Pressions - hautes responsabilités de l'Etat: Ministres et Directeurs Généraux sont-ils des gens heureux?

Douala, 06 Septembre 2013
© Michel Michaut Moussala | Aurore Plus

 

Tel qu'on les voit fonctionner, ils sont plutôt à plaindre qu'à envier en dépit de leurs gros moyens financiers et autres. Aurore Plus est allé voir comment vivent ceux qui ont la lourde charge de diriger le pays.

 

 

I- La famille et le village 

C’est un jeune cadre financier d'une grosse boîte d'Etat dont le siège social est basé à Yaoundé qui nous livre son verdict en ce début de semaine sur la vie des Ministres, hauts fonctionnaires civils, hauts gradés de l'armée, directeurs généraux de sociétés d'Etat «Ces personnalités ont de sérieux problèmes à cause des énormes pressions qui sont exercées sur elles par la famille directe, la belle-famille, les amis qui peuvent être des condisciples ou non qui leur demandent parfois des choses très difficiles à réaliser... Moi je considère que ce sont des gens qui ne s'appartiennent plus. Ce sont des prisonniers qui ne dorment pas et ne suivent pas à la lettre sur emploi du temps...». La conversation que nous avions eue avec ce jeune cadre nous a servi de prétexte pour nous pencher sur ce sujet qui est toujours d'actualité: quel est le quotidien de ceux qui dirigent ce pays, surtout ceux qui exerce dans les secteurs public et parapublic? 

Il y a près de 20 ans, un ancien Directeur général de la Sopecam est surpris en pleine conversation téléphonique avec un autre Directeur général basé à Douala à qui il demandait de lui rendre un service: recruter son jeune frère dans la société dont il était Directeur général à Douala. En retour, il était prêt à recruter à la Sopecam toute personne que pouvait lui présenter son homologue de Douala. On ne sait pour quelles raisons cet ex-Directeur général de la Sopecam ne voulait pas recruter un de ses frères ou sœurs dont la plupart a fait des études supérieures dans différents domaines dans la société d'Etat qu'il a dirigée entre 1993 et 1999. Pendant sa conversation avec son pair de Douala, il avait avancé que son jeune frère n'avait pas le profil requis pour travailler à la Sopecam. A l'analyse, cet argument ne tient pas car nous savons ce qui se passe en matière de recrutement et de nomination dans notre pays. 

Que ce soit Joseph Zambou Zoleko, Henri Bandolo et Paul Tessa de regrettés mémoires, Joseph Charles Doumba, pour ne prendre que l'exemple de la Sopecam, ils recrutaient à tour de main des gens, des parents pour être précis qui n'avaient rien à voir avec les métiers de la Sopecam. On a vu le cas de l'ex-Snec où Clément Obouh Fegué (Dga de 1973 à 1975 et Dg de 1975 à 2000) a recruté à la pelle les gens de sa grande famille que sont les Etenga qui ont pour principal terroir l'arrondissement de Bekok, département de la Mefou et Akono. Après son départ de la Snec le patriarche Etenga avait été remplacé par son neveu Basile Atangana Roumi, actuel Ministre de l'Eau et de l'Energie. Les pressions familiales sont telles que le Ministre, le Directeur général se sent obligé par solidarité familiale d'agir, de faire quelque chose pour les membres de la famille. 

Quand ce n'est pas un emploi qu'il doit trouver pour son frère direct, un cousin, un neveu ou un oncle, il doit prendre en charge les frais de scolarité de ses neveux et autres, favoriser la nomination de ses frères là où ils travaillent, s'occuper des malades. Quand il ne le fait pas, on le traite de méchant ou mauvais, alors qu'en réalité le pauvre a une marge de manœuvre qui est très étroite. Si le Ministre ou le Directeur général appartient à un village qui a deux mille habitants va-t-il recruter tout le village? Que non. 

On a vu la forte pression exercée par les Mousey qui font partie de l'ethnie Massa, région de l'Extrême-Nord, sur Amadou Amadéouna Vamoulke lorsqu'il avait été nommé Directeur général de la Crtv en 2005. Quelques semaines après sa nomination, il avait été obligé de recruter une armée de techniciens de surface ou hommes de ménage pour mettre la propreté à la maison de la radio et au bâtiment qui abrite les services de la télévision. 

Le Directeur général de la Crtv a également fait un geste en promouvant les cadres du Grand Nord dans la structure qu'il dirige Zakiatou Boubakary dont le père était cadre à l'imprimerie nationale, originaire de l'Extrême Nord comme Vamoulké est devenue présentatrice du journal télévisé de 20h 30 alors qu'elle était une parfaite inconnue avant la nomination comme Directeur général de la Crtv du condisciple du Ministre des Postes et télécommunications Jean-Pierre Biyiti bi Essam (2ème promotion 1971-1974 à l'Ecole supérieure internationale de journalisme de Yaoundé — Esijy l'ancêtre de l'Esstic). Le Ministre des Enseignements secondaires Louis Bapès Bapès est connu pour son tribalisme. Les Bassa sont très nombreux comme proviseurs de lycées, mais quand on regarde de plus près, ce sont surtout les Babimbi et pour être plus précis ce sont les Babimbi III qui tiennent le haut du pavé. 

Cette pratique de favoriser les gens de sa famille ou de son village n'est pas une création de Paul Biya comme on a tendance à le croire mais d'Ahmadou Ahidjo quand il parlait de développement autocentré. Paul Biya a tout simplement pris le relais et exagéré. Quand on jette un coup d'œil sur la liste des originaires du Sud qui occupent des postes de directeurs généraux, elle est tout simplement impressionnante. Notre confrère «L'œil du Sahel» s'est amusé à dresser cette liste, ils ont les gros morceaux des sociétés d'Etat. 


