La Commission mise sur pied par le Premier ministre pour mener les investigations commandées par le président de la République sur les causes de la calamiteuse expédition Brésil 2014 avec des propositions de solutions devra rendre sa copie vendredi prochain.
I- Ne pas mettre à l’index les joueurs
AQUATRE JOURS de la remise du rapport de ses enquêtes sur la débâcle des Lions In«domptables» à la 20è éditions de la phase finale de la Coupe du Monde 2014, la Commission mise sur pied par le Premier ministre, et que dirige Louis Paul Motaze, est en phase finale de ces travaux. Quelques indiscrétions n’augurent pas des conclusions impartiales et objectives. Commandité par le Président de la République, Paul Biya le 25 juin 2014, au lendemain du dernier match de groupe A où était le Cameroun, la Commission Motaze s’est aussitôt mise à pied d’oeuvre. Elle a ouvert une large consultation des acteurs en activité et ou non du sport camerounais.
Elle a entendu et demandé des rapports des joueurs, encadreurs et autorités sportives qui étaient de la délégation du Cameroun à cette Coupe du monde 2014 que vient d’abriter le Brésil. Il ne fait aucun doute qu’au stade actuel, les dernières corrections sont apportées pour le transmettre tout d’abord au Premier Ministre, Philémon Yang qui devra en prendre connaissance et l’acheminer à la Présidence de la République à la date échue.
C’est dire que le rapport Yang Philémon ne sera pas connu du grand public. Puisque la plus haute hiérarchie de l’Etat qui en est le commanditaire et le destinataire devrait prendre connaissance et diligenter à sa convenance les propositions de solutions qui trouveraient son assentiment. Des fuites font état de ce que les conclusions de la Commission d’enquête feraient porter la responsabilité de la débâcle des Lions Indomptables à certains joueurs de cette expédition.
Ce qui serait une sentence très peu objective et impartiale. Surtout que les noms qui sont cités comme ballon d’essai, montrent la volonté de faire porter le bonnet d’âne à des joueurs qui sont plus ou moins en fin de carrière internationale. Certains jeunes joueurs dont les noms figurent dans cette liste seraient tout simplement des dégâts collatéraux qui serviraient à faire diversion. Puisque ce sont des joueurs qui ont brillé par des comportements s très peu honorables sur le terrain, qui ont été sanctionnés par les officiels ou non. Les autres sont ceux qui figuraient dans la liste des joueurs blessés avant la compétition.
Or, on ne saurait prendre une décision administrative extrême pour une sanction de prestation sportive en demiteinte d’un joueur. Encore moins sanctionner un joueur deux fois pour la même faute. Le cas de Song Alexandre qui a déjà suffisamment été sanctionné par l’arbitre du match et par la commission compétente de la Fifa. La rixe entre Assou-Ekotto et Moukandjo, ne saurait être sanctionnée administrativement par cette Commission Motaze, si elle n’a pas été sanctionnée par la Commission de discipline de la Fifa qui sanctionnait des joueurs dont les actes répréhensibles portés sur le terrain avaient échappé aux officiels de la rencontre.
C’est le cas de l’attaquant et leader de l’équipe de l’Uruguay, Luis Suarez. Plus encore, parce que le cas de Song et d’Assou-Ekotto ne sont en rien responsables de la calamiteuse performance des Lions. Comme l’a affirmé Assou-Ekotto chez nos confrères, «c’est des incidents regrettables qui arrivent dans une équipe où rien ne marche».
La responsabilité de la débâcle des Lions In«domptables» est loin d’être celle des joueurs. Il ne fait pas de doute que les joueurs ont été mauvais voire très mauvais sur le terrain, frisant un manque criard de niveau. Mais il faut encore savoir si leur sélection était objective, et si l’environnement dans lequel ils se trouvaient était propice pour obtenir des meilleurs résultats. Dans ce cas, il faut aller chercher les causes en amont. Ce d’autant plus que le joueur ne se sélectionne pas, et ne décide pas d’être titularisé ou non. Pis encore, la sélection camerounaise était truffée de joueurs blessés. Il y a au moins un qui a été recalé sous le prétexte qu’il était blessé.
Comment punir les autres blessés qui ont été retenus ? Pourtant la décision émanait du staff technique qui était supposé travailler en collaboration avec le staff médical. C’est qu’il y a eu une certaine partialité dans l’appréciation du niveau sportif des joueurs et même de la gravité des cas des joueurs qui sont blessés. On espère que la Commission Motaze a mis à contribution les fins limiers faire la lumière sur les soupçons de marchandage de places dans la liste des 23 joueurs de l’expédition Brésilienne.
