Pr Ndiva Kofélé Kalé: Pourquoi Marafa doit être libéré
Les
arguments juridiques de l’avocat de l’ex-Sgpr, militant du Sdf. Les
curiosités d’une affaire aux relents de règlement de comptes politiques.
Ndiva Kofele Kale, une stature internationale pour un procès spécial.
L’avocat de Marafa Hamidou Yaya, ministre dans le Shadow cabinet du Sdf
en raccourci.
Marafa Hamidou Yaya est-il un détenu de trop dans
la longue liste des prisonniers d’élites du président Biya? A situation
exceptionnelle, solution exceptionnelle. L’ancien ministre d’Etat aurait
pu se faire entourer de conseils expatriés constitués par ses amis
français ou américains qui ont marqué le coup à l’annonce de son
arrestation. Il a choisi, non pas un ténor du barreau camerounais, mais
un universitaire de haut rang, spécialiste de la lutte contre la
corruption, dont les travaux font autorité dans le monde entier : Ndiva
Kofele Kale.
Ce nom porte la charge émotionnelle du peuple Bakweri, que l’on retrouve en majorité dans le Sud-ouest, autour du Mont Cameroun et sur le bord de l’océan atlantique, de Buea à Limbe, en passant par Bakingili, Idenau, Bimbia etc. Dans le cadre du processus de transfert de la gestion de la Cameroon development corporation (Cdc) à des opérateurs privés, regroupés au sein d'une association socioculturelle dénommée Bakweri's land claims commettee (Blcc), les Bakweri ont multiplié les démarches sur le plan international pour la reconnaissance de leurs droits devant la Sous-commission chargée des minorités à la commission des Nations unies. Avocat de sa communauté, le Pr. Ndiva Kofele Kale, la cinquantaine, était à Genève où il a présenté les exigences en ces termes : « Si la lutte pour nos terres est mauvaise, Qu'est-ce que le droit? »
Ministre dans le Shadow cabinet du Sdf, ce Camerounais du mont Fako
est sur plusieurs fronts. Le dossier Marafa désormais sur sa table de
travail est l’aiguillon qui va lui permettre d’étayer devant les juges
son intime conviction sur un homme qu’il connait depuis 20 ans. « Pour
ma part, je prends position aux côtés de M. Marafa : un monsieur décent
et honorable, que je connais voici plus de deux décennies, aux
Etats-Unis pour la première fois et puis au Cameroun. Au fil des années,
notre amitié est allée au- delà de nos divergences politiques. Après
avoir consacré vingt années de ma vie professionnelle à la recherche, à
l’écriture, et à travailler comme consultant dans le monde entier, sur
des questions liées à la corruption dans les milieux d’Etat et sur des
crimes économiques, je devrais être en mesure de reconnaitre un criminel
économique : M. Marafa n’en est pas un ! Au cours des jours et mois à
venir nous allons vous le prouver ».
Notification rapide
Personne ne doute que le procès Marafa, s’il a lieu un jour, va devenir le procès d’une République minée par la corruption, dans un Etat de non droit, où des personnalités présumées innocentes sont enfermées dans des cellules de haute sécurité, comme de dangereux agresseurs.
