Les récentes décisions du président national apportent des changements dans le fonctionnement de ce parti.
Les cinq décisions du président du Rdpc, Paul Biya, signées le 11 septembre dernier sont loin d’être banales pour la vie de ce parti politique. Si elles sont appliquées, elles vont impacter non seulement sur le fonctionnement, mais aussi sur la vitalité de la démocratie camerounaise encore embryonnaire. Le Rdpc étant constitué au niveau de sa hiérarchie de l’élite économico-administrative, les chamboulements contenus dans ces décisions auront de lourdes répercussions sur le paysage politique du Cameroun.
La première chose à retenir c’est que désormais, le Rdpc calque ses démembrements territoriaux sur le modèle des unités administratives. En d’autres termes, dorénavant, il y aura un délégué dans chacune de nos dix régions, un délégué départemental dans chaque département. Leur rôle ? «Coordonner les activités du parti dans ces circonscriptions administratives », explique Christophe Mien Zock, membre du comité central du Rdpc. Ces responsables seront nommés par le président national du parti, Paul Biya.
Selon des sources, ces nominations interviendront d’ici la fin de cette année. Christophe Mien Zock le confirme à demi-mot en indiquant que le parti célébrera son anniversaire, le trentième, en mars prochain « avec du sang et des habits neufs ». Sur quel critère Paul Biya vat- il se baser pour désigner les dix régionaux et les 58 délégués départementaux ? Le militantisme ? Peut-être. L’on sait au demeurant que ceux qui viennent d’être sanctionnés sont hors course.
L’enjeu est donc de taille dans la mesure où ces représentants du comité central seront ni plus ni moins que des « Jean Nkueté locaux », avec l’influence que cette innovation entraine. Le patron du Rdpc dans une région est une personnalité de premier plan en termes de décisions. L’importance d’un tel poste, on le sait, réside dans la capacité de son titulaire à décider de qui doit être qui dans les postes électifs et même nominatifs. Et, à l’image du comité central, véritable boîte d’influence, les démembrements territoriaux seront en fait une déconcentration de cette influence à l’échelle régionale et départementale.
Au plan politique et c’est l’avantage de ces décisions ; l’on n’aura plus la confusion entretenue jusque-là au sein de ce parti. Confusion entre l’élite extérieure et les responsables du parti à la base. Des termes comme « personnalités ressources d’accompagnement, délégué du comité central chargé d’intensification des inscriptions, etc » vont en principe disparaître. Le simple fait d’être ministre ou Dg ne sera plus synonyme de patron du parti dans sa région d’origine. Il y aura un ordre hiérarchique. Et tant pis pour les rivalités entre élites.
Mais de l’avis de certains observateurs, cette innovation constitue une reculade du point de vue de la démocratie. Ces responsables locaux n’auront aucune légitimité parce que nommés par une personne, futelle président national- avec des critères subjectifs. Et ces responsables vont trôner au-dessus de personnalités élues, choisies par le peuple. Ne fautil pas craindre qu’un individu sorti de l’ombre par la force du décret vienne ouvrir une guerre de personnes et empêcher les élus de conduire leurs actions sur le terrain ? En tout cas, le climat de suspicions et de rivalités encore observables dans la quasi-totalité des circonscriptions renforce cette crainte.
Autre innovation contenue dans les récentes décisions de Paul Biya, la création de sections dans chaque arrondissement. Les présidents de ces instances seront élus. Ces décisions sont donc graves parce qu’elles plantent le décor de nouvelles batailles au sein de la grande famille du Rdpc. Dans cinq mois en principe, le parti va procéder à la désignation non pas seulement de 167 responsables de sections créées le 11 septembre dernier, mais au renouvellement des autres sections existantes. Mais en attendant, prévient Christophe Mien Zock, il sera question de « (re)définir le sommier des nouvelles et anciennes sections, d’assainir le fichier des militants ».
En fait, il s’agira de vendre les cartes aux militants. Reste donc à savoir si Paul Biya, habitué à prendre son temps, ne va pas classer ce dossier dans ses tiroirs. Car ces réformes sont attendues pour certaines depuis 1996, et pour d’autres depuis 2011. En attendant, les uns et les autres affutent leurs armes.