doivent être supprimées afin d’arrimer notre Nation aux réalités du 21e siècle. Il est plus qu’urgent de moderniser notre code de nationalité afin de protéger les meilleurs intérêts de nos compatriotes qui sont habituellement emprisonnés entre le choix du statut de l’immigré national et celui de l’amour de leur patrie. Il y va d’ailleurs de la tenue d’une promesse du Président de la République faite à la Diaspora camerounaise lors de son dernier voyage officiel en France. Cet article, faut-il le rappeler, avait été institué en 1968 pour barrer la voie à l’opposition politique de l’époque qui vivait en grand nombre à l’étranger et jouissait des privilèges de la nationalité des pays hôtes. Droits et avantages qui aujourd’hui, à travers l’ouverture démocratique des années quatre-vingt-dix dans notre pays, ne sont plus à l’ordre du jour.
Sans vouloir citer des noms, nombreux sont ceux de nos compatriotes aujourd’hui qui font la fierté de notre pays
- hauts commis de l’Etat, footballeurs internationaux et autres
athlètes, artistes, écrivains, leaders d’opinion et hommes d’affaires de
renommée internationale –et qui aimeraient mettre à la disposition de
notre pays leur talent, leur expertise et leur compétence affirmés et
parfois acquis à l’international. Cet article 31 (a) les met
malheureusement en incapacité de pouvoir servir notre pays qu’ils aiment
tant, par-dessus tout. Chaque fois qu’ils doivent choisir entre
l’avenir professionnel, économique et social que leur offre un statut de
citoyen de leur pays d’accueil et la loi du berceau de leurs ancêtres,
ils sont plongés dans une détresse incommensurable doublée d’une
déchirure terrible.
La loi de 1968 revêt un caractère discriminatoire du fait qu’elle est à tête chercheuse dans son application. A titre d’illustration, nous bafouons cette loi en acceptant que, pour des raisons liées à l’immigration et non à leurs choix du cœur, la majeure partie de nos joueurs de l’équipe nationale de football possèdent des nationalités étrangères comme second choix. Il est évident que si cela n’avait pas été le cas, ils ne reviendraient pas jouer pour le Cameroun. Ils sont pourtant nos véritables ambassadeurs dans le monde et porte-parole de notre patrie qui, paradoxalement, ne leur reconnaît pas la nationalité. Il convient par ailleurs de noter que les dispositions de la présente loi ont été invoquées par la Tunisie pour disqualifier le Cameroun pour la Coupe du Monde 2014 et nous avons eu la chance qu’il y avait un vice de forme.
Au-delà des Camerounais vivant à l’étranger avec d’autres nationalités, il y a le cas important des familles camerounaises dites mixtes composées d’un parent camerounais d’origine, d’un autre parent d’une autre nationalité et d’enfants camerounais, fiers de l’être. La loi de 1968 consacre le déni de nos traditions culturelles qui veulent qu’un enfant, de mère ou de père camerounais, soit notre enfant. A cause des situations trop souvent liées aux exigences professionnelles ou économiques, nous discriminons ainsi un grand nombre de nos filles et fils au nom d’une loi passéiste et forcément en décalage avec notre temps. Plus grave, cette loi oblige les épouses et époux de camerounais à devoir choisir leurs nationalités, à choisir entre ce qu’ils sont et ce qu’ils ont choisi de devenir par amour et conviction. Ce qui a pour effet au mieux de mettre trop souvent nos compatriotes à l’épreuve de véritable martyr et au pire d’empêcher des unions avec des camerounaises ou des camerounais qui auraient naturellement eu lieu si notre pays était en phase avec sa propre réalité. La loi actuelle fait en sorte que la plupart de conjoints étrangers et d’enfants des conjoints d’étrangers mariés avec des camerounaises et des camerounais sont obligés de violer la loi ou de faire un choix douloureux entre la raison et le cœur.
Des milliers de familles camerounaises attendent que la loi sur la nationalité dans notre pays soit résolument revêtue du sceau de la logique et de la justice. Plusieurs d’entre elles vivent depuis de nombreuses années au Cameroun, où elles élèvent leurs enfants au sein de leurs belles-familles. Elles se sont intégrées dans la société camerounaise. Pour autant, les époux et/ou épouses ne souhaitent pas abandonner leur nationalité d’origine, qui fait partie intégrante de leur identité et de leur culture qu’ils se doivent de transmettre à leurs enfants, nos enfants. Il est absurde que des étrangers qui viennent au Cameroun avec pour seul objectif de piller le pays soient reçus en héros et que ceux qui nous donnent des enfants, nos enfants, soient obligés de s’aligner des mois durant pour recevoir un permis de séjour qui, très souvent, les confronte à l’incertitude de l’application des procédures administratives.
