Pourquoi le parquet veut la condamnation de Marafa et Fotso

YAOUNDÉ - 29 Aout 2012
© Moïse Moundi | Le Jour

Son droit d’ainesse nous oblige à commencer par lui. L’intéressé a nié les faits qui lui sont reprochés étant entendu qu’il a refusé de se faire entendre à l’information judiciaire.

Marafa Hamidou Yaya: “La versatilité de cet accusé”

Son droit d’ainesse nous oblige à commencer par lui. L’intéressé a nié les faits qui lui sont reprochés étant entendu qu’il a refusé de se faire entendre à l’information judiciaire. A l’audience du 9 août 2012, l’accusé a confirmé les dépositions faites par lui à l’enquête préliminaire, qu’il ne connaissait pas Gia et que le virement de 29 millions de dollars revenait à Meva’a Meboutou ministre des Finances, contraires aux indications de l’intermédiaire financier Gia International.

Il a prétendu n’avoir donné aucune instruction, son rôle s’est arrêté à l’organisation d’une réunion et acté les décisions de chacun des participants. Il a ajouté que le BBj2 n’a pas été réceptionné parce que le ministre des Finances, Michel Meva’a Meboutou n’a pas respecté le contrat et que le nouveau Sgpr, Atangana Mebara a interrompu la réception du BBJ2. La faiblesse de cette défense trahit la versatilité de cet accusé. Au lieu de traiter directement avec Boeing, M. Marafa Hamidou Yaya, à qui le président de la République avait confié l’exclusivité de cette haute mission, a fait intervenir Yves Michel Fotso et un intermédiaire d’une identité douteuse, à qui il a fait virer 29 millions de dollars décaissés par la Société nationale des hydrocarbures. Lors de la déposition comme témoin, M. Marafa Hamidou Yaya, à l’enquête préliminaire, à l’époque des faits a déclaré: «L’intérêt du financement de Gia reposait sur le fait que Gia n’exigeait pas d’acompte initial mais plutôt une Stand By Letter of Crédit (Sblc)». Il se dégage des dépositions jamais contestées d’Otélé Essomba que contrairement à ce qu’affirmait Marafa, Gia n’avait jamais loué des avions à Indian Airways.


Contrevérité

Monsieur le président, toujours comme contre-vérité selon ses déclarations, c’est à la suite d’une séance de travail antérieure que le Sgpr a demandé a son vieil ami de venir exposer sur la structure Gia devant le ministre des Finances Michel Meva’a meboutou et l’état major particulier du chef de l’Etat. La précision du ministre des Finances trahie aisément la décision du choix de Gia. Nous voulons relever que de tous les débats ici, il n’est résulté nulle part que celui qui avait convoqué la réunion ou exposé sur Gia ai eu à suggérer le choix de Gia à l’assistance. On a discuté des modalités de paiement. En tant que collaborateur du président de la République, la mission lui a été confiée avec les prérogatives les plus larges. La nouvelle organisation du gouvernement renforçait les pouvoirs du secrétaire général de la présidence de la République. C’est dans l’exercice desdits pouvoirs qu’il a choisi ses hommes. Le choix de Gia comme intermédiaire était antérieur à la réunion et Yves Michel Fotso avait pour mission d’expliquer les mécanismes de paiement. Malgré son départ du secrétariat général, il a continué à marquer un intérêt quant à l’acquisition d’un avion présidentiel. Ceci est également constant à travers les comptes-rendus faits par Yves Michel Fotso, Adg de la Camair à M. Marafa, alors qu’il officiait comme ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation. Il n’y a aucun doute que Marafa était constamment informé de l’opération de l’acquisition d’un avion présidentiel. Seul à se défendre par tous les moyens, le Sgpr Marafa Hamidou Yaya impute l’initiative du virement des 29 millions de dollars au seul ministre des Finances Meva’a M’eboutou. Dans sa déposition à l’information judiciaire, on aurait fait croire au gouvernement qu’il y avait urgence. A la vérité, il n’y avait pas d’urgence, il s’est agit d’une mise en scène sagement préméditée, une tromperie astucieuse. Marafa est l’ayant droit économique à 100% de Colby Entreprise et de Nilas Holding. La flagrance découle de l’offre de Gia présentée au Sgpr, approuvée par lui et signée par Yves Michel Fotso qui exigeait avant le 28 août 2001, le déposit des 29 millions de dollars. Au bénéfice de ces contrevérités, l’accusé doit être retenu dans le box de l’accusation.


