Présidentielle 2011: Kah Walla déroule son programme politique
YAOUNDE - 04 FEV. 2011
© Jean Francis Belibi | Mutations
La candidate déclarée à l’élection présidentielle déroule son programme politique, analyse la relation Biya - Fru Ndi et déplore l’absence de politique économique.
© Jean Francis Belibi | Mutations
La candidate déclarée à l’élection présidentielle déroule son programme politique, analyse la relation Biya - Fru Ndi et déplore l’absence de politique économique.
Kah Walla: Le Cameroun est sans management
Cette nouvelle année, nous renouons avec une vieille habitude que nous avions arrêtée. Elle consistait à inviter des personnalités dans nos locaux pour qu'elles échangent avec la rédaction. Pour 2011 qui commence, Mme Kah Walla est la première invitée. Partie du Sdf où elle était membre du bureau politique de ce parti, elle a annoncé il y quatre mois qu'elle briguera la magistrature suprême en octobre prochain. Sans protocole d'interview préalable, Mme Kah Walla s’est livrée aux questions de l'ensemble de la rédaction de Mutations.
Kah Walla: On peut bousculer le système en place
Kah Wallah
C'est un honneur d'être le premier invité de la rédaction pour 2011. Je crois que je n'ai pas à vous faire une grande présentation préliminaire, vu qu'étant des journalistes, vous me connaissez probablement bien. Juste pour dire que l'annonce de ma candidature pour l'élection de 2011 a été l'aboutissement d'un processus qui a commencé depuis que j'ai intégré le Sdf et que j'ai battu campagne pour la première fois et été élue conseillère à la mairie de Douala 1er. En tant que groupe qui était intéressé depuis les années 1990 par l'avenir de notre pays, nous avons compris en 2007 que pour être les acteurs et actrices de notre pays en 2011, il fallait entrer en plein dans le jeu politique. Ayant accompagné ce processus depuis les années 1990, on s'est dit qu'en restant en marge des choses nous ne pouvions pas provoquer le véritable déclic. Et donc, Il faut donc qu'on entre dans le processus, qu'on devienne de véritables acteurs afin de déclencher le changement que nous souhaitons. Donc cette candidature est pour moi caractérisée par trois choses clés. C'est une candidature qui sur le plan de la pensée et de l'approche politique repose sur l'histoire politique du Cameroun. Donc je suis parmi ceux et celles qui puisent leur force et leur pensée politique du combat qui a déjà été mené par les nationalistes. Pour moi, c'est un combat qui a commencé il y a 50 ans. J'ai quitté le Sdf mais historiquement, je considère toujours ce parti très important dans l'histoire du Cameroun. Si je peux être candidate aujourd'hui, c'est grâce au combat mené par ce parti. Ma candidature se situe dans la continuité d'un combat pour l'indépendance du Cameroun.
Après le comice agropastoral d'Ebolowa.
Je crois que ce comice caractérise un peu la manière dont le Cameroun est gouverné. C'est-à-dire que en quelque sorte en sursaut. L'agriculture représente quelque 70% des emplois dans notre pays et environ 25 à 29% de notre Pib. Donc c'est un secteur extrêmement important. On n'est pas arrivé à organiser un comice pendant 22 ans, et quand on l'organise, c'est l'événementiel, c'est une belle fête, mais il n'y a pas autour une réelle réflexion sur l'agriculture camerounaise et quelles sont les politiques et stratégies qu'on doit mettre en place pour que cette agriculture trouve son essor. J'ai vu le chef de l'Etat faire ce qui devient une habitude depuis Bamenda, jouer au Père Noël. Voilà il y'a une banque agricole qui nous est accordée, maintenant, je me rappelle il y'a deux ou trois autres projets sur le plan agricole. Mais ça ce n'est pas une politique agricole. Pour avoir travaillé un peu dans l'agriculture, aussi bien au niveau local qu'international, j'accompagne un processus au niveau du Nepad depuis cinq ans qui s'appelle le Cadap (Comprehensive Agriculture dévelopment Programmm for Africa). Le Cameroun a signé le Cadap qui définit clairement les piliers pour l'Afrique pour développer l'agriculture. Une croissance de production de 5 % par an, un investissement budgétaire de 10 % par an , et puis on a des piliers qui concernent tout ce qui est le marché donc à la fois le financement mais aussi la commercialisation des produits agricoles, tout ce qui est des techniques donc la mécanisation et autres, tout ce qui est la gestion des terres, la gestion des ressources naturelles, tout ce qui est des éléments de la compétence des agriculteurs. On n'est pas là dans un champ où il faut inventer. Il y a tellement de travail qui a été fait dans ce domaine là. Aujourd'hui vous avez des pays comme l'Ethiopie qui suit le processus de Cadap et qui a déjà le taux de croissance de 5% par an. Aujourd'hui ce pays est capable de mesurer ses résultats en termes de sécurité alimentaire pour ses populations. Donc faire un événement agricole, c'est peut-être bien. Mais ça ne touche pas le problème de fond qui est celui des stratégies et de la productivité agricole pour le Cameroun.
Au sujet des différentes lois électorales et la présidentielle d'octobre.
L'ensemble du système électoral pose un certain nombre de problèmes au Cameroun. Il y'a des problèmes à trois niveaux. Il y'a un problème politique, un problème juridique et un problème technique.
Sur le plan politique et comme on voit un peu autour de nous dans le monde aujourd'hui c'est que dans un système électoral, il faut avant tout une volonté politique claire pour respecter les pratiques démocratiques. Au niveau du Cameroun, on ne voit pas cette volonté politique claire. Cette mauvaise volonté politique se manifeste dans les choses comme la nomination des membres d'Elecam. Donc il y'a des problèmes à ce niveau là. Les autres éléments qui manifestent une volonté politique c'est par exemple le manque d'un calendrier électoral. Les lois bien sûres que vous avez citées nous situent cette élection entre le 14 septembre et le 14 octobre. La chose je pense normale pour un pays aujourd'hui serait d'avoir un calendrier électoral clair. Bien sûr dans la loi il y a des marges qui sont citées mais pas les dates exactes. Pour les cartes électorales il n'y a aucun délai d'ailleurs sur le plan légal. Donc, le premier problème avec le système électoral Camerounais c'est cette manifestation de mauvaise volonté politique. Et je crois que c'est ça plus que toute autre chose qui pose le plus grand problème pour nous autre sur le terrain aujourd'hui. Le grand problème sur le terrain quand vous rencontrez les Camerounais, ce n'est pas Paul Biya, tout le monde en a marre, ce n'est pas même une candidature comme la mienne, les gens la reçoivent bien, ils sont intéressés… mais c'est leur capacité de croire en ce système électoral. La mauvaise volonté politique fait que le système électoral n'est pas crédible et donc que les gens ne veulent pas participer à quelque chose qu'ils n'estiment pas crédible.
Sur le plan juridique, on a une pléthore de lois pour organiser les élections vous avez cité juste quelques unes, il y'a les lois qui organisent les municipales, les législatives, les présidentielles qui traitent toutes de différentes choses et il y'a même quelques éléments contradictoires entre ces différentes lois. Encore une fois, la chose normale pour un pays aurait été d'harmoniser tout ça, de créer un code électoral pour une cohérence juridique. En principe Elecam lui même est anticonstitutionnel parce que la constitution camerounaise ne prévoit pas une structure indépendante pour gérer les élections. On nous a annoncé ce code électoral l'année dernière au mois d'avril, on s'est mis en mouvement pour essayer de l'influencer, de faire des propositions… et on a abouti à la modification de la loi qui fait revenir le ministère de l'Administration territoriale dans le système électoral.
