Procès: Olanguena Awono, bientôt la fin du calvaire ?

YAOUNDE - 21 Mars 2012
© Parfait N. SIKI | Repères

Trois des cinq chefs d'accusation portés contre l'ancien ministre de la Santé publique sont définitivement enterrés. Les deux derniers sont flageolants, selon ses avocats.

Le 15 mars 2012, peu après 15 heures, M. Urbain Olanguena Awono a de la peine à se départir de la foule qui l'entoure dans la grande salle d'audience de la Cour suprême. Pour la plupart venues de loin, les personnes présentes tiennent à lui témoigner leur soutien, lui serrer la main et à échanger quelques paroles avec le fils de Polo, village situé à Sa'a, dans le département de la Lekié. Dans son superbe costume bleu à fine rayures Manches, l'ancien ministre de la Santé publique paraît légèrement amaigri. Mais au terme de l'audience qui justifie sa présence dans cet antre du droit, un large sourire barre son visage. A ses côtés, Me Assamba, un de ses avocats, reçoit les félicitations des parents et amis, et même des habitués des audiences de la Cour suprême.

C'est qu'une victoire importante, sans doute la première de cette longue affaire, vient d'être définitivement remportée par M. Urbain Olanguena Awono. En effet, la plus haute juridiction du pays a confirmé une décision de la Cour d'appel du Centre du 13 octobre 2011 au sujet des poursuites au titre de trois chefs d'accusation portés contre l'ancien ministre de la Santé publique. Elle a suivi le réquisitoire de l'avocat général, qui a plaidé en faveur de l'accuse. L'ex-ministre de la Santé publique avait introduit un recours en avant dire droit contre trois chefs d'accusation «sortis du chapeau» devant le tribunal de grande instance du Mfoundi alors qu'ils ne figuraient ni dans le réquisitoire introductif du parquet, ni dans le procès-verbal de première comparution valant inculpation. Débouté par le TGI, l'ex ¬Minsanté avait saisi la Cour d'appel qui s'était prononcé en sa faveur. Les accusations querellées avaient été annulées et les poursuites jugées illégales par la cour d'appel au motif que l'accusé n'avait jamais été informé des charges retenues contre lui. Et c'est le parquet général qui avait saisi la Cour suprême pour casser la décision de la cour d'appel. Le jugement de la Cour suprême, sans appel, annule définitivement les poursuites sur ces trois points.

M. Urbain Olanguena Awono n'est donc plus poursuivi des chefs d'accusation de «détournement de la somme de 200 000 000 (deux cents millions de FCFA) au travers du protocole d'accord signé avec l'Association Camerounaise de Marketing Social (ACMS) en violation de la réglementation sur les marchés publics ; de tentative de détournement de la somme de 60 000 000 (soixante millions de FCFA) dans le cadre de la signature dudit protocole d'accord ; et de «détournement de la somme de 122 000 000 (cent vingt deux millions de francs CFA) au travers du marché de fourniture du matériel de sensibilisation (dépliants) avec les ONG ...»

En prison depuis bientôt quatre ans, l'ex-Minsanté n'a pas remporté une demi-partie. La Cour suprême a ensuite demandé que le collège des juges qui doit connaître de la suite du procès Etat-Olanguena Awono soit «autrement composé». Dans les prochaines semaines, c'est devant une nouvelle équipe de juges du TGI du Mfoundi, que ne présidera plus Marie Nomo Zanga, que l'ex-Minsanté devra affronter les deux accusations restées pendantes et qui portent sur 91,79 millions à l'origine, toutes les accusations portaient sur un montant cumulé de 8,5 milliards de francs. Il s'agit du détournement présumé de 11,79 millions au moyen de la production du livre «Sida en terre d'Afrique : L'audace des ruptures.» C'est exactement ce montant que le Comité national de lutte contre le sida (Cnls) avait versé aux Editions Privat pour l'acquisition des exemplaires de ce livre écrit par M. Urbain Olanguena Awono. Que dans ses multiples tâches de sensibilisation sur le Sida, le Cnls ait acquis d'autres livres du même type n'a pas ému le juge d'instruction. Pas plus que le livre ait été revendu par le Cnls au-delà de son montant d'acquisition. Que le livre ait été publié à compte d'éditeur, sur la base d'un contrat qui dispose : «l'éditeur assure à ses risques et périls toutes les charges financières relatives à la publication et à la distribution du livre», n'a pas fait ciller l'instruction. Dernier chef d'accusation, le détournement présumé de 80 millions de francs par des prestations fictives. Yves Soué Mbella, prestataire d'un marché au Minsanté pour la fourniture des moustiquaires imprégnées au Programme national de lutte contre le paludisme, a produit de faux documents pour se faire payer une prestation «l'éditeur assure à ses risques et périls toutes les charges financières relatives à la publication et à la distribution du livre» qu'il n'avait pas exécutée. Arrêté, il assumera à la police judiciaire son acte avant de s' «évader» de la prison de Kondengui. Le juge d'instruction en fait porter le chapeau à l'ex-Minsanté, bien que le Programme paludisme n'ait lance aucun dossier de paiement, et que M. Urbain Olanguena Awono n'ait jamais pris la décision de liquider cette opération. A contrario, les responsables du Minfi (contrôleur financier et payeur gérerai) qui ont procédé au paiement n'ont jamais été inquiétés.

Avec le jugement de la Cour suprême, l'affaire devrait s'accélérer. Un nouveau collège sera bientôt constitué par le président du TGI du Mfoundi. L'adoption de la loi sur le Tribunal criminel spécial en décembre 2011 n'a laissé que six mois aux affaires de détournement en cours pour rendre leur verdict. Il n'en reste que trois.


22/03/2012
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