II- Condisciples et belles-familles 

Voilà une autre peste qui empoisonne la vie de plusieurs personnalités au plus haut niveau. Si Djibril Cavaye Yéguié, le Président sortant de l'Assemblée nationale est connu pour avoir fait entrer dans les grandes écoles ses nombreux enfants ou ceux de sa famille directe; il a également aidé énormément ceux de ses multiples belles-familles. 

Certains hauts responsables du pays font beaucoup plus confiance à leurs épouses donc à leurs belles-familles qu'à leurs propres familles. C'est ainsi qu'on voit tourner fréquemment autour du Ministre ou du Directeur général les frères, les sœurs, les cousins, les oncles, les tantes de leurs épouses au grand dam des frères et sœurs directes. On a déjà des cas où le père ou la mère, les frères et sœurs du Ministre ou du Dg ne voient pas un seul Kopek on centime, tout étant entre les mains de la belle-famille. Les originaires de la Haute-Sanaga, le département d'origine de la Première Dame Chantal Biya ne seraient rien dans ce pays si leur fille et sœur n'était pas l'épouse du Chef de l'Etat. Ils occupent aujourd'hui les postes-clés comme le secrétariat général de la présidence de la République avec Ngoh Ngoh, la direction général de l'Enam avec Linus Mendzana, etc. La belle-mère du chef de l'Etat pèse, à voix au chapitre, a parfois un ascendant réel sur le chef de l'Etat qui prend certaines décisions en tenant compte de certains de ses avis. 

Ils exercent également une énorme pression sur les hauts responsables du pays. En effet les camarades de classe jouent un rôle important dans l'entourage des ministres et directeurs généraux. Le fait d'avoir usé les fonds de culotte sur les bancs de l'école créent des liens presque indestructibles. Le chef de l'Etat on le sait à une oreille attentive pour ses condisciples que ce soit ceux du primaire, du secondaire ou du supérieur même comme la plupart ont déjà disparu. Mais parfois, ces condisciples posent des problèmes. Il y a le cas du directeur général de la Crtv, dont deux camarades de promotion à l'Esijy avaient très mal pris son refus catégorique de les prendre dans la société pour cause d'âge assez avancée. Les relations sont restées assez froides entre le Dg et ces deux condisciples qui dès sa prise de pouvoirs réfléchissait plutôt au rajeunissement des effectifs vieillissants laissées par son prédécesseur Gervais Mendo Ze. 


III- Les pressions a de toutes sortes 

La belle-famille. Le rythme de travail auquel sont soumis certains hauts responsables du pays ont parfois un impact considérable sur leur santé et leur vie familiale. Les décisions à prendre au niveau du service font en sorte qu'ils se mettent à dos certains de leurs collaborateurs. Il arrive même qu'un directeur général ou un ministre soient incapables de se débarrasser de certains collaborateurs qu'ils jugent incompétents, irresponsables, indociles, ceux-ci ayant des soutiens très hauts placés à la primature ou à la présidence de la République. Ces bras de fer avec les collaborateurs sapent l'autorité des patrons et les rendent vulnérables. Pour entretenir la famille ou le village, on a l'impression que les salaires des ministres, directeurs généraux et autres hauts responsables ne suffisent pas. Ils sont donc obligés de mettre la main dans les caisses de l'Etat pour s'en sortir avec le risque de se retrouver un jour derrière les barreaux. Beaucoup de responsables sont en prison parce qu'ils ont voulu à tout prix satisfaire leur entourage, des charges sociales parfois artificielles. 

Les pressions venant d'en haut. Prenons l'exemple d'un directeur d'une grande école admettre sur concours 100 élèves alors qu'il a devant lui 1500 ou 2000 candidats dont 200 sont soutenus par son ministre de tutelle, les autres membres du gouvernement, le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat, le Premier ministre, la première dame, les hauts cadres du Rdpc, sans oublier les puissants hommes d'affaires de la trempe de Victor Fotso, etc. Que peut faire ce directeur? Faire passer les candidats soutenus ayant mal travaillé au détriment de ceux qui ont bien travaillé mais qui ne sont pas soutenus. 

Les hauts responsables du pays se contentent d'envoyer des listes aux directeurs des grandes écoles sans tenir compte de leur niveau. Certains candidats ne se présentent même pas devant la salle d'examen mais leur nom se retrouvent sur la liste des admis au moment de la proclamation des résultats. On n'oubliera pas la forte influence des sectes. Certains y entrent pour être nommés à de hauts postes. D'autres y sont déjà quand on les nomme. Parfois dans ces sectes, on demande des choses compliquées. 

Ils sont tous des prisonniers qui s'ignorent. Au vu de ce qui précède, on ne peut pas dire nos ministres et directeurs généraux sont des gens libres. Les quartiesards sont plus libres, ont une plus grande de liberté. Une haute personnalité ne peut pas aller dans une vente à emporter ou manger son soya en pleine rue; faire son programme de la journée comme il l'entend. Ils doivent demander la permission pour quitter Yaoundé, donner leur position partout où ils se trouvent. Parfois ces hautes fonctions les rendent orgueilleux, suffisants, les coupant ainsi des populations. Il ne faut point oublier leur rôle politique. Voici le double scrutin législatif et municipal du 30 septembre courant qui arrive. Ceux du Rdpc par exemple doivent faire des résultats, des bons résultats au risque de perdre leur poste. Alors du quartiesard ou du paysan qui ne mangent pas à leur faim et du Ministre ou du Dg qui ont tout ou presque, qui est le plus heureux? A chacun de répondre.



06/09/2013
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