Présidentielle française – Défaite de Sarkozy: Paul Biya à la fête
DOUALA - 09 Mai 2012
© Michel Michaut Moussala | Aurore Plus
Le président camerounais à sablé le champagne devant son téléviseur à l'annonce de la défaite de son ennemi intime et pourrait même effectuer un séjour privé en Europe avant ou peu après la prise effective de pouvoir de François Hollande. Il faut dire que Nicolas Sarkozy n'a pas facilité la vie à son homologue camerounais Paul Biya pendant son quinquennat. On peut même dire qu'il lui a compliqué la situation. Avec la défaite de son ennemi intime et juré, Paul Biya a passé une très bonne nuit.
© Michel Michaut Moussala | Aurore Plus
Le président camerounais à sablé le champagne devant son téléviseur à l'annonce de la défaite de son ennemi intime et pourrait même effectuer un séjour privé en Europe avant ou peu après la prise effective de pouvoir de François Hollande. Il faut dire que Nicolas Sarkozy n'a pas facilité la vie à son homologue camerounais Paul Biya pendant son quinquennat. On peut même dire qu'il lui a compliqué la situation. Avec la défaite de son ennemi intime et juré, Paul Biya a passé une très bonne nuit.
I.- Biya-Sarkozy: deux rancuniers notoires Quand deux rancuniers se rencontrent, il leur est difficile de s'entendre même si de temps en temps il y a des éclaircies dans leurs relations. Qu'est-ce que Nicolas Sarkozy reproche à Paul Biya? Le président camerounais ne lui avait pas envoyé de l'argent pour sa campagne présidentielle de 2007. Vérification faite, Paul Biya avait bel et bien envoyé de l'argent à Nicolas Sarkozy par le biais de Jean-Marie Atangana Mebara, ancien ministre des Relations extérieures et ex-Secrétaire général de la présidence de la République et Polycarpe Abah Abah, ancien ministre des Finances. Ces deux derniers avaient remis l'argent au candidat Sarkozy en lui disant que c'était le fruit de leurs cotisations. La mallette d'argent envoyé à Ségolène Royal, candidate socialiste que portait Urbain Olanguena Awono, ex-ministre de la Santé publique n'était jamais arrivée à destination. En guise de punition, Nicolas Sarkozy, devenu président de la République française avait décidé de ne pas mettre les pieds au Cameroun tant que Paul Biya sera au pouvoir. Et le président camerounais qui n'a jamais digéré que son homologue français ne lui rende pas visite à Yaoundé au palais de l'Unité lui a gardé une dent très dure. Paul Biya n'a jamais intégré dans son subconscient que Nicolas Sarkozy ne lui rend pas la politesse en venant passer quelques jours au Cameroun alors que lui s'est déjà rendu à plusieurs reprises en France, que ce soit dans un cadre officiel ou purement privé. Paul Biya et Nicolas Sarkozy partagent un point commun qu'ils ont cultivé depuis leur petite enfance: la rancune tenace. Quand on scrute la trajectoire des deux hommes politiques, elles reposent en grande partie sur la rancune. Biya et Sarkozy n'ont jamais accepté qu'on les snobe, qu'on les prenne pour des riens. Voici un exemple qui prouve que Nicolas Sarkozy est rancunier. Il a tout fait pour punir l'ancien Premier ministre Dominique Galouzeau de Villepin, coupable à ses yeux d'avoir transmis à la Justice des listings, des listes de comptes occultes ouverts par des personnalités françaises auprès de la société luxembourgeoise Clearstream. Le nom de Nicolas Sarkozy y figure sous son patronyme hongrois Nagy-Bocsa. Nous sommes là en mai-juin 2004. Plusieurs personnalités françaises de l’industrie, de la politique et de l'administration sont concernées. Dominique de Villepin qui est alors ministre de l'Intérieur de Jacques Chirac confie l'enquête à la Dst (Direction de la sécurité du territoire) en juillet. Plusieurs de ces personnalités portent plainte et une enquête est ouverte pour «dénonciation calomnieuse». Le 22 mai 2007, quand l'affaire se corse, le général Rondot témoin assisté déclare que Villepin lui a dit que cette liste a été établie sur «instructions» du président Jacques Chirac qui refuse le 22 juin de la même année d'être entendu sur des «faits accomplis ou connus durant son mandat» tout en démentant