Assene Nkou: “Absence d'arguments à opposer”

Ancien promoteur d'une compagnie aérienne, cet homme d'affaire camerounais est accusé de complicité de détournement de deniers public. Entendu lors des enquêtes préliminaires, il a, depuis, pris fuite. C'est lui, selon l'accusation, qui a introduit la société Gia international auprès de Y M Fotso . Il était du reste le directeur général de cette société au Cameroun. Un mandat d'arrêt a été émis contre lui. Le procureur l'a cité alors qu'il déposait sous procès verbal lors de l'information judiciaire. Selon le Procureur, Assene Nkou a révélé qu'il a rencontré les dirigeants de Gia international lors d'un voyage en Afrique du Sud. L'homme d'affaire cherchait alors des partenaires pour lui permettre de renflouer la flotte de la Naccam. Il entend parler d'une société américaine, la Gia international, qui cherche des compagnies aériennes en Afrique qui voudraient acquérir des avions. Cette société promet offrir des facilités à ces compagnies. Assene Nkou entre en contact avec Gia qui lui fait comprendre qu'elle est spécialisée dans la location vente des gros avions. «Il pensait que la Naccam était la compagnie aérienne nationale. Je les ai détrompé», a dit le procureur en le citant.

«J'ai contacté Y M Fotso et lui ai parlé de Gia, il s'est montré intéressé, un rendez-vous a été organisé à mi juillet», a lu le procureur. Lors de la rencontre, YM Fotso a exprimé qu'il voulait acquérir trois avions pour sa compagnie la Camair. Il a aussi parlé d'un 4ème avion tout neuf, mais il a dit que pour celui-là, il n'avait pas le pouvoir de le commander. Il a dit qu'il devait d'abord consulter les personnes qui pilotaient le dossier.

«Assené Nkou a facilité l'acquisition du Bbj2. Il a perçu un million de dollars US de commission. Sa fuite atteste l'absence d'arguments à opposer à l'accusation qui l'accable», a conclu le procureur. Il a requis que l'accusé soit reconnu coupable de complicité de détournement des deniers public en coaction.


Yves Michel Fotso: “Entreprise en sous main”

Il est le deuxième accusé cité par le procureur de la République. «Pendant près de deux ans il a refusé de se faire entendre au fond à l'information judiciaire», a grondé le procureur. Le magistrat a fondé l'essentiel de son argumentaire quant à sa responsabilité sur les témoignages des témoins de l'accusation. Il a aussi abondamment parlé du Lease Purchase Comitment, ce contrat signé par l'accusé et les responsables de Gia international le 14 aout 2001. Y M Fotso, lors de son audition en tant que témoin au tribunal avait prétendu que par ce contrat Gia International reconnaissait la réception des 29 millions de dollars devant servir pour l'acquisition de l'avion présidentiel. Faux, a dit le procureur. Selon lui, en réalité, un accord mafieux avait été conclu entre Gia et l'accusé dès le mois de juillet en Afrique du Sud. A cette époque, la Camair avait deux avions en location vente. Les échéances arrivaient à expiration. YM Fotso n'avait pas d'argent pour honorer ses engagements avec Rothwell le loueur de ces avions. Selon le procureur, c'est à ce moment que l'Adg de la Camair fait intervenir Gia, une entreprise qu'il possédait en sous main. Elle lui sert d'interface. Il contacte son «ami de longue date», Marafa Hamidou Yaya. Celui-ci est, au moment des faits, le secrétaire général de la présidence de la République (Sgpr). Il est à ce titre forcément au courant d'un vieux projet dont il s'est ouvert à son « vieil ami ». Le procureur cite Assene Nkou qui, lors d 'une audition dans la phase des enquêtes préliminaires, a dit que lors de la première rencontre qu'il a organisé entre YM Fotso et les dirigeants de Gia en Afrique du Sud (Rsa), l'accusé était déjà à la recherche d'un avion. «Il a dit que ce n'était pas lui qui pilotait directement ce projet, qu'il devait d'abord contacter le responsable à la présidence de la République avant de reprendre contact avec Gia», a cité le procureur.