Sur le plan technique prenons cette mauvaise volonté, ce méli melo des lois et disons quand même que c'est ce que c'est et essayons de travailler avec. Et on constate aussi là qu'il y'a un refus de, la part du Cameroun d'adopter ce qui est aujourd'hui considéré comme la norme technique en matière d'organisation des élections : l'inscription biométrique. La Guinée l'a fait, Haïti l'a fait. Les seuls pays qui sont encore en train d'organiser les élections sans cette technologie là ce sont des pays comme la Centrafrique et la seule raison pour laquelle ils ne l'ont pas fait c'est parce qu'ils n'avaient pas suffisamment d'argent. Le Cameroun peut se la permettre. On décide de ne pas utiliser une technologie qui est aujourd'hui reconnue pour résoudre plusieurs problèmes. La même chose pour le bulletin unique. Je parle là de deux éléments clés qui à mon avis peuvent changer la donne au Cameroun. Si on dit aujourd'hui, voilà il y'a une technologie biométrique et on va utiliser les bulletins uniques, je crois que le Camerounais moyen va se dire qu'il y'a peut-être quelque chose qui est en train de changer et je pourrai participer à ce système. Ça va aussi éliminer une partie significative de la fraude. Le dernier point sur lequel je termine est celui d'Elecam. Est-ce que cet Elecam fait son travail sur le terrain. Nous nous suivons Elecam depuis qu'ils ont commencé à travailler. Ce que nous constatons c'est qu'il n'y a pas un programme de travail sur le plan national. Donc selon la région dans laquelle vous vous trouvez, Elecam est en train de faire des choses différentes. Ils commencent par des descentes sur le terrain dans une région alors que dans une autre ils sont encore dans leurs bureaux. Il faut une accommodation des descentes avec les heures de travail des Camerounais qui se battent pour la survie. Il y a aussi un sérieux problème de ressources au sein d'Elecam. Eux même vous disent on veut descendre mais on n'a pas reçu les moyens pour le faire. Parfois vous dépendez de la volonté des responsables. Il y en a qui estiment que le calendrier des descentes est public, donc ils vous le donnent, il y en a d'autres qui pensent que c'est le secret d'Etat et donc quand vous demandez le calendrier de descentes, personne ne veut vous le donner selon l'arrondissement et parfois dans la même ville. Quand bien même ils font les descentes, ils vont sur le terrain, donc ils vont venir à Mvog Mbi par exemple, sans donner aucune information préalable à la population, personne ne sait exactement là où ils sont, ils viennent s'asseoir comme des fonctionnaires pour toute la journée, ils inscrivent la vingtaine ou la trentaine de personnes qui sont là. Nous on a commencé un travail avec eux où quand on a le calendrier de descente, on passe dans le quartier trois jours avant avec des tracts pour dire : «Elecam sera là, ils seront à tel endroit…» On a dû faire avec eux et on constate que quand la population est sensibilisée, le taux d'inscriptions augmente de manière significative. Donc voilà un peu les différents problèmes qu'on rencontre avec le système électoral.
A propos des inscriptions sur les listes électorales.
C'est un vrai problème Il me préoccupe. Je J'ai vécu 1992. Le système était pire. Et on est passé à deux doigts de la victoire. 1992 au Sdf, tout le monde le vit aujourd'hui comme un échec. Oui on n'a pas atteint ce qu'on souhaitait. Mais quand on est dans un combat, on ne dit pas : on a échoué donc il faut abandonner, on ne va plus jamais participer. Non. On va obtenir ce changement comment si on n'entre pas dans le système. En 1992, on a réussi à bousculer le système et la seule chose qu'on avait en 1992, c'était la participation. Les gens n'étaient pas formés. Moi j'ai contrôlé les élections à Douala. Nous étions la seule ville dans toute la république qui avait un véritable système. On avait des fichiers, on avait des voitures, à l'époque il n'y avait pas encore de téléphone mobile. Donc on avait les cabines dans certaines parties de la ville. Mais nulle part ailleurs dans le pays les élections n'étaient contrôlées comme ça. C'est pourquoi, même selon les résultats officiels nous étions à deux points de la victoire à cause de la participation. Et juste une chose que beaucoup ne savent pas c'est qu'en 1992 la moitié des gens qui étaient derrière le SDF dans la rue n'étaient pas inscrits sur les listes électorales. Le nombre d'inscrits en 1992 c'est à peu près celui qu'on a eu en 2007 à savoir trois millions environ. Donc on constate que le système a beaucoup de verrous, quelqu'un l'a pensé pour se maintenir au pouvoir. Mais on peut bousculer ce système. Et moi ma stratégie c'est plus d'organisation qu'en 1992, plus de formation vu qu'en 1992, les gens n'étaient pas formés dans les bureaux de vote. A la fin de l'élection, ils disaient : On a gagné ! Ils ont laissé les procès verbaux là et sont partis dans le bar pour fêter leur victoire et voilà où un certain nombre de choses se sont passées. C'est ce qu'on avait aussi fait en 1992. Aucune stratégie pour l'après élection. On n'avait pas de stratégie pour dire voilà prévoyons qu'on peut gagner cette histoire et puis certains décident que non. Qu'est-ce qu'on fait ? On n'y a pas pensé du tout. Je pense que les leçons qu'on peut tirer de 1992, c'est de voir où est-ce qu'on a failli et se dire qu'on peut bousculer ce système. Il n'y a pas 36 000 solutions. Soit on va adopter la voie des urnes, soit on va adopter la voie tunisienne, soit on va adopter la voie armée. Il n'y a pas un très grand ensemble de solutions. Donc il faut opter pour une. Mais une chose dont je suis sûre c'est que si on ne s'inscrit pas, si on ne bouscule pas le système, on est sûr d'avoir Paul Biya en 2012. Donc je ne me vois pas rester là pour dire je croise les bras, le système est mauvais…
A propos de la candidature.
J'ai quitté le Sdf à un moment où j'avais déjà annoncé à l'intérieur du parti que je serai candidate. Donc ma première option était d'être la candidate du Sdf. Au moment où les choses interviennent, je n'ai pas un parti en poche. Quand j'annonce ma candidature, un certain nombre de partis politiques me contactent et j'entame aussi le processus de la mise en place d'un parti politique.
Aujourd'hui nous sommes en discussion avec environ une dizaine de partis politiques. Certains sont très clairs. Ils veulent porter cette candidature, d'autres veulent qu'on trouve des terrains d'entente. Nous de notre côté, nous souhaitons entrer dans des partenariats dans une dynamique de coalition qui a des bases solides parce que la pire des choses à mon avis serait qu'on se mette ensemble aujourd'hui et qu'à deux mois des élections on commence à dire que ça ne marche pas. Donc nous sommes en train de prendre un peu de temps sur le plan de nos programmes politiques, on veut analyser la force et la faiblesse de chacun sur le terrain car il y a beaucoup de partis politiques qui sont tout simplement dans la mallette de quelqu'un et maintenant il faut qu'on négocie ensemble, il faut qu'on sache très clairement quel est l'apport de ce parti sur la table. Donc notre objectif à nous sur le plan stratégique c'est d'annoncer cette candidature portée par un parti mais qui regroupe un ensemble de partis politiques. On va voir. Je ne promets rien car on sait que ces processus n'ont souvent abouti à rien du tout. Et l'échéance pour nous est au plus tard fin mars. Pour annoncer définitivement la plateforme qui va porter ma candidature.
A propos de Biya et Fru Ndi.