II- Les vraies causes de la débâcle
CONSÉQUENCE, la Commission Motaze devra établir les responsabilités le cas échéant de ceux qui ont animé cette pratique et conduit à la sélection approximative des joueurs. Globalement, il ne fait pas de doute que la sélection camerounaise était au départ très mauvaise et pas au niveau d’une compétition internationale, plus encore de la dimension de la Coupe du Monde. Pas question de jeter en pâture les joueurs. Mais il est question tout simplement d’instaurer la méritocratie et l’excellence dans la sélection des joueurs dans les Lions. Et pour cela mettre en déroute les réseaux qui ont pris en otage la gestion des Lions indomptables pour leurs intérêts individuels et non collectifs.
Exclure ou sanctionner les joueurs seraient, une mauvaise solution pour résoudre un vrai problème. La véritable sanction d’un joueur est sa performance individuelle. Et à l’entraineur sélectionneur d’avoir de la poigne et de la personnalité pour ne sélectionner que les joueurs en forme et compétitif au moment où il est appelé à rassembler la sélection nationale. Evra et Matudi sont deux joueurs qui ont été mêlés dans des incidents qui ont porté atteinte à l’image de la France en compétition internationale, l’un lors de la Débâcle des Bleus en Coupe du Monde 2010 et l’autre lors de l’Euro des moins 21 ans, une virée collective avait coûté l’élimination de la France.
Mais leur talent et leur forme individuelle ont plaidé en leur faveur pour leur sélection en équipe France pendant la phase des qualifications et à la phase finale de la Coupe du Monde 2014. Luis Suarez, en dépit de la sanction de la Fifa de le suspendre de toute compétition pour quatre mois, pour une acte répréhensible commis en mondo vision et condamné par la planète entière, cela n’a pas empêché que son talent et sa prestation pendant cette Coupe du monde 2014 fasse de lui la priorité dans le recrutement du Fc Barcelone pour la saison prochaine. Pourtant son absence a coûté l’élimination de l’Uruguay en quart de finale. C’est dire que la débâcle collective des Lions In«domptables» au mondial Brésilien de 2014 ne peut pas être mise sur la seule prestation des joueurs. Il y a bien des causes endogènes.
La Commission Motaze a d’abord la mission de mener des investigations sur les causes de la lamentable campagne des Lions In«domptables» à la Coupe du monde 2014. Si les joueurs ne sont pas la cause de cette débâcle, ils n’en sont pas moins responsables. Responsables parce qu’ils étaient les acteurs sur le terrain et ont été ceux qui ont produit la piètre prestation. Mais il est su des experts du sport que les joueurs peuvent avoir une performance peu glorieuse du fait de leur faible niveau dans un match ou une compétition, mais lorsque la performance est calamiteuse, les causes doivent être recherchées ailleurs. Notamment dans la gestion administrative. C’est dans l’administration que se prépare les victoires, au pire les défaites les moins douloureuses. Parce qu’on est satisfait de la prestation de son équipe qui a produit un jeu agréable mais qui peut perdre contre le cours du jeu. Comme cet excellent élève qui va échouer un examen du fait d’un effet psychologique sans que cela remette fondamentalement en cause son réel niveau.
Et pour le cas des Lions Indomptables, s’il est vrai que les causes de la calamiteuse prestation et lamentable performance des Lions du Capitaine Samuel Eto’o, qui leur placent dernier au classement des 32 nations ayant pris part à cette Coupe du monde 2014, sont aussi sportives, il faut dire qu’elles sont d’abord avant tout administratives. La gestion administrative des Lions Indomptables portait en elle les germes de cet échec. Dire que «les Lions étaient programmés pas seulement pour échouer comme le titre du livre publié par Jean Bruno Tagne après la débâcle de cette même sélection à la Coupe du monde, Afrique du Sud 2010, mais pour être ridicule».
