Pr Laurent Zang : « Paul Biya était très à l’aise avec Jacques Chirac »

Écrit par Icicemac | Yaoundé
Dimanche, 02 Janvier 2011 05:04

Les relations entre le président François Mitterrand et le président Paul Biya étaient excellentes. François Mitterrand a été très utile dans la transition qui s’est passée en 1982. Il y a joué un rôle très important. Je ne veux pas rentrer dans les détails. Mais, l’histoire est bien connue. Pendant cette période où le président Mitterrand était au pouvoir, le président camerounais a effectué plusieurs visites en France. Et c’est à cette occasion qu’il a déclaré que le Cameroun est le meilleur élève de la France.

 

Internationaliste et enseignant à l’Iric, il analyse les relations du président camerounais avec les différents présidents français.


Pourquoi, sous l’ère Mitterrand, le président Paul Biya avait-il déclaré être le meilleur élève de la France ?
Je veux bien croire que cette déclaration concernait la démocratie au Cameroun et en Afrique. Le président Paul Biya voulait démontrer qu’il n’avait pas de problème au Cameroun en ce qui concerne la démocratie, d’autant plus qu’il l’avait lancée dans son pays.

Quel genre de relations Paul Biya a-t-il entretenues avec François Mitterrand?

Les relations entre le président François Mitterrand et le président Paul Biya étaient excellentes. François Mitterrand a été très utile dans la transition qui s’est passée en 1982. Il y a joué un rôle très important. Je ne veux pas rentrer dans les détails. Mais, l’histoire est bien connue. Pendant cette période où le président Mitterrand était au pouvoir, le président camerounais a effectué plusieurs visites en France. Et c’est à cette occasion qu’il a déclaré que le Cameroun est le meilleur élève de la France. Cela veut tout dire entre la France et le Cameroun sous l’ère Mitterrand. Je crois que les relations entre les deux présidents étaient excellentes.

Quel est le regard que vous portez sur les relations Chirac-Biya ?

Jacques Chirac et Paul Biya sont de la même génération. Ils ont pratiquement le même âge. Ils se sont très bien entendus. Comme témoignage, au cours d’une visite du président Chirac au Cameroun, la mort du souverain chérifien est survenue. Il a interrompu sa visite camerounaise, est parti avec le président Paul Biya assister aux obsèques de Hassan II. Mais, il est revenu au Cameroun achever la visite qu’il avait entamer. Pendant cette visite, il ne s’est pas arrêté à Yaoundé. Il est allé à l’intérieur du pays, à Garoua notamment. Cela traduit bien que le président Biya et le président Chirac s’entendaient parfaitement.

C’est également sous l’ère Chirac que la Françafrique a connu un essor particulier…

Le président Chirac avait une connaissance particulière de l’Afrique et avait un amour pour l’Afrique. Il faut le reconnaître. Il a entretenu avec les chefs d’Etat africains des relations comparables à celles que le général De Gaulle avait entretenues avec les chefs d’Etats africains de l’époque. La Françafrique, quant à elle, a prospéré pendant cette période, parce que c’est l’époque où il y a eu beaucoup de scandales économiques dans les relations franco-africaines.

Quelle lecture faites-vous de la relation actuelle entre Paul Biya et Nicolas Sarkozy quand on sait que celui-ci avait prôné et prône la rupture ?

Je pense que ces relations se sont normalisées aujourd’hui. Mais au moment où Nicolas Sarkozy accédait au pouvoir en France, ses déclarations n’étaient pas pour rassurer les présidents africains, y compris notre chef d’Etat, Paul Biya. Il avait notamment dénoncé ces chefs d’Etat africains qui s’accrochent au pouvoir sans les nommer. Mais on voyait bien que parmi ces chefs d’Etats se trouvait éventuellement le nôtre qui a déjà une certaine longévité au pouvoir. Après voir parlé de la rupture pendant sa campagne présidentielle et même au début de son mandat, on a l’impression que le président Sarkozy a mis un peu d’eau dans son vin. Aujourd’hui, il s’est accommodé des relations franco-africaines, peut être pas tout à fait la Françafrique d’antan, mais il a compris quel était l’intérêt de la France en Afrique. Je pense qu’il n’a pas suivi certaines de ses sirènes qui présentaient l’Afrique comme un poids pour la France. Aujourd’hui, il sait que l’Afrique représente un intérêt important pour la France en tant que source de matières premières (pétrole, diamant, uranium, etc,) mais aussi en tant que marché. L’Afrique aura bientôt 900 millions d’habitants.

Il faut tout de même noter que malgré l’invitation du président Paul Biya, Sarkozy n’est pas encore venu au Cameroun…

C’est un choix du président français d’aller ici ou là, selon son bon vouloir et selon les relations particulières qu’il entretient avec les pays. Il n’est pas venu personnellement au Cameroun, mais il a envoyé son Premier ministre. Je crois que c’était une représentation d’un très haut niveau. On ne peut pas désespérer que le président Sarkozy visite le Cameroun très bientôt. J’imagine que pendant la visite officielle actuelle, le président Biya lui adressera à nouveau une invitation.

Certains observateurs interprètent cela comme un reniement de la longévité au pouvoir et même d’une certaine tension. Qu’en pensez-vous?

Comment peut-on parler de tensions alors que notre président se trouve actuellement en visite officielle en France ? Je pense que les relations entre nos deux pays sont au beau fixe. Une visite officielle n’est pas une visite privée, ni une visite de travail. Cette visite est entourée de tous les fastes protocolaires nécessaires. Ce qui montre que les relations entre nos deux pays sont excellentes. Je crois que c’est un détail, le fait que Sarkozy ne soit pas encore venu au Cameroun.

De tous les présidents français que Paul Biya a connus en tant que président du Cameroun, quel est celui qui a véritablement été son ami ?

C’est difficile de répondre à cette question, mais j’ai senti que le président Biya était très à l’aise avec le président Jacques Chirac. Ce sont des congénères, ils sont de la même génération, ils s’entendaient parfaitement. Ils se sont d’ailleurs connus bien avant que l’un et l’autre ne deviennent présidents. Le président Chirac a effectué plusieurs voyages au Cameroun, de même que le président Biya en France pendant cette époque. Je crois que leur amitié était vraiment sincère.



02/01/2011
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