Ma lecture du rapprochement Fru Ndi-Paul Biya, est que très clairement, les avantages sont pour M. Biya et le Rdpc. Je crois que ces avantages respectent la stratégie du Rdpc qui est un parti que je respecte beaucoup sur le plan stratégique. Je dis toujours aux gens que ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas en train de construire les routes, les écoles qu'ils ne savent pas faire de la stratégie où qu'ils sont bêtes. Je les considère comme des adversaires très stratégiques et très intelligents. Je me disais que je vais annoncer ma candidature et puis je vais prendre mon bâton de pèlerin et je vais aller faire du porte à porte pour demander aux gens de voter pour moi. J'ai annoncé et tout de suite il y avait une vague assez importante qui est venue vers nous. Je crois que ça n'a pas échappé au Rdpc. Et il y a aussi d'autres acteurs qui peuvent inquiéter. Je crois que le Rdpc se dit : «attention, on a vu ça en 1990. On avait vu un bonhomme émerger là bas à Bamenda, on s'est dit que ce petit libraire là qu'est-ce qu'il peut faire ?
Donc cette fois-ci aucun risque. On ne prend pas de risques, on commence déjà à essayer de mettre ces gens de côté. La meilleure stratégie pour le faire c'est positionner un opposant officiel qu'on connaît, dont on maîtrise les limites et qu'on peut mieux gérer». Pour moi, voilà ma lecture du pourquoi à cette date-ci, Biya décide enfin de rencontrer Fru Ndi. C'est que c'est à son avantage aujourd'hui que Fru Ndi soit l'opposant. Du côté Sdf, je suis moins claire sur l'intérêt de ce rapprochement. C'est vrai que je soupçonne des choses. Mais je ne voudrais pas me lancer dans la spéculation. Par contre je crois qu'il y'a un effet sur lequel ils n'ont pas escompté. Aujourd'hui, ça n'enterre pas du tout l'opposition. L'effet sur le terrain c'est que nous autre, moi particulièrement et ce n'était pas une stratégie de ma part. Je ne savais pas que le Sdf allait quelques mois plus tard faire cette démarche là. Mais moi l'effet direct c'est que ça me crédibilise.
Sur le football au Cameroun.
Encore une fois, je dis que la gestion au Cameroun est ce qu'on voit dans les différents secteurs spécifiques. Je suis très loin d'être spécialiste en football mais je vais aller avec une approche qui va au delà du mondial. Qu'est ce qu'on constate au Cameroun ? On constate qu'on a du talent sur le plan du football. Alors en tant que pays c'est un don comme on sait faire l'agriculture… Ce sont des choses qui nous ont été données sans qu'on ne fasse d'efforts.
Donc on a ce don là et la question est comment est-ce qu'on la gère. Et on constate que dans le sport comme dans tous les secteurs au Cameroun, on n'a pas un système qui dit comment capitaliser ce don qui est une ressource naturelle, un produit brut pour en faire un produit fini qui est bénéfique pour l'ensemble du pays. Alors, je regarde un tout petit peu dans le football, le peu que je connais il y a des pays comme le Ghana qui aujourd'hui a mis en place un système sur l'ensemble du pays pour identifier son talent, pour le canaliser dans un système de développement de ce talent là et pour le mettre en pipeline avec l'équipe nationale. Je regarde la même chose dans les pays occidentaux. Je connais très bien le système américain pour avoir fait mes études là bas. Les Etats Unis qui n'était nulle part en football il y a 20 ans ont décidé de mette en place un système, les choses ont évolué. L'identification des talents de ce côté commence à huit ans, neuf ans. Voilà là où on identifie un enfant qui a du talent en sport et cela se fait comment?
À travers des clubs dans l'ensemble du pays qui ne sont pas des clubs étatiques, mais sont plutôt gérés par des volontaires, des parents qui veulent que leurs enfants excellent ensemble. Mais qu'est ce que l'Etat fait, il fournit l'infrastructure. Les terrains, les canaux de communication avec les plus grands clubs, les grandes rencontres où on va effectivement identifier ces talents là et puis les bourses pour le sport. Donc l'Etat reste en dehors mais créé une infrastructure qui garantie que l'enfant identifié à 8 ou 9 ans va participer à un tournoi pour que les coachs des plus grandes équipes puissent l'identifier.
Quand il a 15 ans, on va participer à un tournoi où ceux qui donnent les bourses pour aller à l'université vont l'identifier comme un enfant qui peut avoir du talent et du coup obtenir une bourse pour aller à l'université. Mais je pense que le problème du football camerounais est un problème dû au fait que l'Etat ne prend pas du tout le football, ni aucun autre sport d'ailleurs sur un plan stratégique pour se dire où est ce qu'on met les terrains de jeu pour permettre aux enfants d'évoluer sur un terrain normal pour faire émerger ce talent. Où est- ce qu'on a le système d'identification et de développement du talent et où est-ce qu'on a le pipeline par lequel ce talent entre dans l'équipe minime et puis enfin dans l'équipe nationale.
Ma petite perception du système de gestion du football que ce soit par le ministère ou la fédération c'est que c'est une des plus grosses mafias au Cameroun. Les gens sont là pour s'enrichir. Je me rappelle le scandale avec des gens qui ont pris plus de bonus qu'ils ne devraient pour le mondial 2010. Ma question était qu'on était avant la compétition. On était en train de leur donner des bonus, avant même qu'ils ne prennent le supplémentaire là on leur donnait des bonus pourquoi ? On n'était même pas encore allé à la compétition. Je suis désolé mais de façon élémentaire, vous ne gérez pas votre maison comme ça. Vous ne donnez pas à votre fils son bonus avant qu'il n'ait passé son examen. C'est des choses qui sont tellement ahurissantes.
Sur l'économie et la Dsce
Le Dsce comme le Drsp avant lui, je me méfie toujours des documents économiques que nous rédigeons pour remplir les conditions des bailleurs de fonds. Je crois que l'on part sur une fausse route quand c'est la Banque mondiale ou le Fmi qui nous demande de remplir certaines conditions et puis, on commence à rédiger un document. Le principal reproche que moi je fais à la vision 2035, c'est qu'on voit encore une fois comme avec les grandes ambitions une liste de projets sans toutefois adresser le problème structurel qui cadre avec l'économie camerounaise. Nous connaissons les problèmes qui minent le secteur privé camerounais.
Ce sont les problèmes d'un environnement des affaires qui est trop lourd administrativement, qui est opaque sur le plan de la fiscalité, et qui ne permet pas aux entreprises ni à l'investisseur qui est en train d'arriver de démarrer effectivement son investissement dans un cours délai, ni à celui qui est déjà en activité de faire croître son activité. Premier problème structurel et donc c'est cet ensemble qui est l'administration, le cadre juridique et la fiscalité qui régissent le secteur privé. Le vrai problème structurel est le secteur financier camerounais. Il est impossible de développer un pays économiquement sans la possibilité de financement. Et on n'a pas de possibilité de financement dans l'économie camerounaise actuellement. Et je parle des financements qui permettent de faire des investissements à moyen et à long terme et aussi pour les Pme.
Nous savons tous que la croissance économique repose sur les Pme et ces structures là aujourd'hui n'ont pas accès à un financement en dehors d'un financement à très court terme. Résultat, tout le monde fait du commerce, personne ne fait du business. Le secteur financier est le deuxième élément. Le troisième c'est toute l'infrastructure qui permet effectivement à une économie de décoller. Tant que nous aurons les connexions internet que nous avons, nous aurons du mal à entrer dans l'économie mondiale. Parce que nous sommes en compétition avec des gens qui ont de meilleures connexions internet permettant de répondre à des offres sur le plan international. Tant que nous ne pouvons pas avoir une infrastructure en matière de transport routier, maritime, aérien, un pays qui ne peut pas relier son nord et son sud ne peut pas prétendre qu'on va effectivement faire croître l'économie. Ça signifie que tout le potentiel économique du nord qu'est ce qu'on en fait réellement ? Si on prend un secteur comme le tourisme, c'est une des zones qui a le plus grand potentiel pour le pays. Mais actuellement, le tourisme est au rabais du fait du déficit des systèmes de transport.