Il est donc impératif que la Loi 68-LF-3 du 11 juin 1968 soit amendée pour ne plus obliger nos enfants, nos époux ou nos épouses à choisir entre leurs deux parents et leurs deux pays. Aussi, ceux des compatriotes qui ont perdu la nationalité a cause de l’Article 31 aliéna (a) devrait pourvoir réintégrer la nationalité à travers les dispositions de cette proposition de loi. Si nous appliquions strictement cette loi avec les dispositions actuelles, notre pays ne serait connu ni pour notre musique, nos écrivains et encore moins pour nos exploits sportifs ou politiques. Cette loi est par conséquent injuste, rétrograde et contreproductive pour notre pays.
Nos compatriotes de la Diaspora ont acquis une autre nationalité beaucoup plus par nécessité que par rejet de notre patrie qui leur est chère. Leur capacité à booster pleinement et de façon constructive le processus de développement de notre Nation qui tarde à décoller, n’est plus à démontrer. L’émergence du Cameroun projetée pour 2035 se fera avec nos compatriotes de la Diaspora, nos familles binationales et non sans eux ou contre eux. Il est donc important de procéder à l’adoption de cette proposition de loi qui, en plus d’adapter la loi de 1968 à nos réalités actuelles, ne peut qu’apporter un plus à notre pays. Telle est l’économie de la présente proposition de loi soumise à l’examen du Parlement.
PROPOSITION DE LOI MODIFIANT ET COMPLETANT LA LOI N°1968-LF-3 DU 11 JUIN 1968 PORTANT CODE DE LA NATIONALITE CAMEROUNAISE
AMENDEMENT
Au lieu de : « LA LOI N°1968-LF-3 DU 11 JUIN 1968 PORTANT CODE DE LA NATIONALITE CAMEROUNAISE »
LIRE : « LA LOI N° 1968-LF-3 DU 11 JUIN 1968 PORTANT CODE DE NATIONALITE AU CAMEROUN »
CHAPITRE III : DE L’ACQUISITION DE LA NATIONALITE CAMEROUNAISE APRES LA NAISSANCE.
Paragraphe Premier : Par l’effet du mariage
L’article 17 est modifié et se décompose en deux alinéas ainsi qu’il suit :
Article 17.
- Sous réserve des dispositions des articles suivants, la femme étrangère qui épouse un camerounais peut, après 5 (cinq) années de mariage et sur sa demande expresse, acquérir la nationalité camerounaise.
- Sous réserve des dispositions des articles suivants, l’homme étranger qui épouse une camerounaise peut, après 5 (cinq) années de mariage et sur sa demande expresse, acquérir la nationalité camerounaise.
L’article 19 est modifié ainsi qu’il suit :
Article 19. Au cours d’un délai de six mois qui suit la demande tel que
stipulé à l’article 17 ci-dessus, le Gouvernement peut s’opposer, avec
motivation écrite et par décret, à l’acquisition de la nationalité
camerounaise. (Les dispositions des articles 20 à 27 restent sans
changement)
Article 28 : Paragraphe 4 : Par l’effet de la réintégration. Cet
article 28 se décompose en quatre (4) alinéas ainsi qu’il suit 6
(a) La réintégration dans la nationalité camerounaise est accordée par
décret, sans conditions d’âge ou de stage, à condition toutefois que
l’intéressé apporte la preuve qu’il a eu la qualité de ressortissant
camerounais et justifie de sa résidence au Cameroun au moment de la
demande de réintégration.
(b) La réintégration dans la nationalité camerounaise est accordée
d’office sans conditions d’âge ou de stage, à toute personne intéressée
qui apporte la preuve qu’elle a eu la qualité de ressortissant
camerounais dans les conditions de la présente loi, et qui n’a pas pu
acquérir et justifier de la nationalité camerounaise ou a été déchu de
la nationalité camerounaise du fait d’avoir acquis ou conservé
volontairement une nationalité étrangère.
(c) Toute Camerounaise ou tout Camerounais qui acquiert une nationalité
autre conserve la nationalité camerounaise, sauf répudiation laissant
trace écrite par la personne dont il s’agit.
(d) Chaque fois que l’intérêt du Cameroun est en jeu ou que la question
se pose sur le territoire Camerounais, la Camerounaise ou le Camerounais
ayant conservé une autre nationalité ne pourra faire usage de celle-ci,
ni des effets y afférant, et sera considéré comme uniquement
Camerounaise ou Camerounais.
CHAPITRE IV : DE LA PERTE ET DE LA DECHEANCE DE LA NATIONALITE CAMEROUNAISE.
Paragraphe Premier. Perte de la nationalité
Article 31.Supprimer le contenu de l’alinéa (a) qui est libellé ainsi
qu’il suit : « Le Camerounais majeur qui acquiert ou conserve
volontairement une nationalité étrangère. ». L’alinéa (b) devient
l’alinéa (a) et l’alinéa (c) devient l’alinéa (b)
ainsi qu’il suit :
Perd la nationalité camerounaise:
a) Celui qui exerce la faculté de répudier la qualité de Camerounais conformément aux dispositions de la présente loi.
b) Celui qui, remplissant un emploi dans un service public d’un organisme international ou étranger, le conserve nonobstant l’injonction de le résigner faite par le Gouvernement camerounais.
(Le reste sans changement)
FIN DE LA MODIFICATION