Kofele Kale a donné le ton lors d’un point de presse à Buea :
« Tout en veillant de près au respect des droits de notre client à une procédure équitable, la défense s’attaquera également aux accusations criminelles, au cas où il y en aurait, qui seront lancées contre M. Marafa Hamidou. En conséquence, la défense montera une défense vigoureuse et agressive contre chaque chef d’inculpation ; contestant à chaque étape les faits présumés et les arguments juridiques appuyant chaque chef d’inculpation. Je n’exagère point lorsque j’affirme que les yeux du monde sont rivés sur le Cameroun, suivant le déroulement de l’enquête menée contre le Ministre Marafa Hamidou Yaya. Il faut dire qu’il y a une bonne raison à cela : au cours de la dernière décennie environ le Cameroun s’est distingué comme l’un des pays les plus corrompus au monde. Par conséquent, ce n’est que logique que l’opinion publique internationale soit pressée de savoir si ces arrestations spectaculaires et détention de hauts responsables, pour des actes présumés de corruption et de détournement de deniers publics, sont une mise en scène sans fond ou si, comme dans le cas du Ministre Marafa, celles-ci cachent quelque chose de plus sinistre : un complot machiavélique macabre pour écarter de l’échiquier politique un homme d’Etat charismatique et visionnaire, par tous les moyens nécessaires ! »
Le Professeur Ndiva Kofele Kale, pour les besoins de la cause, émarge
à l’Etude Motande à Buea. A la tête d’une batterie d’avocats offerts
par le Sdf pour défendre un éminent membre du Rdpc, il compte exiger de
la Justice des garanties procédurales pour son client et les autres,
dont «le droit à la présomption d’innocence jusqu'à preuve
de sa culpabilité avec le ministère public portant la charge de prouver
la culpabilité de M. Marafa « au delà de tout doute raisonnable », la
plus haute norme de preuve en matière de règle de preuve ; son droit à
une notification rapide de la nature des charges retenues contre sa
personne ; son droit à être jugé sans retard déraisonnable ».
Sauver la tête de l’ami
L’auteur de "Présumé Coupable: un équilibre entre droits et intérêts concurrents dans la lutte contre les crimes économiques," texte de référence paru dans L'avocat international, une revue spécialisée, est titulaire Ph.D. 1974, de la Northwestern University. Le Professeur Kofele-Kale a été professeur invité de droit à Smu et à la faculté de droit de l'Université du Tennessee, aux Etats-Unis. Rédacteur en chef adjoint de l'avocat international de 1990 à 1996, il donne des cours dans les domaines du droit international public et privé.
Nommé "Professeur Emérite des Universités" par ses pairs de la Southern Methodist University de Dallas, à son actif, il compte plusieurs contributions scientifiques et livres tels que « Droit international de la responsabilité pour les crimes économiques: agents de l'Etat du portefeuille, individuellement responsables pour leurs actes d’enrichissement frauduleux», 2e édition (Aldershot: Ashgate, 2006). Parmi ses travaux scientifiques, on peut retenir : «La corruption et la spoliation économique; la corruption et les droits de l'homme en Afrique» ; Blanchiment de capitaux et la fuite des capitaux ; Dette-currency swaps: une approche créative à la récupération et le rapatriement des fonds spoliés ;"Internationales instruments anti-corruption: La Convention des Nations Unies contre la corruption» ; etc.
L’avocat Ndiva Kofele Kale réussira t-il à sauver la tête de son ami et aujourd’hui client? Tout dépendra du rapport de force qu’il pourra instaurer dans ce procès pas comme les autres. Tant sur le plan judiciaire que relationnel, le professeur Kale et son équipe pensent donner de la voix à l’intérieur comme à l’extérieur, afin que le droit soit dit en dehors de toutes ingérences politiques. Mais s’agit –il encore du droit et de la justice ? La personnalité de Marafa Hamidou Yaya, celle de son avocat, mais aussi le combat à mort engagé entre Biya et son prisonnier sonne comme le round de vérité pour lequel, de l’opération Epervier à Albatros, rien ne sera plus comme avant…
Edouard Kingue
Pourquoi Marafa doit être libéré (*)
J'ai rédigé cette note après avoir lu la copie du mandat de détention provisoire faxé à mon bureau cet après-midi par Same Ngosso. Si j'avais été au courant de ce document avant , j’aurais rédigé mon communiqué de presse du 26 mai différemment. Espérons que cette note de service aidera à orienter les discussions en cours sur le transfert de l'accusé d'une prison civile à une installation militaire.
Transfert de Marafa Hamidou Yaya de Kondengui aux installations du Sed
Dans
les premières heures de la soirée du vendredi, 25 mai 2012, le ministre
Marafa Hamidou Yaya, a été brusquement sorti de sa cellule à la prison
centrale de Yaoundé, Kondengui-où il est détenu depuis le 16 Avril, 2012
et transféré à la Sed (Secrétariat d'Etat à la défense) à Yaoundé.