d'avoir demandé «la moindre enquête visant des politiques». On connaît la suite de l'affaire: Dominique de Villepin sera mis en examen le 27 juillet 2007. Cette affaire a continué à empoisonner les relations déjà interrompues entre Sarkozy et de Villepin jusqu'en 2010 quand la justice y a mis un terme. Tout au long de l'affaire Sarkozy n'a cessé d'agonir d'injures de Villepin jusqu'à dire qu'il fallait pendre ce dernier à un crochet de boucher. Sarkozy lui-même a oublié qu'il avait faussé compagnie à Jacques Chirac en se ralliant à la candidature d'Edouard Balladur (un Français d'origine arménienne) lors de la présidentielle de 1995. Ce que Paul Biya avait également fait en envoyant l'argent de campagne à Balladur. Jacques Chirac avait alors vomi Sarkozy et Biya, leur gardant une rancune tenace. S'agissant du président Paul Biya, son côté rancunier est très bien connu. Il vient de sa petite enfance. Petit, il n'aimait pas qu'on lui rappelle qu'il n'était pas Boulou mais de l'ethnie Yezoum, originaire de la Haute Sanaga, département de la région du Centre comme son épouse Chantal. De plus, tous ceux, collaborateurs ou autres qui ont souvent lorgné son pouvoir ont toujours eu des problèmes d'une manière ou d'une autre. Tous ceux qui ont tenu des propos déplacés ou malveillants envers lui sont dans son collimateur même après des décennies. Paul Biya a vraiment la rancune et la haine tenaces. C'est cette rancune, cette haine qu'il voue à Nicolas Sarkozy qui n'a jamais voulu lui rendre visite. De quoi se plaint-il? N'est-il pas de la même nature que Sarkozy? Cette rancune envers Nicolas Sarkozy a donc fait que Biya souhaite sa défaite à la présidentielle qui s'est achevée le 6 mai dernier par la victoire du socialiste François Hollande. La défaite de Sarkozy est donc une victoire éclatante pour Paul Biya qui a dû secrètement esquissé quelques pas de danse en dégustant un bon vin rouge ou du Chivas, son digestif préféré. Dans une interview accordée au quotidien Le Messager en date du mercredi 25 avril 2012, n°3581, pp 8-9, l'Ambassadeur de France au Cameroun Bruno Gain déclare: «si le président Sarkozy n'a pas été en mesure d'effectuer une visite à Yaoundé comme il l'aurait souhaité, c'est parce que son agenda et l'actualité internationale ne le lui ont pas permis. Tout simplement.» Cette déclaration du diplomate français n'a aucun sens. En effet, comment Nicolas Sarkozy peut-il justifier qu'en Cinq ans de pouvoir qu'il n'ait pas eu le temps de faire un séjour de deux jours au Cameroun alors qu'il le faisait ailleurs et surtout dans des pays qui pèsent politiquement, économiquement, diplomatiquement et même démographiquement moins que nous autour de nous. Paul Biya avait eu raison de refuser l'escale technique que Sarkozy voulait faire à Yaoundé en survolant le territoire camerounais. II.- Un coût élevé pour le Cameroun et en même temps une chance Ce refus de Nicolas Sarkozy de visiter le Cameroun a fait que Paul Biya adopte une posture et des attitudes qu'il n'aurait pas dû, comme par exemple cette énorme débauche d'argent pendant des années dans un lobbying qui s'est révélé totalement inefficace. En effet, des communicateurs français de la trame de Patricia Balme et Fuks se sont impunément enrichis sur le dos des Camerounais. On voyait régulièrement ces deux Français arpenter gaillardement les marches du palais de l'Unité ou en prendre les ascenseurs pour aller puiser les francs Cfa, mais on n'a vu aucun résultat tangible. Patricia Balme disait qu'elle connaissait l'entourage du président Sarkozy, qu'elle était bien introduite mais à la fin, le résultat est nul. Nicolas Sarkozy aura snobé Paul Biya jusqu'à la fin de son mandat. Situation identique pour les Etats-Unis. Paul Biya a déjà mis beaucoup d'argent dans le lobbying pour être dans les bonnes grâces de Barack Obama, hélas sans succès. En cette année électorale aux Etats-Unis, il est bien difficile que le locataire de la Maison Blanche reçoive son homologue camerounais qui n’a pas bonne presse là-bas. Le président Paul Biya devrait bien comprendre que la visite du président sortant