Je me rappelle qu'en 2004 le ministre de l'Economie Polycarpe Abah Abah avait eu une réunion avec nous où il nous disait qu'avant la fin de cette année-là, les problèmes de transport avec le nord seraient réglés. Sept ans plus tard, on est encore à la même situation. Donc adresser ces questions de manière structurelle, avec un time line, avec une idée claire de où est-ce qu'on va aller chercher le partenariat et pour l'investissement, et pour la gestion de ces choses là.
A propos des banques et du chômage.
Je vais commencer par le financement de l'économie parce que c'est le plus important, c'est parmi les facteurs structurants, avant d'évoquer le chômage. Pour le financement de l'économie, aujourd'hui nous sommes en tant qu'économie camerounaise au niveau du système le plus réductif. On a des banques commerciales, on a un secteur informel avec des tontines, et on n'a aucun système d'investissement à terme. Pour avoir le financement à terme, tous les acteurs financiers vont vous dire quel est le grand problème au Cameroun : c'est l'insécurité. Ça n'a rien à voir avec l'économie. C'est l'insécurité juridique.
Voilà pourquoi ils ne sont pas prêts à donner des prêts aux Camerounais parce que le système juridique est tel que ça ne lui garantit pas de faire rembourser son argent. Donc la première des choses serait une réforme du système juridique, quitte à mon avis à établir un processus spécial à court terme qui permettra d'aller un peu vite en ce qui concerne le système juridique qui entoure les prêts économiques. Je veux dire qu'il peut avoir des chambres d'échange décisives qui font que vous en tant qu'opérateur économique vous entrez dans cette chambre, vous donnez un certain nombre de garanties, on arrive à vous localiser. Ça c'est un autre grand problème pour le Cameroun en matière de développement. C'est qu'on n'a pas des adresses, on n'a pas des rues pour repérer physiquement les individus.
On a déjà vu des Camerounais qui arrivent à disparaître dans la nature après avoir emprunté des milliards à des banques. L'autre problème est celui de l'utilisation réelle de notre système biométrique de cartes d'identité. Car normalement, avec le système biométrique, l'ensemble du système devrait être relié tel que le banquier quand il prend le numéro de votre carte d'identité nationale, qu'il soit capable de savoir si vous avez pris des prêts ailleurs dans la République , où est-ce que vous habitez, et quand vous arrivez à l'aéroport on prend cela et on sait si vous êtes recherché par la loi. Vous voyez qu'en fait les choses qui doivent donner une sécurité pour que celui qui investit son argent parce que le banquier il est là pour gagner de l'argent et donc dès qu'il a un cadre qui le met en sécurité, il va investir. Et tant qu'on n'a pas ce cadre là, on aura du mal à lever les fonds du secteur privé que ce soit sur le plan national ou international.
A propos de la culture.
Le Sdf, c'est le passé. Pour moi, la culture est d'une importance capitale. Parce que je crois que tout peuple qui ne se pense pas, qui n'a pas une autonomie culturelle n'est pas déjà lui-même. Tout peuple qui ne pense pas lui-même va avoir beaucoup de mal surtout dans ce monde d'aujourd'hui où on est tellement interconnecté. Donc sur le plan culturel, moi j'ai un certains nombre d'éléments clés dans ma stratégie. Il faut revisiter le curriculum camerounais pour apprendre aux jeunes la vraie histoire du Cameroun, la culture des héros. Nos enfants doivent le savoir afin de s'inscrire dans leur continuité.
A propos de l'Opération Epervier.
C'est une question de système. C'est une opération politique pour satisfaire une demande ici et à l'étranger. Pour M. Biya, c'est efficace puisque ça lui permet de rassurer ses partenaires étrangers. Le déclencheur qui est l'affaire Ondo Ndong part des Etats-Unis. C'est une opération efficace à deux niveaux pour M. Biya. Premièrement, ça lui permet de rassurer la population et deuxièmement ça permet d'éliminer des concurrents politiques. Pour véritablement combattre la corruption, il faut prendre des mesures fortes. Avez-vous déjà vu quelqu'un perdre son poste au Cameroun où être poussé à la démission pour mauvaise gestion ? On regarde tous et on laisse faire au quotidien alors que ce sont des techniques qui devaient être utilisées pour combattre ce fléau.
Sur le grand banditisme.
L'insécurité économique va toujours produire l'insécurité sociale et physique. Le chômage est à la base de tout. Il faut aussi compter avec l'inefficacité des forces armées. On observe parfois des connivences entre nos forces armées et les malfrats qui agissent du coup en toute impunité. Il faut une réelle réforme de l'ensemble de nos forces armées et police. Il faut à court terme mettre sur pied des mesures pour favoriser l'intolérance des dérives et dérapages observés dans le travail quotidien de nos forces armées. A long terme, il faut promouvoir la méritocratie, revoir le système de recrutement dans ces corps sensibles.
L'Etat ne peut pas recruter tout le monde. Donc c'est le secteur privé qui est le plus grand pourvoyeur d'emplois. Donc comme je le disais déjà lorsque j'abordai les questions économiques, il faut mettre en place un système pour favoriser l'investissement, les financements, la croissance de ce secteur capital. Je suis pour une économie dirigée. Il faut identifier des secteurs clés comme celui de l'agriculture et mettre en place les moyens pour le développer. Au niveau de l'Etat, la priorité doit être mise dans l'investissement dans les infrastructures à l'instar des routes et des écoles car elles créent l'emploi.
Les jeunes et la politique.
Les jeunes ne sont pas suffisamment impliqués en politique au Cameroun. Il y'a trois ans nous avons décidé de dé stigmatiser la politique. C'est catastrophique que les jeunes soient mis de côté. Ma campagne est essentiellement gérée par des jeunes ayant moins de 30 ans. Ils sont sur les plateaux, dans des débats. Et pour certains d'entre eux qui sont étudiants, ils se retrouvent stigmatisés dans les amphithéâtres par leurs enseignants. On a tort en ce qui concerne la mise à l'écart des jeunes de la politique. Il faut qu'ils soient plus impliqués.
A propos du système éducatif
Mon analyse est que la situation des écoles camerounaises est déplorable. Vous avez des enfants au Cm2 qui ne savent pas lire, des jeunes au Cm1 qui ne savent pas lire l'heure sur une horloge. Le système camerounais produit des diplômés non employables. Donc il faut une réforme totale du système éducatif que ce soit au niveau des enseignants, des enseignements.
Sur les infrastructures.
Le chef de l'Etat en a annoncées au comice. A ce niveau je suis d'accord avec lui par principe. Il nous faut des routes. Mais dans la réalité, il faut voir ce qui est possible en s'éloignant de la subvention directe. Il faut envisager des mesures facilitatrices de la part des pouvoirs publics pour la mise à disposition des infrastructures. Il faut voir comment l'Etat peut intervenir dans le transport pour le faciliter. Car c'est un problème criard qui a des conséquences sur les prix des ventes des produits vu que les coûts supplémentaires liés aux difficultés de transport des marchandises sont facturés sur les prix. Ce qui est opportun chez nous, c'est l'investissement dans des secteurs clés comme ceux des infrastructures, des transports et non la distribution des chèques à blanc aux planteurs.
Au sujet de la santé.
La santé au Cameroun aujourd'hui a trois problèmes. Premièrement celui des infrastructures. On n'a pas d'équipements de pointe dans nos hôpitaux ce qui est très dangereux. Ensuite, il y a le problème lié à la qualité des médecins qui officient dans nos hôpitaux. Et enfin l'accès aux soins de santé qui reste problématique. J'ai une équipe qui travaille actuellement sur ces questions pour mettre en place un plan de santé plus réaliste au Cameroun.
Nous travaillons sur des stratégies pour garder nos médecins au pays et cela passe par l'amélioration de leurs salaires, et par la mise à leur disposition de formations continues. Il faut à tous les Camerounais un système d'assurance santé.