Ce transfert viole les articles de diverses dispositions du Code de procédure pénale (Cpp) qui énoncent la nature, la forme et les conditions qui donnent lieu à un mandat de détention provisoire. Dans le cadre du Cpc un mandat de détention provisoire est établi en double exemplaire. Un original et une copie (article 220 (1). L'original et la copie sont alors "envoyés pour exécution au directeur de la prison qui doit conserver la copie dans le dossier du détenu et immédiatement retourner l'original à la juge d'instruction avec une déclaration selon laquelle elle a été exécutée."
En outre, le juge d'instruction doit nécessairement « préciser la période de mise en détention provisoire dans le mandat de détention provisoire » qui « ne doit pas dépasser six (6) mois » (article 221 (1)).
Le mandat de détention provisoire
émis par le juge d'instruction Pascal Magnaguémabé le 16 Avril 2012
contre le ministre d'État Marafa Hamidou Yaya a trois problèmes majeurs.
Premièrement,
l'article 218 (1) de la Cpc recommande que le juge d'instruction
ordonne d'abord signifier la charge du prévenu avant de délivrer un
mandat de détention provisoire.
Que l'article 218 (2) prévoit que le juge d'instruction, peut, à tout moment après la charge , mais avant l'ordonnance de renvoi, 'émettre un mandat provisoire contre lui ...."
Cela n'a pas été fait ici. Le mandat provisoire du 16 Avril ne charge pas Marafa de la commission d'un crime (s) que l'article 218 (2) exige.
Le mandat se réfère simplement à une enquête préliminaire ouverte contre Atangana Mebara Jean Marie, Otélé Essomba Hubert Patrick Marie, Jérôme Mendouga, Yves Michel Fotso, Kevin Murs Joseph et d'autres, mis en examen pour "détournement de deniers publics en coactions et Complicité», mais reste muet à l'égard de crime que Marafa peut avoir commis.
En outre, l'article 218 (2) prescrit
la délivrance d'un mandat de détention provisoire que lorsque
l'infraction, l’inculpé est accusé et passible d'une privation de
liberté.
Sans accusations portées contre le ministre d'Etat Marafa,
on est pas en mesure de savoir si nous avons affaire à une infraction
qui est «passible d'une privation de liberté." Dans ces
circonstances, le juge d'instruction n'avait aucune raison d'émettre un
mandat de détention provisoire contre le prévenu.
Enfin, le placement en détention provisoire, qui est basé sur le mandat de détention provisoire ne satisfait pas aux dispositions de l'article 218 (1) de la Cpc. Cette section reconnaît un placement en détention provisoire comme une mesure exceptionnelle devant être prise que dans les circonstances suivantes bien définies: (a) de conserver les preuves (sans doute pour une éventuelle comparution); (b) pour le maintien de l'ordre public; (c) pour protéger les vies et les biens, ou (d) d'assurer la comparution d'un accusé devant un juge d'instruction.
Pour commencer, il y a la gravité de l'infraction qui détermine si l'application de la mesure exceptionnelle prévue à l'article 218 (1) est nécessaire. Mais sans accusations portées contre le prévenu dans le mandat provisoire du 16 Avril, il est difficile de deviner sur quelle base le juge d'instruction a invoqué une telle mesure exceptionnelle contre le ministre d'Etat Marafa.
En outre, les conditions qui déclenchent une mise en détention provisoire, au sens de l'article 218 (1) de la Cpc, sont jetées dans la disjonctive, aucune d'entre elles, cependant, ne s'applique sur le cas du ministre Marafa . On devra recourir aux services d'un marabout pour savoir comment l'incarcération de M. Marafa, d'abord dans une prison civile ferme et maintenant dans une gendarmerie , "préserve la preuve", pour le procès ou la façon dont son maintien en détention contribue au maintien de l'ordre public ou à la protection de la vie (dont la vie?) et de la propriété (de qui?).
