Prolifération des «églisettes»: Le renouveau, la Bible, les deux complices
Douala, 29 Août 2013
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Églises réveillées ou endormies; églises éveillées ou somnolentes, etc. Ces «églisettes» qui curieusement se réclament toutes d'une même Bible étaient inconnues au Cameroun il y a des dizaines d'années. Aujourd'hui, la réputation de ces monstres du «Renouveau» a fini par effrayer leur propre créateur, au point où ce dernier s'est découvert sur le tard des talents de sapeur-pompier. Genèse d'un malaise social.
S'il est un domaine où le régime de Paul Biya peut se targuer d'avoir un bilan «élogieux», c'est bien celui de la prolifération des débits de boissons et des églises réveillées. On se souvient que dès ses premières sorties médiatiques en tant que président de la République du Cameroun, il avait, s'agissant de la libéralisation de l'économie, insisté sur la nouvelle procédure facilitée et simplifiée pour obtenir un permis de vente de boissons alcoolisées qui était une révolution et une avancée par rapport à son prédécesseur désormais, il suffisait d'en faire juste la demande et fonctionner en attentant l'autorisation. Aujourd'hui, les résultats parlent d'eux-mêmes, les débits de boissons se côtoient au centimètre près. Un privilège qu'ils sont seuls à partager avec les nouvelles églises réveillées ou éveillées dont les crimes sont de plus en plus odieux.
Pourtant, à la différence des débits de boissons qui sont apparemment classés sous un régime de déclaration, les associations religieuses sont soumises, selon la loi, à un régime strict d'autorisation délivrée exclusivement par le Président de la République, après avis du Ministre de l'Administration territoriale et de la décentralisation (Minatd). Mais d'où vient-il que ces «églisettes» aient enregistré tant de succès en si peu de temps, en agissant pourtant dans la clandestinité dans un pays où lorsqu'une réunion d'un parti politique est envisagée, fut-elle de manière restreinte dans une maison d'habitation, celle-ci est aussitôt repérée par les services des renseignements qui font le «nécessaire» pour l'interdite sous le couvert de trouble à l'ordre public?
L'alcool et les associations religieuses: l'opium du peuple
En réalité, il est simple de comprendre que sous l'ère du Renouveau, l'alcool et ces associations religieuses constituent un opium bien entretenu par le régime en place pour distraire les Camerounais afin de s'éterniser au pouvoir. Si le premier les place dans un état second pour les écarter des questions essentielles sur la marche et la gestion de la chose publique, les seconds trouvent les mots nécessaires dans la Bible pour les abrutir et les amener à ne pas s'intéresser aux choses de ce monde. Car leur vrai monde c'est le ciel: «Heureux les pauvres...», «Si on vous gifle à la joue droite tendez la joue gauche...». Autant de termes débonnaires qui n'encouragent pas la moindre revendication et ne sauraient par conséquent empêcher de piller en paix. Et quand y ajoute des journées et des nuitées entières de prières de d'hystéries collectives, la coupe est pleine.
Une autre explication et pas des moindres vient du fait que les églises traditionnelles, à l'instar de l'église catholique, émettent des critiques acerbes contre les décisions du pouvoir en place engageant l'avenir de la nation. Ce qui n'était pas toujours du goût du régime qui a finalement opté pour l'encouragement de la multiplication des églises dans le but de mieux disperser les croyants pour être à l'abri de cet autre son de cloche qui trouble la chapelle du parti des flammes.
Le cas, entre autres, du Cardinal Christian Tumi en est une illustration parfaite. L'échange épistolaire par presse interposée qu'il a eu, il y a quelques années, avec une «créature» de Paul Biya, alors Ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, lequel convulsait après une (fausse) rumeur selon laquelle ce prélat avait l'intention d'être candidat au poste de Président de la République, est resté gravé dans les mémoires. On se souvient aussi que pour les mêmes raisons, au début des années 90, une étrange perquisition avait eu lieu dans la case de la mère (la centaine entamée) de cet homme de Dieu à Kumbo, Son village natal, et faisait état de ce qu'on y avait trouvé ... des armes. Un acte qui n'a pas encore fini d'amuser l'opinion qui avait vite compris ce qui se cachait derrière une telle manigance.
La Bible: une véritable tour de Babel?
Au-delà des calculs politiques du Renouveau qui a fait de la multiplicité des religions un précieux ingrédient pour la conservation de son pouvoir, il y a une question fondamentale qui ne saurait échapper à quiconque voudrait s'intéresser aux causes profondes de la prolifération des religions. Comment comprendre que tant de religions se réclame d'un même Dieu et d'un même livre qui est la Bible et prétendent à la fois être diamétralement opposées. Que signifie donc cette logique qui se traduit par un livre = des milliers d'interprétations?
Pour certains observateurs, c'est l'auteur de la Bible qui est l'origine de ce trouble. Et pour le dé¬montrer, ils procèdent par analogie à l'histoire de la Tour de Babel (Genèse 11.1-9) où il se raconte comment Dieu n'a pas voulu que les gens parlent la même langue. Pour eux donc, parmi tous les récits bibliques, cet épisode où toutes les races et les langues auraient surgi en ce lieu unique est un bon exemple.
En effet dans ce chapitre, la Bible raconte elle-même que «Tout le monde se servait d'une même langue et des mêmes mots. Comme les hommes se déplaçaient à l'orient, ils trouvèrent une vallée au pays de Shinéar et ils s'y établirent. Ils se dirent l'un à l'autre: «Allons! Faisons des briques et cuisons-les au feu!» La brique leur servit de pierre et le bitume leur servit de mortier. Ils dirent: «Allons! Bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux! Faisons-nous un nom et ne soyons pas dispersés sur toute la Terre!».
Or Yahvé descendit pour voir la ville et la tour que les hommes avaient bâties. Et Yahvé dit: «Voici que tous font un seul peuple et parlent une seule langue, et tel est le début de leurs entreprises! Maintenant, aucun dessein ne sera irréalisable pour eux. Allons! Descendons! Et là, confondons leur langage pour qu'ils ne s'entendent plus les uns les autres».
Yahvé les dispersa de là sur toute la face de la Terre et ils cessèrent de bâtir la ville. Aussi la nomma-t-on Babel, car c'est là que Yahvé confondit le langage de tous les habitants de la Terre et c'est de là qu'il les dispersa sur toute la face de la Terre».
A méditer!