Le chef de l'Etat gère par effets d'annonce. Il faut d'abord se demander ce que c'est que le paludisme simple et savoir comment ça va réellement se passer en ce qui concerne l'application d'une telle mesure. C'est une fiction et on l'a notamment vu avec la question sur les cartes nationales d'identité.
Cette nouvelle année, nous renouons avec une vieille habitude que nous avions arrêtée. Elle consistait à inviter des personnalités dans nos locaux pour qu'elles échangent avec la rédaction. Pour 2011 qui commence, Mme Kah Walla est la première invitée. Partie du Sdf où elle était membre du bureau politique de ce parti, elle a annoncé il y quatre mois qu'elle briguera la magistrature suprême en octobre prochain. Sans protocole d'interview préalable, Mme Kah Walla s’est livrée aux questions de l'ensemble de la rédaction de Mutations.
Kah Walla: On peut bousculer le système en place
Kah Wallah
C'est un honneur d'être le premier invité de la rédaction pour 2011. Je crois que je n'ai pas à vous faire une grande présentation préliminaire, vu qu'étant des journalistes, vous me connaissez probablement bien. Juste pour dire que l'annonce de ma candidature pour l'élection de 2011 a été l'aboutissement d'un processus qui a commencé depuis que j'ai intégré le Sdf et que j'ai battu campagne pour la première fois et été élue conseillère à la mairie de Douala 1er. En tant que groupe qui était intéressé depuis les années 1990 par l'avenir de notre pays, nous avons compris en 2007 que pour être les acteurs et actrices de notre pays en 2011, il fallait entrer en plein dans le jeu politique. Ayant accompagné ce processus depuis les années 1990, on s'est dit qu'en restant en marge des choses nous ne pouvions pas provoquer le véritable déclic. Et donc, Il faut donc qu'on entre dans le processus, qu'on devienne de véritables acteurs afin de déclencher le changement que nous souhaitons. Donc cette candidature est pour moi caractérisée par trois choses clés. C'est une candidature qui sur le plan de la pensée et de l'approche politique repose sur l'histoire politique du Cameroun. Donc je suis parmi ceux et celles qui puisent leur force et leur pensée politique du combat qui a déjà été mené par les nationalistes. Pour moi, c'est un combat qui a commencé il y a 50 ans. J'ai quitté le Sdf mais historiquement, je considère toujours ce parti très important dans l'histoire du Cameroun. Si je peux être candidate aujourd'hui, c'est grâce au combat mené par ce parti. Ma candidature se situe dans la continuité d'un combat pour l'indépendance du Cameroun.
Après le comice agropastoral d'Ebolowa.
Je crois que ce comice caractérise un peu la manière dont le Cameroun est gouverné. C'est-à-dire que en quelque sorte en sursaut. L'agriculture représente quelque 70% des emplois dans notre pays et environ 25 à 29% de notre Pib. Donc c'est un secteur extrêmement important. On n'est pas arrivé à organiser un comice pendant 22 ans, et quand on l'organise, c'est l'événementiel, c'est une belle fête, mais il n'y a pas autour une réelle réflexion sur l'agriculture camerounaise et quelles sont les politiques et stratégies qu'on doit mettre en place pour que cette agriculture trouve son essor. J'ai vu le chef de l'Etat faire ce qui devient une habitude depuis Bamenda, jouer au Père Noël. Voilà il y'a une banque agricole qui nous est accordée, maintenant, je me rappelle il y'a deux ou trois autres projets sur le plan agricole. Mais ça ce n'est pas une politique agricole. Pour avoir travaillé un peu dans l'agriculture, aussi bien au niveau local qu'international, j'accompagne un processus au niveau du Nepad depuis cinq ans qui s'appelle le Cadap (Comprehensive Agriculture dévelopment Programmm for Africa). Le Cameroun a signé le Cadap qui définit clairement les piliers pour l'Afrique pour développer l'agriculture. Une croissance de production de 5 % par an, un investissement budgétaire de 10 % par an , et puis on a des piliers qui concernent tout ce qui est le marché donc à la fois le financement mais aussi la commercialisation des produits agricoles, tout ce qui est des techniques donc la mécanisation et autres, tout ce qui est la gestion des terres, la gestion des ressources naturelles, tout ce qui est des éléments de la compétence des agriculteurs. On n'est pas là dans un champ où il faut inventer. Il y a tellement de travail qui a été fait dans ce domaine là. Aujourd'hui vous avez des pays comme l'Ethiopie qui suit le processus de Cadap et qui a déjà le taux de croissance de 5% par an. Aujourd'hui ce pays est capable de mesurer ses résultats en termes de sécurité alimentaire pour ses populations. Donc faire un événement agricole, c'est peut-être bien. Mais ça ne touche pas le problème de fond qui est celui des stratégies et de la productivité agricole pour le Cameroun.
Au sujet des différentes lois électorales et la présidentielle d'octobre.
L'ensemble du système électoral pose un certain nombre de problèmes au Cameroun. Il y'a des problèmes à trois niveaux. Il y'a un problème politique, un problème juridique et un problème technique.
Sur le plan politique et comme on voit un peu autour de nous dans le monde aujourd'hui c'est que dans un système électoral, il faut avant tout une volonté politique claire pour respecter les pratiques démocratiques. Au niveau du Cameroun, on ne voit pas cette volonté politique claire. Cette mauvaise volonté politique se manifeste dans les choses comme la nomination des membres d'Elecam. Donc il y'a des problèmes à ce niveau là. Les autres éléments qui manifestent une volonté politique c'est par exemple le manque d'un calendrier électoral. Les lois bien sûres que vous avez citées nous situent cette élection entre le 14 septembre et le 14 octobre. La chose je pense normale pour un pays aujourd'hui serait d'avoir un calendrier électoral clair. Bien sûr dans la loi il y a des marges qui sont citées mais pas les dates exactes. Pour les cartes électorales il n'y a aucun délai d'ailleurs sur le plan légal. Donc, le premier problème avec le système électoral Camerounais c'est cette manifestation de mauvaise volonté politique. Et je crois que c'est ça plus que toute autre chose qui pose le plus grand problème pour nous autre sur le terrain aujourd'hui. Le grand problème sur le terrain quand vous rencontrez les Camerounais, ce n'est pas Paul Biya, tout le monde en a marre, ce n'est pas même une candidature comme la mienne, les gens la reçoivent bien, ils sont intéressés… mais c'est leur capacité de croire en ce système électoral. La mauvaise volonté politique fait que le système électoral n'est pas crédible et donc que les gens ne veulent pas participer à quelque chose qu'ils n'estiment pas crédible.
Sur le plan juridique, on a une pléthore de lois pour organiser les élections vous avez cité juste quelques unes, il y'a les lois qui organisent les municipales, les législatives, les présidentielles qui traitent toutes de différentes choses et il y'a même quelques éléments contradictoires entre ces différentes lois. Encore une fois, la chose normale pour un pays aurait été d'harmoniser tout ça, de créer un code électoral pour une cohérence juridique. En principe Elecam lui même est anticonstitutionnel parce que la constitution camerounaise ne prévoit pas une structure indépendante pour gérer les élections. On nous a annoncé ce code électoral l'année dernière au mois d'avril, on s'est mis en mouvement pour essayer de l'influencer, de faire des propositions… et on a abouti à la modification de la loi qui fait revenir le ministère de l'Administration territoriale dans le système électoral.