Blanchir 29 millions Us dollars

C'est à la suite de ce contact en Afrique du Sud que YM Fotso va faire un rapport à son ami. Ensemble, ils organisent une réunion. Ils présentent de concert au ministre de l'Economie et des Finances, le projet de l'acquisition de cet avion pour les déplacements du chef de l'Etat comme éminemment urgent. «Il s'agit en effet d'une mise en scène savamment préméditée», insiste le procureur, pour qui, YM Fotso est l'auteur d'une vaste fumisterie. «Il est l'une des quatre personnes à avoir leur signature à Gia. Il possède 80% de Sterling Air Service et Marafa 20%», a affirmé le procureur. Cette dernière société, a-t-il dit en citant des informations de la Bnp Paribas de Paris, où elle a ouvert un compte le 07 juin 2000 a été créée le 17 mars 2000, son objet est l'achat et la location des avions. Elle possédait un avion acheté à la Camair et était en cours de négociation pour en acquérir un second. C'est par cette structure qu'ils possèdent ensemble que YM Fotso va blanchir les 29 millions de dollars qu'ils ont détournés. Ils ont acheté deux avions, avec l'argent de l’avion présidentiel. Ils les ont loués à la Camair. Celle-ci, dirigée par Ym Fotso a reversé pour la période allant de novembre 2002 à avril 2003 la somme de 5.921.179,50 dollars US. La part de Marafa dans cet argent: 1.150.000 dollars s'est un moment retrouvée dans le compte Cbc de Marafa. Avant que les autorités Suisse, pays où s'est faite la transaction, l'aie trouvée louche. L'ordre de transfert a alors été annulé. «Y M Fotso a expliqué par la suite qu'il s'agirait d'un montant versé dans un compte de cantonnement», a ironisé le procureur.

«Marafa ne peut justifier comment son numéro de compte s'est retrouvé entre les mains de ceux qui manipulaient les 29 millions querellés et ne pas les connaître», a t-il poursuivi. Y M Fotso, selon le procureur rendait compte à l'instant de toutes ses actions dans le cadre de cette opération à son ami Marafa.


Julienne Kounda, ex -dga Cbc: “Transactions douteuses”

L’ex-directrice adjointe de la Commercial Bank of Cameroon est accusée de détournement de deniers publics et coaction de détournement. Julienne Kounda a nié les faits de coaction de détournement tant à l’information judiciaire que devant votre Tribunal. Nous avons entendu des questions ici au tribunal, Madame Kounda que faites-vous là? Elle sait pourquoi. Elle a bâti sa défense sur les déclarations tout azimut. Elle a déposé comme témoin avant d’être inculpée plus tard. Elle a révélé que c’est elle qui a ouvert le compte de Beith Limited à la Cbc. Une ouverture qui s’est faite sans aucun respect de la réglementation en matière d’ouverture de compte, à savoir la présence effective du client, le dépôt des photos d’identité, le dépôt de signature, le rapport de localisation de la structure, le statut et l’identification de la personne à mouvementer le compte. Tout ce qu’elle faisait était d’une irrégularité criarde, elle le savait bien. Dame Kounda dans sa déposition sur les opérations peu orthodoxes était en accord avec le directeur général de la Cbc. Celle-ci doit être retenue pour son implication dans la gestion frauduleuse des 16 millions de dollars virés à la Cbc pour le compte de Beith Ltd dont l’ayant droit économique est Yves Michel Fotso. De tout ce qui précède, il apparaît que la Commercial Bank of Cameroon était la plaque tournante des transactions douteuses.


Jean Louis Chapuis et Genéviève Sandjon: “Fuite après leur audition”

Ex- cadre à la Cbc accusés de détournement et coaction de détournement, ces témoins à l’information judiciaire ont pris la fuite après leur audition. C’est la raison pour laquelle nous exigeons leur rétention dans le cadre de l’accusation. Leur soustraction est la preuve de leur incapacité à répondre aux accusations du ministère public.


Votre avis: Que pensez-vous des réquisitions du parquet contre Marafa et Fotso?


“Des faits nouveaux révélés”: Christophe Bobiokono, journaliste

Ces réquisitions m'ont un peu surpris parce qu'il y a des faits nouveaux qui ont été révélés. Le ministère public est entré en détail sur certains faits graves, notamment des liens d'affaires entre les accusés Maraf et Fotso. Ces liens tels que présentés par le ministère public concernent la société Sterling air service dont on savait l'existence que l'accusé Fotso a nié connaitre et qui en fin de compte est détenue par les deux accusés bien avant l'opération d'acquisition de l'avion. Ce qui semble traduire un conflit d'intérêt, d'autant que la société en question opère dans le secteur de l'aviation. Mais on reste dans le cadre d'une procédure normale. L'accusation accuse et on s'attend à ce que lors de la prochaine audience la défense s'attèle à détruire tous ces arguments.


“Des détails inédits”: Nicodème Foka, journaliste

Le réquisitoire m'a paru sérieux, les avocats de l'accusation ont épluché savamment l'affaire. Des détails inédits ont été révélés au tribunal. Mais je déplore un peu l'impolitesse de ces avocats à l'égard des accusés. Ils se montrent par moment inutilement insultants, pourtant ces hommes qu'on juge ne sont pas encore coupables. Ils ont de surcroit occupé des fonctions dans ce pays et méritent un peu de respect. Un avocat a pointé du doigt le rôle de la presse. Il parle de plaidoiries dans la presse, ce n'est pas le procès de la presse, qui n'a fait que son travail.


30/08/2012
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