Prime à l’excellence universitaire : Ambiance de mécontentement à l’Université de Douala

Prime à l’excellence universitaire : Ambiance de mécontentement à l’Université de Douala

Lundi, 12 Juillet 2010 08:54 THIERRY NYOPE
 

essecA l’exception des étudiants de l’Essec et de la Faculté des sciences économiques et de gestion appliquée, 7631 étudiants de l’institution passent depuis la fin de la semaine dernière à la caisse, sur fond de revendications. 380.650.000 Fcfa, c’est le montant octroyé à ce jour aux étudiants de l’université de Douala dans le cadre de la prime à l’excellence universitaire accordée par le Chef de l’Etat le 31 décembre 2009 aux meilleurs étudiants des universités camerounaises. Il s’agit en fait de 50.000 Fcfa que devrait percevoir chaque bénéficiaire des services de l’agence comptable de cette institution.

La Prime à l’excellence universitaire, selon les responsables de l’université de Douala, concerne les étudiants régulièrement inscrits en année de Thèse/PHD, en Master 2, Master 1, DEA, Maîtrise, 4ème et 5ème années des grandes écoles. A en croire les sources universitaires, les assistants, les Ater, les salariés dans une administration, une entreprise ou un organisme public, parapublic ou privé, les auditeurs dans une structure de formation à un emploi, sont d’office exclus dans la distribution de cette manne présidentielle, du moins pour ce qui concerne ce premier groupe d'étudiants.

A l’université de Douala, les meilleurs étudiants inscrits en 2ème et 3ème années des Facultés, Grandes écoles et IUT, sont également dans la danse. A condition de justifier d'un cursus académique régulier et n'avoir pas redoublé de niveau ; justifier d'une bonne moyenne arithmétique des notes obtenues lors du passage du 1er au 2ème niveau, ou du 2ème au 3ème niveau. Il leur faut aussi justifier le fait de n'avoir pas fait l'objet de sanction privative de l'assistance universitaire, conformément aux dispositions de l'article 61, alinéa 2 du décret 93/027 du 19 janvier 1993 portant dispositions communes aux universités modifié et complété par le décret n°2005/342 du 10 septembre 2005. Les étudiants handicapés bénéficient des clauses dérogatoires aux présentes dispositions conformément aux textes spéciaux qui leur sont applicables.

 

Les premières critiques

L’initiative de Paul Biya n’a pas fait que des heureux. Car, jusqu’en fin d’après-midi de vendredi dernier, de nombreux étudiants de la faculté des sciences économiques et de gestion (Fsega), ainsi que ceux de l’Ecole supérieure (Essec) piaffaient encore d’impatience devant les listes rendues publiques par les responsables de cette université. « Je remplis les conditions qui ont été fixées mais je ne vois pas mon nom sur les listes…», s’est plaint Georges K. étudiant en Master I à l’Essec, section ressources humaines. A ses côtés, Hermine G. n’a cessé de signifier son courroux. « J’ai comme l’impression que nos responsables se moquent de nous. Je suis étudiante en niveau licence à la faculté des sciences économiques et de gestion appliquée, mon nom ne figure dans aucune liste, alors que nous devions être prioritaires dans cette répartition. » Argue-t-elle.

D’autres étudiants pensent même que cette opération a été menée à la hâte. Car, nombreux sont ceux qui sont surpris d’avoir été oubliés alors que leurs camarades de classe, moins brillants qu’eux ont vu leurs noms inscrits dans les listes. « Je constate pour ma part qu’il y a des noms fictifs dans ces listes. Lorsque les premières listes étaient sorties en mi-février j’avais rédigé une requête pour prouver que je devais être parmi les personnes éligibles on m’a dit qu’on n’étudiait plus les requêtes mais aujourd’hui je vois que certains noms se sont ajoutés et pas le mien. En plus il y a des noms qu’on dit être de notre filière, qu’on ne connaît pas », fulmine Sidonie N. étudiante en 3ème année communication.

C’est donc cette situation qui a poussé les étudiants de la faculté des sciences économiques et de gestion appliquée à envahir les quatre points de paiement créés pour la circonstance dans l’enceinte du campus. Une situation qui a eu le mérite d’amener les principaux responsables de l’institution à fournir quelques explications aux étudiants. Selon leurs dires, quelques erreurs se sont infiltrées dans l’élaboration des différentes listes, mais la situation sera corrigée dès le début de cette semaine. Il faut également souligner qu’à l’université de Douala, la prime à l’excellence universitaire a également été octroyée aux étudiants de 1ère année des différentes facultés. Pourtant, selon un communiqué du ministère des Enseignements supérieurs, la prime à l’excellence ainsi lancée devrait être payée une fois par an, « en fonction de la disponibilité des fonds. Pour cette année académique, ce sont les meilleures du premier semestre qui en bénéficient. L’an prochain, ça pourrait être ceux du second semestre. »

 

Interpellation

« Si on veut changer les choses, qu'on remette les bourses comme avant, même si elles doivent passer de 50.000 à 5.000 Fcfa, cela va tout au moins témoigner de la volonté politique des pouvoirs publics de vouloir changer les choses. De nos jours, il n’y a plus que l’Enam qui accorde encore des bourses. Pourquoi pas dans les autres universités que compte le pays ? Qu'on trouve des solutions aux problèmes des étudiants ou qu'on supprime les droits universitaires. Ce que le chef de l'Etat vient de faire prouve une fois encore qu'il y a beaucoup d'argent dans les caisses qui ne sert à rien. Qu'on cesse de se moquer des étudiants en parlant de prime annuelle globale. Si l'Etat a tant d'argent, qu'il renforce au moins les budgets des universités…»

Cette prise de position d’un étudiant de cette institution relance le débat autour de la prime à l’excellence universitaire accordée par le président Biya lors de son adresse le 31 décembre 2009.

Cet argument est également au cœur des discussions au sein du corps professoral. « Trois milliards, c'est rien. L'Etat est capable d'octroyer dix fois plus. Il faut par tous les moyens que la notion de bourse. C'est ce que veulent les étudiants camerounais. Ces trois milliards ne sont pas une solution aux problèmes des étudiants. Le niveau de l'enveloppe est très insignifiant pour résoudre les problèmes de nos universités. Ne perdez pas de vue que la prime était destinée aux meilleurs étudiants, d’où vient-il aujourd’hui que mêmes les étudiants de 1ère année, donc ceux qui sortent à peine des classes de Terminale soient concernés par cette aide ? Comment peut-on comprendre cette situation ? » Cet enseignant qui a souhaité s’exprimer sous le couvert de l’anonymat va même plus loin. « C’est un élément de campagne. N’oublions pas que nous sommes à l’orée d’une élection présidentielle. Sinon comment peut-on parler d’excellence dans un contexte où la triche, la fuite des épreuves et l'attribution fantaisiste des notes sont la règle ? Il ne faut donc pas s'attendre à grand-chose.»

 

Thierry Nyope



12/07/2010
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