Sur le plan technique prenons cette mauvaise volonté, ce méli melo des lois et disons quand même que c'est ce que c'est et essayons de travailler avec. Et on constate aussi là qu'il y'a un refus de, la part du Cameroun d'adopter ce qui est aujourd'hui considéré comme la norme technique en matière d'organisation des élections : l'inscription biométrique. La Guinée l'a fait, Haïti l'a fait. Les seuls pays qui sont encore en train d'organiser les élections sans cette technologie là ce sont des pays comme la Centrafrique et la seule raison pour laquelle ils ne l'ont pas fait c'est parce qu'ils n'avaient pas suffisamment d'argent. Le Cameroun peut se la permettre. On décide de ne pas utiliser une technologie qui est aujourd'hui reconnue pour résoudre plusieurs problèmes. La même chose pour le bulletin unique. Je parle là de deux éléments clés qui à mon avis peuvent changer la donne au Cameroun. Si on dit aujourd'hui, voilà il y'a une technologie biométrique et on va utiliser les bulletins uniques, je crois que le Camerounais moyen va se dire qu'il y'a peut-être quelque chose qui est en train de changer et je pourrai participer à ce système. Ça va aussi éliminer une partie significative de la fraude. Le dernier point sur lequel je termine est celui d'Elecam. Est-ce que cet Elecam fait son travail sur le terrain. Nous nous suivons Elecam depuis qu'ils ont commencé à travailler. Ce que nous constatons c'est qu'il n'y a pas un programme de travail sur le plan national. Donc selon la région dans laquelle vous vous trouvez, Elecam est en train de faire des choses différentes. Ils commencent par des descentes sur le terrain dans une région alors que dans une autre ils sont encore dans leurs bureaux. Il faut une accommodation des descentes avec les heures de travail des Camerounais qui se battent pour la survie. Il y a aussi un sérieux problème de ressources au sein d'Elecam. Eux même vous disent on veut descendre mais on n'a pas reçu les moyens pour le faire. Parfois vous dépendez de la volonté des responsables. Il y en a qui estiment que le calendrier des descentes est public, donc ils vous le donnent, il y en a d'autres qui pensent que c'est le secret d'Etat et donc quand vous demandez le calendrier de descentes, personne ne veut vous le donner selon l'arrondissement et parfois dans la même ville. Quand bien même ils font les descentes, ils vont sur le terrain, donc ils vont venir à Mvog Mbi par exemple, sans donner aucune information préalable à la population, personne ne sait exactement là où ils sont, ils viennent s'asseoir comme des fonctionnaires pour toute la journée, ils inscrivent la vingtaine ou la trentaine de personnes qui sont là. Nous on a commencé un travail avec eux où quand on a le calendrier de descente, on passe dans le quartier trois jours avant avec des tracts pour dire : «Elecam sera là, ils seront à tel endroit…» On a dû faire avec eux et on constate que quand la population est sensibilisée, le taux d'inscriptions augmente de manière significative. Donc voilà un peu les différents problèmes qu'on rencontre avec le système électoral.
A propos des inscriptions sur les listes électorales.
C'est un vrai problème Il me préoccupe. Je J'ai vécu 1992. Le système était pire. Et on est passé à deux doigts de la victoire. 1992 au Sdf, tout le monde le vit aujourd'hui comme un échec. Oui on n'a pas atteint ce qu'on souhaitait. Mais quand on est dans un combat, on ne dit pas : on a échoué donc il faut abandonner, on ne va plus jamais participer. Non. On va obtenir ce changement comment si on n'entre pas dans le système. En 1992, on a réussi à bousculer le système et la seule chose qu'on avait en 1992, c'était la participation. Les gens n'étaient pas formés. Moi j'ai contrôlé les élections à Douala. Nous étions la seule ville dans toute la république qui avait un véritable système. On avait des fichiers, on avait des voitures, à l'époque il n'y avait pas encore de téléphone mobile. Donc on avait les cabines dans certaines parties de la ville. Mais nulle part ailleurs dans le pays les élections n'étaient contrôlées comme ça. C'est pourquoi, même selon les résultats officiels nous étions à deux points de la victoire à cause de la participation. Et juste une chose que beaucoup ne savent pas c'est qu'en 1992 la moitié des gens qui étaient derrière le SDF dans la rue n'étaient pas inscrits sur les listes électorales. Le nombre d'inscrits en 1992 c'est à peu près celui qu'on a eu en 2007 à savoir trois millions environ. Donc on constate que le système a beaucoup de verrous, quelqu'un l'a pensé pour se maintenir au pouvoir. Mais on peut bousculer ce système. Et moi ma stratégie c'est plus d'organisation qu'en 1992, plus de formation vu qu'en 1992, les gens n'étaient pas formés dans les bureaux de vote. A la fin de l'élection, ils disaient : On a gagné ! Ils ont laissé les procès verbaux là et sont partis dans le bar pour fêter leur victoire et voilà où un certain nombre de choses se sont passées. C'est ce qu'on avait aussi fait en 1992. Aucune stratégie pour l'après élection. On n'avait pas de stratégie pour dire voilà prévoyons qu'on peut gagner cette histoire et puis certains décident que non. Qu'est-ce qu'on fait ? On n'y a pas pensé du tout. Je pense que les leçons qu'on peut tirer de 1992, c'est de voir où est-ce qu'on a failli et se dire qu'on peut bousculer ce système. Il n'y a pas 36 000 solutions. Soit on va adopter la voie des urnes, soit on va adopter la voie tunisienne, soit on va adopter la voie armée. Il n'y a pas un très grand ensemble de solutions. Donc il faut opter pour une. Mais une chose dont je suis sûre c'est que si on ne s'inscrit pas, si on ne bouscule pas le système, on est sûr d'avoir Paul Biya en 2012. Donc je ne me vois pas rester là pour dire je croise les bras, le système est mauvais…
A propos de la candidature.
J'ai quitté le Sdf à un moment où j'avais déjà annoncé à l'intérieur du parti que je serai candidate. Donc ma première option était d'être la candidate du Sdf. Au moment où les choses interviennent, je n'ai pas un parti en poche. Quand j'annonce ma candidature, un certain nombre de partis politiques me contactent et j'entame aussi le processus de la mise en place d'un parti politique.
Aujourd'hui nous sommes en discussion avec environ une dizaine de partis politiques. Certains sont très clairs. Ils veulent porter cette candidature, d'autres veulent qu'on trouve des terrains d'entente. Nous de notre côté, nous souhaitons entrer dans des partenariats dans une dynamique de coalition qui a des bases solides parce que la pire des choses à mon avis serait qu'on se mette ensemble aujourd'hui et qu'à deux mois des élections on commence à dire que ça ne marche pas. Donc nous sommes en train de prendre un peu de temps sur le plan de nos programmes politiques, on veut analyser la force et la faiblesse de chacun sur le terrain car il y a beaucoup de partis politiques qui sont tout simplement dans la mallette de quelqu'un et maintenant il faut qu'on négocie ensemble, il faut qu'on sache très clairement quel est l'apport de ce parti sur la table. Donc notre objectif à nous sur le plan stratégique c'est d'annoncer cette candidature portée par un parti mais qui regroupe un ensemble de partis politiques. On va voir. Je ne promets rien car on sait que ces processus n'ont souvent abouti à rien du tout. Et l'échéance pour nous est au plus tard fin mars. Pour annoncer définitivement la plateforme qui va porter ma candidature.
A propos de Biya et Fru Ndi.
Ma lecture du rapprochement Fru Ndi-Paul Biya, est que très clairement, les avantages sont pour M. Biya et le Rdpc. Je crois que ces avantages respectent la stratégie du Rdpc qui est un parti que je respecte beaucoup sur le plan stratégique. Je dis toujours aux gens que ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas en train de construire les routes, les écoles qu'ils ne savent pas faire de la stratégie où qu'ils sont bêtes. Je les considère comme des adversaires très stratégiques et très intelligents. Je me disais que je vais annoncer ma candidature et puis je vais prendre mon bâton de pèlerin et je vais aller faire du porte à porte pour demander aux gens de voter pour moi. J'ai annoncé et tout de suite il y avait une vague assez importante qui est venue vers nous. Je crois que ça n'a pas échappé au Rdpc. Et il y a aussi d'autres acteurs qui peuvent inquiéter. Je crois que le Rdpc se dit : «attention, on a vu ça en 1990. On avait vu un bonhomme émerger là bas à Bamenda, on s'est dit que ce petit libraire là qu'est-ce qu'il peut faire ?
