Au Sénégal, le procès de Karim Wade a repris hier l8 août 2014. Ancien conseiller spécial de son père, Abdoulaye Wade, ancien président du Conseil de surveillance de l’Agence nationale de l’organisation de la Conférence islamique, puis ministre de l’Energie, des transports aériens et des infrastructures, celui que les Sénégalais appelaient « ministre du Ciel et de la Terre », au regard du pouvoir quasi illimité qu’il détenait pendant la gouvernance de son père, doit répondre du chef d’accusation d’enrichissement illicite, portant sur une somme estimée a 135 milliards de francs CFA.
Ce qui intéresse la majorité des Sénégalais, c’est bien plus le fond que la forme
Karim Wade qui plaide non coupable depuis son interpellation en 2013, se considère depuis le début de son procès comme un « détenu politique ». Ses avocats qui voient dans ce procès une machination politique, auront tout fait, en vain pour l’en soustraire, en rejetant dans un premier temps la compétence de la cour de répression de l’enrichissement illicite, parce qu’en tant que cour spéciale, elle n’est « pas habilitée à connaître du dossier d’un ancien ministre ». Argument que rejette la partie civile qui voit dans ce débat, une diversion des avocats de Wade pour gagner du temps et détourner le peuple sénégalais de l’objectif réel du procès.
Quoi qu’il en soit, le débat sur la forme a été évacué, et on peut dire qu’avec le début des débats sur le fond, ce sont enfin les choses sérieuses qui vont commencer. En effet, dans ce procès, ce qui intéresse la majorité des Sénégalais, c’est bien plus le fond que la forme du dossier. Le Sénégalais lambda veut savoir si Karim Wade a oui ou non détourné le montant de 135 milliards de F CFA en l’espace d’une dizaine d’années. Il faut reconnaître, en effet, que cela dépasse leur entendement, à tel point que certains préfèrent ne même pas penser un seul instant que cela est vrai. Au lieu donc de se perdre en conjectures inutiles, les avocats de Karim Wade gagneraient plutôt à apporter toutes les preuves de l’innocence de leur client, si tant est qu’il est vraiment blanc comme neige.
L’Etat sénégalais joue sa crédibilité
L’Etat sénégalais est dans son rôle, en exigeant que tous ceux qui ont détourné de l’argent public ou qui sont simplement suspectés de l’avoir fait, rendent des comptes. Ce procès est donc une opportunité qui est donnée à Karim Wade de laver son honneur en apportant les preuves de son innocence. S’il ne réussit pas cette tâche, il devrait alors faire son mea culpa et se résoudre à rendre ce qu’il a volé au contribuable sénégalais. Dans ce cas, le prix à payer, au-delà de la prison, sera la rupture de confiance entre son parti et une majorité du peuple sénégalais. Ce sera aussi la fin d’un mythe autour d’une famille et d’un nom : « les Wade ». Mais il faut dire aussi que l’Etat sénégalais, à travers sa Justice, joue sa crédibilité dans ce procès.
Le président Macky Sall ne sortirait pas indemne de ce feuilleton judiciaire, s’il s’avérait que ce procès n’était en réalité qu’une cabale, comme ses adversaires le clament depuis le début. La partie civile doit donc mettre sur la table toutes les preuves en sa possession, pour prouver aux yeux des Sénégalais et du monde entier qu’il ne s’agit pas d’une chasse aux sorcières et moins encore d’une honteuse machination politique pour écarter un éventuel candidat à la présidentielle. Dans le cas contraire, Macky Sall s’inscrirait en faux par rapport aux principes cardinaux de la démocratie. Et c’est lui, dans ce cas, qui devra rendre des comptes aux Sénégalais pour avoir abusé de son statut de chef de l’Etat.