français au Cameroun n'aura rien apporté à notre pays. Si Sarkozy foulait le sol de Yaoundé, cela aurait-il augmenté notre produit intérieur brut (Pib) ou les investissements directs étrangers (Ide) français au Cameroun? Que non! Cela aurait-il donné un nouveau titre ou médaille honorifique à Paul Biya ? Que nenni! Paul Biya a-t-il oublié qu'il est le chef des chefs, titre qui lui a été donné lors de sa tournée dans le pays il y a plusieurs années? N'a-t-il pas reçu le titre de «Nnom Ngui» lors du comice agropastoral d'Ebolowa en janvier 2011 à Ebolowa? Que veut le président Paul Biya? Une onction, une reconnaissance internationale à coup sûr. Mais il a oublié que généralement la reconnaissance internationale ne s'achète pas, elle se mérite, sinon le dictateur équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema Mbasogo avec ses pétrofrancs Cfa aurait déjà le monde à ses pieds. C'est par le travail qu'on a la reconnaissance internationale même si le cas de certains pays n’obéit pas à cette logique Cette politique d'ostracisme menée par Nicolas Sarkozy à l'égard de Paul Biya a du bon. Elle a permis à notre chef d'Etat de se réveiller de son long sommeil pour comprendre enfin que la France n'est pas indispensable au développement du Cameroun ni au bien-être des Camerounais. Le président Paul Biya devrait peut-être faire comme ses homologues rwandais, le dictateur Paul Kagamé ou le Djiboutien Omar Ismaël Guelleh. Ce dernier, président d'un petit pays de la corne de l'Afrique avait déclaré dans une interview à Jeune Afrique il y a quelques années: «Djibouti peut se passer de la France...» Le message avait été reçu cinq sur cinq par la France qui s'était empressée d'améliorer ses relations avec ce pays quasiment désertique. Paul Biya ayant compris que Sarkozy et la France lui avaient tourné le dos a effectué tardivement certes, un virage à 180 degrés. Il s'est tourné résolument vers la Chine pour matérialiser ses grandes réalisations. Et ça paie. Les partenaires chinois sont présents sur l'ensemble du territoire national dans les projets structurants: complexe industrialo-portuaire de Kribi, barrages de Mekin, Memve'Ele, Lom Pangar et autres. Ayant compris grâce aux sondages que Nicolas Sarkozy était fini, Paul Biya a levé la tête en faisant arrêter l'ancien ministre de l'administration territoriale et de la décentralisation Marafa Hamidou Yaya, candidat de la droite française à sa succession. Bien entendu ceci se déroulant sous le couvert de l'opération épervier. C'était impensable il y a encore quelques mois, Paul Biya craignant de subir les foudres de Nicolas Sarkozy. III.- Ni John Fru Ndi et l'internationale socialiste Le Sdf de Ni John Fru Ndi est membre de l'Internationale socialistes comme le parti socialiste (Ps) français. Il est sûr que Ni John Fru Ndi, son Chairman a déjà envoyé un message de félicitation à François Hollande, Paul Biya qui a été déçu par la droite française peut s'appuyer sur Fru Ndi même si les réseaux officiels, diplomatiques, sont là pour sonder les intentions de la gauche qui vient de prendre le pouvoir en France vis-à-vis de lui Paul Biya et du Cameroun. Certes, il y a des contacts entre le Ps et le Rdpc au pouvoir au Cameroun (encore faut-il savoir si le Rdpc est de droite ou pas), et cela à travers des individus, des personnalités, l'apport du Sdf de Fru Ndi ne serait pas de trop. Tout compte fait, il serait intéressant pour le régime actuel d'avoir plusieurs flèches à son arc, car sait-on jamais. Ce qui est sûr c'est que Paul Biya va demander à François Hollande d'effectuer une visite officielle au Cameroun, mais ce ne sera pas facile à obtenir, surtout que selon certaines sources, le parti socialiste français aurait refusé de prendre l'argent que voulait envoyer certains chefs d'Etat africains d'Afrique noire francophone pour financer la campagne de son candidat. Ce que Paul Biya doit savoir, c'est que les socialistes français vont accorder leurs priorités à l'Europe, à l'Asie, à l'Amérique, à l'Afrique du Nord et très peu d'intérêt aux anciennes possessions coloniales françaises en Afrique. |