Présidentielle 2011: Comment le gouvernement veut museler les médias
En
interdisant aux médias privés la couverture et la diffusion de la
campagne électorale et de l’élection présidentielle du 9 octobre
prochain, Issa Tchiroma Bakary ignore les dispositions contenues dans la
loi sur la communication sociale de 1990.
Après l’appel des médias « pour le maintien de la paix avant, pendant et après les élections »,
le ministre de la Communication, Issa Tchiroma Bakary vient d’ajouter
une corde à son arc. Dans un communiqué de presse diffusé sur les ondes
de la Cameroon radio and television (Crtv), «le porte-parole du gouvernement»
brandit une nouvelle menace contre les opérateurs du secteur
audiovisuel. A priori, le ministre de la Communication demande aux
entreprises qui exercent des activités de communication audiovisuelle
sans son autorisation préalable, de mettre un terme à celles-ci. Des
menaces qui n’excluent pas les autres entreprises du même secteur.
La
correspondance du ministre de la Communication précise également à
l’endroit des opérateurs détenteurs des documents autorisant leurs
activités que, «conformément aux dispositions du décret N° 2000/158
du 03 avril 2000 et la décision N°006/ Mincom du 14 avril 2010 portant
d’une part, sur les modalités de création et d’exploitation des
entreprises privées de communication audiovisuelle et d’autre part, sur
le respect des normes techniques et déontologiques», que leurs activités en période électorale sont réglementées par les textes en vigueur.
Sans grande précision, le communiqué de Issa Tchiroma fait savoir que «nulle autre entreprise n’est habilitée à couvrir les campagnes des candidats et à diffuser leurs spots.»
Allusion à l’exclusivité que le gouvernement entend accorder à la
chaîne à capitaux publics ? Pour sûr, la correspondance du Mincom
s’attaque également à l’activité des télédistributeurs au cours de cette
élection présidentielle. Selon Issa Tchiroma Bakary, les opérateurs de
cette catégorie ne sont autorisés à diffuser que «des programmes
des chaînes étrangères reçus par satellite ou tout autre moyen
technologique, ainsi que ceux des opérateurs nationaux, diffuseurs en
radio ou Tv conventionnelles, sur présentation expresse d’un document
délivré par le ministre de la Communication, autorisant leurs
activités.»
Au final, le Mincom précise que «tout
manquement aux présentes dispositions expose les contrevenants aux
sanctions prévues par les textes en vigueur, notamment la suspension de
l’activité, le démantèlement des réseaux et/ ou la confiscation des
équipements.» Des mesures que les délégués régionaux sont chargés de l’application.
Les
dispositions prises par le ministre de la Communication interviennent
quelques mois après les menaces proférées à l’endroit des propriétaires
de radios et télévisions. Lors de la célébration de la journée mondiale
de la liberté de la presse, Issa Tchiroma Bakary précisait déjà que
seuls les médias qui se conformeraient aux exigences du gouvernement
seraient considérés comme d’utilité publique. En outre, les dernières
mesures prises par le Mincom rentrent en contradiction avec la loi du 19
décembre 1990 sur la communication sociale. Une loi qui assujettit les
médias d’Etat seuls à des dispositions particulières en périodes
électorales, du fait de la nature de leur financement public.
Ce que prévoit la loi
Dans l’article 34 de la loi sur la communication sociale, peut lire « (1) Dans chaque commune, le maire désigne par arrêté les lieux autres que les bâtiments et lieux publics destinés à l’affichage des lois et des autres actes des autorités administratives. Il est interdit d’y placarder des affiches particulières. (2)Les professions de foi, circulaires et affiches électorales ainsi que les affiches à caractère culturel peuvent être placardées sur les emplacements réservés autre que ceux visés à l’alinéa précédent».
Article 39 «Un ou plusieurs établissements publics ou sociétés nationales, créées et organisées par décret, peuvent être chargés de l’exploitation du secteur public de la communication audiovisuelle»
Article 40 : «En tant que de besoin, il peut être institué des redevances en vue du financement des établissements publics ou des sociétés nationales de radiodiffusion sonore et de télévision du secteur public».
Article 41 : « (1) un temps d’antenne est accordé à la radiodiffusion sonore et à la télévision publique aux partis politiques. (2) Les modalités d’intervention des partis politiques représentés à l’Assemblée nationale dans le cadre du droit de réplique et de l’expression des partis politiques prévus à l’alinéa 1 du présent article sont définies par voie réglementaire après avis du conseil national de la communication».
Article 42 : «Il ne peut être attribué plus d’une licence à une personne physique ou morale en vue de la création ou de l’exploitation d’une entreprise privée de communication audiovisuelle».
Article 43 : «Aucune personne physique ou morale ne peut être
propriétaire, en même temps, de plus d’une entreprise de communication
audiovisuelle et d’un organe de presse.»
Article 44 : «Il
est interdit de prêter son nom de quelque manière que ce soit à toute
personne qui se porte candidate à la délivrance d’une licence de
création et d’exploitation d’une entreprise de communication
audiovisuelle».
Article 45 : «Les actions représentant le capital d’une
entreprise relevant du secteur privé de la communication audiovisuelle
sont nominatives»
Joseph OLINGA