Donc cette fois-ci aucun risque. On ne prend pas de risques, on commence déjà à essayer de mettre ces gens de côté. La meilleure stratégie pour le faire c'est positionner un opposant officiel qu'on connaît, dont on maîtrise les limites et qu'on peut mieux gérer». Pour moi, voilà ma lecture du pourquoi à cette date-ci, Biya décide enfin de rencontrer Fru Ndi. C'est que c'est à son avantage aujourd'hui que Fru Ndi soit l'opposant. Du côté Sdf, je suis moins claire sur l'intérêt de ce rapprochement. C'est vrai que je soupçonne des choses. Mais je ne voudrais pas me lancer dans la spéculation. Par contre je crois qu'il y'a un effet sur lequel ils n'ont pas escompté. Aujourd'hui, ça n'enterre pas du tout l'opposition. L'effet sur le terrain c'est que nous autre, moi particulièrement et ce n'était pas une stratégie de ma part. Je ne savais pas que le Sdf allait quelques mois plus tard faire cette démarche là. Mais moi l'effet direct c'est que ça me crédibilise.
Sur le football au Cameroun.
Encore une fois, je dis que la gestion au Cameroun est ce qu'on voit dans les différents secteurs spécifiques. Je suis très loin d'être spécialiste en football mais je vais aller avec une approche qui va au delà du mondial. Qu'est ce qu'on constate au Cameroun ? On constate qu'on a du talent sur le plan du football. Alors en tant que pays c'est un don comme on sait faire l'agriculture… Ce sont des choses qui nous ont été données sans qu'on ne fasse d'efforts.
Donc on a ce don là et la question est comment est-ce qu'on la gère. Et on constate que dans le sport comme dans tous les secteurs au Cameroun, on n'a pas un système qui dit comment capitaliser ce don qui est une ressource naturelle, un produit brut pour en faire un produit fini qui est bénéfique pour l'ensemble du pays. Alors, je regarde un tout petit peu dans le football, le peu que je connais il y a des pays comme le Ghana qui aujourd'hui a mis en place un système sur l'ensemble du pays pour identifier son talent, pour le canaliser dans un système de développement de ce talent là et pour le mettre en pipeline avec l'équipe nationale. Je regarde la même chose dans les pays occidentaux. Je connais très bien le système américain pour avoir fait mes études là bas. Les Etats Unis qui n'était nulle part en football il y a 20 ans ont décidé de mette en place un système, les choses ont évolué. L'identification des talents de ce côté commence à huit ans, neuf ans. Voilà là où on identifie un enfant qui a du talent en sport et cela se fait comment?
À travers des clubs dans l'ensemble du pays qui ne sont pas des clubs étatiques, mais sont plutôt gérés par des volontaires, des parents qui veulent que leurs enfants excellent ensemble. Mais qu'est ce que l'Etat fait, il fournit l'infrastructure. Les terrains, les canaux de communication avec les plus grands clubs, les grandes rencontres où on va effectivement identifier ces talents là et puis les bourses pour le sport. Donc l'Etat reste en dehors mais créé une infrastructure qui garantie que l'enfant identifié à 8 ou 9 ans va participer à un tournoi pour que les coachs des plus grandes équipes puissent l'identifier.
Quand il a 15 ans, on va participer à un tournoi où ceux qui donnent les bourses pour aller à l'université vont l'identifier comme un enfant qui peut avoir du talent et du coup obtenir une bourse pour aller à l'université. Mais je pense que le problème du football camerounais est un problème dû au fait que l'Etat ne prend pas du tout le football, ni aucun autre sport d'ailleurs sur un plan stratégique pour se dire où est ce qu'on met les terrains de jeu pour permettre aux enfants d'évoluer sur un terrain normal pour faire émerger ce talent. Où est- ce qu'on a le système d'identification et de développement du talent et où est-ce qu'on a le pipeline par lequel ce talent entre dans l'équipe minime et puis enfin dans l'équipe nationale.
Ma petite perception du système de gestion du football que ce soit par le ministère ou la fédération c'est que c'est une des plus grosses mafias au Cameroun. Les gens sont là pour s'enrichir. Je me rappelle le scandale avec des gens qui ont pris plus de bonus qu'ils ne devraient pour le mondial 2010. Ma question était qu'on était avant la compétition. On était en train de leur donner des bonus, avant même qu'ils ne prennent le supplémentaire là on leur donnait des bonus pourquoi ? On n'était même pas encore allé à la compétition. Je suis désolé mais de façon élémentaire, vous ne gérez pas votre maison comme ça. Vous ne donnez pas à votre fils son bonus avant qu'il n'ait passé son examen. C'est des choses qui sont tellement ahurissantes.
Sur l'économie et la Dsce
Le Dsce comme le Drsp avant lui, je me méfie toujours des documents économiques que nous rédigeons pour remplir les conditions des bailleurs de fonds. Je crois que l'on part sur une fausse route quand c'est la Banque mondiale ou le Fmi qui nous demande de remplir certaines conditions et puis, on commence à rédiger un document. Le principal reproche que moi je fais à la vision 2035, c'est qu'on voit encore une fois comme avec les grandes ambitions une liste de projets sans toutefois adresser le problème structurel qui cadre avec l'économie camerounaise. Nous connaissons les problèmes qui minent le secteur privé camerounais.
Ce sont les problèmes d'un environnement des affaires qui est trop lourd administrativement, qui est opaque sur le plan de la fiscalité, et qui ne permet pas aux entreprises ni à l'investisseur qui est en train d'arriver de démarrer effectivement son investissement dans un cours délai, ni à celui qui est déjà en activité de faire croître son activité. Premier problème structurel et donc c'est cet ensemble qui est l'administration, le cadre juridique et la fiscalité qui régissent le secteur privé. Le vrai problème structurel est le secteur financier camerounais. Il est impossible de développer un pays économiquement sans la possibilité de financement. Et on n'a pas de possibilité de financement dans l'économie camerounaise actuellement. Et je parle des financements qui permettent de faire des investissements à moyen et à long terme et aussi pour les Pme.
Nous savons tous que la croissance économique repose sur les Pme et ces structures là aujourd'hui n'ont pas accès à un financement en dehors d'un financement à très court terme. Résultat, tout le monde fait du commerce, personne ne fait du business. Le secteur financier est le deuxième élément. Le troisième c'est toute l'infrastructure qui permet effectivement à une économie de décoller. Tant que nous aurons les connexions internet que nous avons, nous aurons du mal à entrer dans l'économie mondiale. Parce que nous sommes en compétition avec des gens qui ont de meilleures connexions internet permettant de répondre à des offres sur le plan international. Tant que nous ne pouvons pas avoir une infrastructure en matière de transport routier, maritime, aérien, un pays qui ne peut pas relier son nord et son sud ne peut pas prétendre qu'on va effectivement faire croître l'économie. Ça signifie que tout le potentiel économique du nord qu'est ce qu'on en fait réellement ? Si on prend un secteur comme le tourisme, c'est une des zones qui a le plus grand potentiel pour le pays. Mais actuellement, le tourisme est au rabais du fait du déficit des systèmes de transport.
Je me rappelle qu'en 2004 le ministre de l'Economie Polycarpe Abah Abah avait eu une réunion avec nous où il nous disait qu'avant la fin de cette année-là, les problèmes de transport avec le nord seraient réglés. Sept ans plus tard, on est encore à la même situation. Donc adresser ces questions de manière structurelle, avec un time line, avec une idée claire de où est-ce qu'on va aller chercher le partenariat et pour l'investissement, et pour la gestion de ces choses là.
