Présidentielle 2011 : La paix sociale au centre d’une surenchère
Pouvoir et opposition se livrent à un duel feutré autour de ce concept, chaque camp y allant de ses armes.
Les
fidèles téléspectateurs de la Crtv sont certainement déjà au parfum de
ce spot publicitaire signé du Conseil des Imams et dignitaires musulmans
du Cameroun (Cidmc). Lequel est diffusé à des heures de grande écoute à
longueur de journées depuis bientôt un mois. Dans ledit spot, le
Conseil des Imams appelle «les Camerounais du Nord au Sud, de l’Est à
l’Ouest à préserver la paix dans notre pays». La paix est présentée dans
ce message télévisuel comme «un facteur pour attirer les investisseurs
et un gage de création d’emplois». Dans les colonnes de Cameroon
tribune, édition d’hier, le même Cidmc annonce, dans un communiqué signé
de son coordonnateur général, Moussa Oumarou, «une grande prière
spéciale pour la paix et le bon déroulement des élections au Cameroun
[qui] sera dite par les imams des 10 régions du pays le dimanche 21 août
2011 à 13h30, à la mosquée d’Essos à Yaoundé».
Ce «matraquage»
sur la paix, qui rappelle celui entrepris par la Radio Télévision
ivoirienne, au plus fort de la crise post-électorale de mars-avril
dernier, ne se limite pas sur les ondes et colonnes des médias d’Etat.
Au cours des messes et cultes dans les congrégations religieuses, dont
la principale mission en temps normal est d’appeler à la paix, on note
comme une «sur utilisation» de ce concept depuis quelque temps. Dans
l’Eglise catholique par exemple, l’archevêque de Yaoundé, Mgr Victor
Tonye Bakot, a saisi l’occasion de la fête de Pâques pour prêcher pour
la paix et surtout demander à ses ouailles de ne pas céder aux effets du
«printemps arabe».
Tout en dénonçant le ponce-pilatisme de
l’Occident, notamment en Libye et en Côte d’Ivoire. A l’occasion de la
célébration de la fête de l’Assomption lundi dernier, l’archevêque
métropolitain a invité «tous les Camerounais, chrétiens ou non, à
oeuvrer pour la préservation de la paix durant cette période sensible.
«Il appartient à chaque fils et fille de ce pays de participer à la
construction d’un Cameroun pacifique […]. L’avenir de notre pays est
entre nos mains. Et le Cameroun ne sera que, ce que ses citoyens auront
voulu qu’il soit». Dans la «lettre pastorale des évêques du Cameroun à
l’occasion de l’élection présidentielle de 2011», la problématique de la
paix est également évoquée. Mais l’Episcopat s’était voulu clair: «Pour
éviter ce qui se passe autour de nous, les valeurs fondamentales
suivantes, qui font la grandeur d’une Nation s’imposent à tous, à
savoir: le respect de la dignité de chaque être humain, de ses droits;
du caractère sacré de la vie humaine, le respect du bien commun; une
juste répartition des subsides publics ; une économie solidaire, le
respect des biens publics, la création d’emplois, la lutte contre la
pauvreté, la sécurité sociale et les soins de santé à des coûts
accessibles à tous les citoyens […]; la préservation des acquis
démocratiques».
Deux poids…
Au cours des derniers
meetings du Rdpc présidés par le secrétaire général du comité central du
Rdpc, René Emmanuel Sadi, à Kribi et Eséka, le thème de la paix a fait
également l’objet d’une «surenchère». La paix a été présentée à cette
occasion comme un acquis à mettre à l’actif du promoteur du Renouveau,
Paul Biya. Un acquis qui serait, d’après le Rdpc, menacé, «par des
ennemis tapis dans l’ombre», d’où la nécessité de le préserver. Au nom
du patriotisme et du nationalisme. Du côté de l’opposition, en revanche,
on agite des menaces sur la paix sociale, même si parfois la
circonstance ne le commande pas.
C’est ainsi qu’au mois de juillet
dernier, des leaders de l’opposition, (notamment Abanda Kpama, Robert
Simo, Célestin Djamen, Christian Mpondo, Gabriel Wato, etc.), arguant
des interdictions récurrentes des manifestations publiques des partis
d’opposition dans la capitale économique depuis 2008, ont brandi le
spectre des troubles à l’ordre public.
A la sous-préfecture de
Douala Ier, l’on indiquait, à la charge de certains de ces responsables,
qu’ils «ne connaissent pas les rouages de l’administration. Beaucoup de
dossiers [requérant l’autorisation de manifestation publique] sont
incomplets», expliquait-on. Les partis d’opposition s’étonnaient, pour
leur part, que les manifestations organisées par le Rdpc n’étaient pas,
quant à elles, toujours soumises à une déclaration préalable. Du deux
poids, deux mesures. On indiquera du reste que pour justifier son
surprenant appel à l’inscription sur les listes électorales, John Fru
Ndi, le Chairman du Sdf, a brandi la necessité de «donner une chance au
dialogue, à la paix et la démocratie.»
Georges Alain Boyomo