Tout aussi important à noter est que
le ministre Marafa n’a pas commis de vol et n'a pas besoin d'être
enfermé dans une prison afin de garantir sa comparution devant un juge
d'instruction. Le dossier public est sans ambiguïté et que c'est le
détenu lui-même qui a insisté et persisté pour avoir son jour de
comparution devant le tribunal afin de préserver sa honorabilité et
aussi de supprimer toute idée de suspicion planant au-dessus de sa
réputation jusqu'ici sans tache. Pourquoi alors pourrait-il fuir?
Transfert le 25 mai:
Nous
fixons maintenant l'attention sur le transfert du 25 mai du ministre
d'État Marafa au Sed. Cette attitude démontre les défauts que j'ai
déjà identifiés dans le mandat de détention provisoire du 16 Avril 2012.
Conformément aux dispositions de l'article 220 (2), le mandat
provisoire du 16 Avril identifie la prison où le prévenu doit être
placé en détention provisoire. Le mandat précise également la période où
le défendeur doit être maintenu en détention. Il ordonne expressément «l’administrateur
de ladite prison de recevoir et de le maintenir en détention jusqu'au
16 Octobre 2012," une période qui "ne peut excéder six (6) mois» tel que prescrit par l'article 221 (1) de la Cpc.
La
prison précisée dans le mandat est la Prison centrale de Yaoundé
Kondengui et le transfert de la partie défenderesse au Sed viole les
termes du mandat provisoire et de l'article 220 (2) de la Cpc. Sed
n'est pas Kondengui ! Le Cpc le prévoit au centre de détention sous
contrôle civil et non militaire!
Pour les motifs qui précèdent, nous
croyons que le ministre d'Etat Marafa Hamidou Yaya doit être
immédiatement remis en liberté en conformité avec les dispositions de
libération sous caution énoncées aux articles 224 (1) et 246 (g) du Code
de procédure pénale
Dans les premières heures de la soirée du
vendredi, 25 mai 2012, le ministre Marafa Hamidou Yaya, a été
brusquement sorti de sa cellule à la prison centrale de Yaoundé,
Kondengui où il est détenu depuis le 16 Avril 2012 et transféré au Sed
(Secrétariat d'Etat à la défense) à Yaoundé.
Ce transfert viole les articles de diverses dispositions du Code de procédure pénale (Cpp) qui énoncent la nature, la forme et les conditions qui donnent lieu à un mandat de détention provisoire. Dans le cadre du Cpc un mandat de détention provisoire est établi en double exemplaire: un original et une copie (article 220 (1) L'original et la copie sont alors envoyée pour exécution au directeur de la prison qui doit conserver la copie dans le dossier du détenu et immédiatement retourner l'original au juge d'instruction avec une déclaration selon laquelle le mandat a été exécuté.
En outre, le juge d'instruction doit nécessairement «préciser la période de mise en détention provisoire dans le mandat de détention provisoire» qui «ne doit pas dépasser six (6) mois» (article 221 (1)). Conformément aux dispositions de l'article 220 (2), le mandat provisoire du 16 avril identifie la prison où le prévenu doit être placé en détention provisoire.
Le mandat précise également la période où le défendeur doit être maintenu en détention. Il ordonne expressément «l’administrateur de ladite prison de recevoir et de le maintenir en détention jusqu'au 16 Octobre 2012," une période qui "ne peut excéder six (6) mois» tel que prescrit par l'article 221 (1) de la Cpc.
La prison précisée dans le mandat est la Prison centrale de Yaoundé Kondengui et le transfert de la partie défenderesse à la Sed viole les termes du mandat provisoire et de l'article 220 (2) de la Cpc. Le Sed n'est pas Kondengui! Le Cpc le prévoit au centre de détention sous contrôle civil et non militaire!
Pour les motifs qui précèdent, nous croyons que le ministre d'Etat Marafa Hamidou Yaya doit être immédiatement remis en liberté en conformité avec les dispositions de libération sous caution énoncées aux articles 224 (1) et 246 (g) du Code de procédure pénale.
Pr Ndiva Kofele Kale
*Le titre est de la rédaction