A propos des banques et du chômage.
Je vais commencer par le financement de l'économie parce que c'est le plus important, c'est parmi les facteurs structurants, avant d'évoquer le chômage. Pour le financement de l'économie, aujourd'hui nous sommes en tant qu'économie camerounaise au niveau du système le plus réductif. On a des banques commerciales, on a un secteur informel avec des tontines, et on n'a aucun système d'investissement à terme. Pour avoir le financement à terme, tous les acteurs financiers vont vous dire quel est le grand problème au Cameroun : c'est l'insécurité. Ça n'a rien à voir avec l'économie. C'est l'insécurité juridique.
Voilà pourquoi ils ne sont pas prêts à donner des prêts aux Camerounais parce que le système juridique est tel que ça ne lui garantit pas de faire rembourser son argent. Donc la première des choses serait une réforme du système juridique, quitte à mon avis à établir un processus spécial à court terme qui permettra d'aller un peu vite en ce qui concerne le système juridique qui entoure les prêts économiques. Je veux dire qu'il peut avoir des chambres d'échange décisives qui font que vous en tant qu'opérateur économique vous entrez dans cette chambre, vous donnez un certain nombre de garanties, on arrive à vous localiser. Ça c'est un autre grand problème pour le Cameroun en matière de développement. C'est qu'on n'a pas des adresses, on n'a pas des rues pour repérer physiquement les individus.
On a déjà vu des Camerounais qui arrivent à disparaître dans la nature après avoir emprunté des milliards à des banques. L'autre problème est celui de l'utilisation réelle de notre système biométrique de cartes d'identité. Car normalement, avec le système biométrique, l'ensemble du système devrait être relié tel que le banquier quand il prend le numéro de votre carte d'identité nationale, qu'il soit capable de savoir si vous avez pris des prêts ailleurs dans la République , où est-ce que vous habitez, et quand vous arrivez à l'aéroport on prend cela et on sait si vous êtes recherché par la loi. Vous voyez qu'en fait les choses qui doivent donner une sécurité pour que celui qui investit son argent parce que le banquier il est là pour gagner de l'argent et donc dès qu'il a un cadre qui le met en sécurité, il va investir. Et tant qu'on n'a pas ce cadre là, on aura du mal à lever les fonds du secteur privé que ce soit sur le plan national ou international.
A propos de la culture.
Le Sdf, c'est le passé. Pour moi, la culture est d'une importance capitale. Parce que je crois que tout peuple qui ne se pense pas, qui n'a pas une autonomie culturelle n'est pas déjà lui-même. Tout peuple qui ne pense pas lui-même va avoir beaucoup de mal surtout dans ce monde d'aujourd'hui où on est tellement interconnecté. Donc sur le plan culturel, moi j'ai un certains nombre d'éléments clés dans ma stratégie. Il faut revisiter le curriculum camerounais pour apprendre aux jeunes la vraie histoire du Cameroun, la culture des héros. Nos enfants doivent le savoir afin de s'inscrire dans leur continuité.
A propos de l'Opération Epervier.
C'est une question de système. C'est une opération politique pour satisfaire une demande ici et à l'étranger. Pour M. Biya, c'est efficace puisque ça lui permet de rassurer ses partenaires étrangers. Le déclencheur qui est l'affaire Ondo Ndong part des Etats-Unis. C'est une opération efficace à deux niveaux pour M. Biya. Premièrement, ça lui permet de rassurer la population et deuxièmement ça permet d'éliminer des concurrents politiques. Pour véritablement combattre la corruption, il faut prendre des mesures fortes. Avez-vous déjà vu quelqu'un perdre son poste au Cameroun où être poussé à la démission pour mauvaise gestion ? On regarde tous et on laisse faire au quotidien alors que ce sont des techniques qui devaient être utilisées pour combattre ce fléau.
Sur le grand banditisme.
L'insécurité économique va toujours produire l'insécurité sociale et physique. Le chômage est à la base de tout. Il faut aussi compter avec l'inefficacité des forces armées. On observe parfois des connivences entre nos forces armées et les malfrats qui agissent du coup en toute impunité. Il faut une réelle réforme de l'ensemble de nos forces armées et police. Il faut à court terme mettre sur pied des mesures pour favoriser l'intolérance des dérives et dérapages observés dans le travail quotidien de nos forces armées. A long terme, il faut promouvoir la méritocratie, revoir le système de recrutement dans ces corps sensibles.
L'Etat ne peut pas recruter tout le monde. Donc c'est le secteur privé qui est le plus grand pourvoyeur d'emplois. Donc comme je le disais déjà lorsque j'abordai les questions économiques, il faut mettre en place un système pour favoriser l'investissement, les financements, la croissance de ce secteur capital. Je suis pour une économie dirigée. Il faut identifier des secteurs clés comme celui de l'agriculture et mettre en place les moyens pour le développer. Au niveau de l'Etat, la priorité doit être mise dans l'investissement dans les infrastructures à l'instar des routes et des écoles car elles créent l'emploi.
Les jeunes et la politique.
Les jeunes ne sont pas suffisamment impliqués en politique au Cameroun. Il y'a trois ans nous avons décidé de dé stigmatiser la politique. C'est catastrophique que les jeunes soient mis de côté. Ma campagne est essentiellement gérée par des jeunes ayant moins de 30 ans. Ils sont sur les plateaux, dans des débats. Et pour certains d'entre eux qui sont étudiants, ils se retrouvent stigmatisés dans les amphithéâtres par leurs enseignants. On a tort en ce qui concerne la mise à l'écart des jeunes de la politique. Il faut qu'ils soient plus impliqués.
A propos du système éducatif
Mon analyse est que la situation des écoles camerounaises est déplorable. Vous avez des enfants au Cm2 qui ne savent pas lire, des jeunes au Cm1 qui ne savent pas lire l'heure sur une horloge. Le système camerounais produit des diplômés non employables. Donc il faut une réforme totale du système éducatif que ce soit au niveau des enseignants, des enseignements.
Sur les infrastructures.
Le chef de l'Etat en a annoncées au comice. A ce niveau je suis d'accord avec lui par principe. Il nous faut des routes. Mais dans la réalité, il faut voir ce qui est possible en s'éloignant de la subvention directe. Il faut envisager des mesures facilitatrices de la part des pouvoirs publics pour la mise à disposition des infrastructures. Il faut voir comment l'Etat peut intervenir dans le transport pour le faciliter. Car c'est un problème criard qui a des conséquences sur les prix des ventes des produits vu que les coûts supplémentaires liés aux difficultés de transport des marchandises sont facturés sur les prix. Ce qui est opportun chez nous, c'est l'investissement dans des secteurs clés comme ceux des infrastructures, des transports et non la distribution des chèques à blanc aux planteurs.
Au sujet de la santé.
La santé au Cameroun aujourd'hui a trois problèmes. Premièrement celui des infrastructures. On n'a pas d'équipements de pointe dans nos hôpitaux ce qui est très dangereux. Ensuite, il y a le problème lié à la qualité des médecins qui officient dans nos hôpitaux. Et enfin l'accès aux soins de santé qui reste problématique. J'ai une équipe qui travaille actuellement sur ces questions pour mettre en place un plan de santé plus réaliste au Cameroun.
Nous travaillons sur des stratégies pour garder nos médecins au pays et cela passe par l'amélioration de leurs salaires, et par la mise à leur disposition de formations continues. Il faut à tous les Camerounais un système d'assurance santé.
Le chef de l'Etat gère par effets d'annonce. Il faut d'abord se demander ce que c'est que le paludisme simple et savoir comment ça va réellement se passer en ce qui concerne l'application d'une telle mesure. C'est une fiction et on l'a notamment vu avec la question sur les cartes nationales d'identité.