Et c’est dans la gestion autarcique et autocratique des Lions Indomptables par la Fécafoot via le président du Comité de normalisation, Joseph Owona qu’il faut chercher les causes de cette calamiteuse performance. Mais aussi, il faut remonter déjà à l’échec du Mondial Sud africain pour comprendre que tant que rien n’avait été fait pour analyser froidement cette performance, sur tous les plans (administratif, sportif, financier, médical, psychologique,…). Malgré que la sonnette d’alarme ait été tiré par les médias et que le tout a été sanctionné par un livre au titre évocateur : «Lions Indomptables, programmés pour échouer», les pouvoirs publics sont restés sourds. A cela est venu s’ajouter la mollesse du gouvernement dans la gestion du processus électoral de 2013 à la Fécafoot qui n’a pas pu aller jusqu’à son terme.
Plongeant le football camerounais dans une crise profonde. Conséquence, la plus miroité des Fédérations sportives camerounaises, la Fécafoot a vu sa gestion partir des mains d’un gang des imposteurs qui a voulu faire un hold-up électoral pour se retrouver entre des mains inexpertes. Cette crise dont les séquelles sont importantes n’a même pas encore commencé à subir les premiers soins en dépit du fait qu’on y a porté à son chevet une Commission dite de normalisation truffée de Professeurs agrégés de Droit, qui a elle-même été confisquée dans sa gestion autoritaire de son président, Pr Joseph Owona. Visiblement son seul objectif, était non pas de normaliser la gestion de la Fécafoot et par ricochet les prémices de la restructuration du football camerounais, mais de gérer les fonds de la Fécafoot qui étaient déclarés par l’ancienne équipe dirigeante de Iya Mohammed à hauteur de 5 milliards Fcfa. Auxquels il faut ajouter les retombées de la Coupe du Monde 2014 et autres entrées subsidiaires.
III- Exigence des reformes structurelles profondes
C’est dire que dans l’aspect des propositions attendues de la Commission Motaze et qui seront portées entièrement par le rapport du Premier ministre, en vue d’une restructuration profonde et urgente du football camerounais, il faut mettre en bonne place la dissolution des organes de gestion de la Fécafoot et par ricochet la mise en retrait du Cameroun des compétitions internationales afin de mettre une structure dirigeante légitime qui aura pour mission de conduire le chantier de relance du football à court terme et à moyen terme une réflexion profonde pour un football camerounais durable.
Prenant en compte :
- la réaffirmation des responsabilités sociales et citoyennes du football camerounais ;
- Les régulations d’un véritable football professionnel ;
- Penser un modèle économique et social durable du football au Cameroun ;
Afin de déboucher sur un modèle du football camerounais pour un rayonnement international. Ceci dans la perspective de la Can 2017 ou 2019 que le Cameroun veut organiser. Qui devrait être une occasion formidable à saisir pour provoquer un nouvel élan pour le football, sa diffusion et sa professionnalisation. Bien pensé et bien structuré le football professionnel est une activité économique importante, qui génère des emplois directs et indirects pour la richesse d’un pays comme le Cameroun afin que tous les secteurs, le sport en général y compris et le football en particulier concourt à l’atteinte de l’émergence dans laquelle le Cameroun dit s’être engagé à l’Horizon 2035. Car le football professionnel est un secteur économique important, mais aussi une activité d’intérêt général. Il est dépositaire des valeurs collectives telles que :
- exemplarité des champions,
- formation des jeunes, ascenseur social,
- santé publique,
- rayonnement international.
De même qu’il est également porteur sous d’autres cieux du principe de solidarité, au premier chef entre le football professionnel et le football amateur dans le respect de l’unité du mouvement sportif. C’est pourquoi en attendant une étude profonde sur un football camerounais durable, les propositions de la Commission Motaze devraient succinctement et de manière lapidaire inviter les acteurs du secteur privé à s’investir dans le développement du football. Mais avant, marteler que les pouvoirs publics sont fondés à donner au football camerounais des moyens, un cadre juridique et des régulations à la hauteur des attentes des milliers de licenciés, des millions des supporters et de manière incitative aux investisseurs potentiels.
Il faudrait se fixer un cap. Et la Can 2019 est objectivement le meilleur. Ce d’autant plus que c’est un évènement international qui constitue, pour le monde du sport et pour la communauté nationale, une occasion importante de rayonnement. Ce serait le catalyseur tout désigné pour faire franchir le cap escompté au football au Cameroun. Le football camerounais étant actuellement, dans une situation que certains rapprochent de ceux de celle de l’après belle épopée Italienne de 90 : performance de la sélection nationale ternes, recul au classement Fifa, un fort engouement de la jeunesse. Autant d’indicateurs qui exigent des reformes structurelles profondes qui vont permettre au football de progresser durablement.