Au lendemain de son inénarrable éviction de la course sénatoriale, le député du Mayo Sava manifeste un éhonté retour de flamme pour le perchoir de la chambre basse du parlement. Seulement, dans sa région d’origine, on n’en a ras-le-bol d’une longévité stérile.
Sauf coup de théâtre, Cavaye Yeguié Djibril rempilera pour la 21ème année d’affilée à la présidence de l’Assemblée nationale (An). Son entourage laisse entendre, non sans vantardise, que la plus haute hiérarchie du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) aurait donné des instructions dans ce sens. Des informations qui restent toutefois à confirmer, quand on sait que l’actuel secrétaire général du comité central du Rdpc, Jean Nkueté, n’aurait apparemment pas encore oublié l’humiliation à lui subie par son camarade du parti, Cavaye. Lequel l’avait fait siffler à l’hémicycle au plus fort de la polémique sur le management de la Société de développement du coton(Sodecoton).
Nkueté était alors ministre de l’Agriculture. Maîtrisant son sujet, le Minader avait alors soutenu que cette société étatique était bien gérée, contrairement à Cavaye étiqueté comme un intrigant qui voulait sauter sur l’occasion pour nuire à Iya Mohammed, le directeur général de la Sodecoton. Plusieurs observateurs politiques pensent que le Sg du Comité central du Rdpc ne se ferait pas prier pour assener le coup de grâce à la carrière politique du député de Mayo Sava, désormais sur le fil du rasoir. Néanmoins, le dernier mot revient à Paul Biya, unique et grand patron du Rdpc, formation ultra dominante à l’A.N. Cependant, l’intronisation annoncée de Cavaye à l’Assemblée ne va pas sans déclencher grincements de dents et rejets farouches jusque dans le Grand Nord (vaste ensemble géographique comprenant les régions de l’Adamaoua, du Nord et de l’Extrême-nord, Ndlr). Celui-ci y conserve une impopularité record.
Fait rare.
La semaine dernière, Paul Biya, en personne, douchait les appétits du président sortant de l’Assemblée nationale pour le scrutin sénatorial du 14 avril. Sans qu’on sache quelle mouche l’a piqué, Cavaye Yeguié Djibril s’est cru autorisé d’échanger, comme s’il s’agissait d’un vulgaire morceau de tissu, son écharpe de député contre un siège de sénateur. Mal lui en a pris. L’ambitieux, qui selon des langues acérées, convoitait in fine la présidence du Sénat qui le maintiendrait dans le protocole comme la deuxième personnalité de la République, n’aura récolté au final que déconvenues, humiliations et railleries de toute la classe politique nationale.
Cependant, le mal-aimé de Tokombéré (dans l’Extrême-Nord) pourrait ne plus essuyer pareille volée de bois vert et voir son élection à la tête du palais des verres, passer comme une lettre à la poste d’autant plus que l’opposition y est minoritaire et que, discipline du parti oblige, les députés du Rdpc n’auront pas d’autres choix que sa personne. L’élection est prévue pour cette semaine, si ce n’est dans les prochaines heures. Une fois le président et le bureau de l’Assemblée installé, les travaux proprement dits devront commencer avec l’arrivée et l’examen des projets de lois, ou chose rare, avec des propositions de lois et bien d’autres activités inhérentes à la session ordinaire du mois de mars.
A en croire une élite nordiste, assez représentative de sa région, le septentrion ne veut plus non seulement de Cavaye Yeguié Djibril qui au passage, est honni pour s’être plus investi dans l’ascension sociale des membres de sa nombreuse famille que dans le rayonnement du Grand Nord, mais aussi de la présidence de l’Assemblée nationale «qui avec l’avènement du Sénat n’est plus loin d’une fonction honorifique.» Parmi les personnalités nordistes, on ne cache pas sa préférence pour la primature perdue au début des années 90 au profit de l’élite anglo-saxonne, tout comme l’on ne ferait pas la moue si dans le jeu d’équilibre régional, les manettes du Sénat revenaient à un fils du septentrion, «quelle que soit sa région d’origine», fait bien de préciser notre source.
Mais l’équation ne semble pas aussi simple. D’autres régions, parmi les plus insoupçonnées, montent sourdement des voix pour faire valoir que le Grand Nord n’a pas vocation à partager seul le privilège de voir un de ses fils dans la peau du successeur intérimaire du président de la République. En marge de ce débat que les uns et les autres refusent d’assumer publiquement, des analyses politiques imaginent la présidence du Sénat se déporter dans l’une des régions anglophones. Auquel cas, dans quelle main tomberait la primature ? That is the question. Une chose est sûre : Paul Biya a la réponse à toutes les interrogations, et avec lui les surprises ont toujours été de la partie !