Port en eau profonde de Kribi : Le neveu de Paul Biya et Mme Evou Mekou torpillent le projet
Trop imbu de sa filiation avec la famille présidentielle, Evrard Maxime Eyinga Meba freine l’achèvement du schéma directeur de ce grand ouvrage cher au président de la République. Dieudonné Evou Mekou, l’autre neveu du chef de l’État, via son épouse, dans le coup.
La famille nucléaire du chef de l’État, c’est-à-dire, son épouse et ses enfants, vivent sans histoire. La première dame, Ambassadrice de bonne volonté de l’Unesco, excelle dans l’humanitaire, à travers ses multiples associations caritatives. La progéniture du président quant à elle, s’intéresse aux études sans traîner de casseroles. Comme pour dire que le couple présidentiel est un exemple de bonne conduite susceptible d’être érigé en règle. Par contre, ils sont nombreux ces neveux et belles-filles de Paul Biya qui abusent du nom du président, pervertis qu’ils sont par les mesquineries du pouvoir. C’est apparemment le cas d’Evrard Maxime Eyinga Meba qui défraie la chronique dans les salons huppés. À ce qui se raconte, ce neveu de Paul Biya est accusé de tirer les ficelles de l’affaire qui oppose aujourd’hui l’établissement bancaire Ecobank, à la Société africaine de sécurité maritime (Secumar Oropex Cameroun S.A). L’entreprise ayant obtenu le marché n°000549/M/Minmap/Ccpm-Ai/ 2013, pour l’étude technique en vue de l’élaboration du schéma directeur de sûreté maritime du complexe industrialo-portuaire de Kribi (Cipk), mais dont le contrat menace d’être résilié.
Tout serait parti, le 9 juillet, par la mise en demeure servie à Secumar Oropex Cameroun, à l’effet de produire un rapport final de l’étude technique de cet important ouvrage situé dans la région du Sud. Seulement, ne s’étant pas exécuté, le comité de pilotage sera dans l’obligation d’engager, le 22 juillet, le processus de résiliation du marché de 140 millions de francs. Pour les responsables du projet, cette entreprise camerounaise exerçant dans la sûreté maritime n’a pas réalisé tant en interne qu’à l’externe, le volet «renforcement des capacités de la maîtrise d’ouvrage et de l’administration». Une situation qui a pour conséquence de bloquer l’achèvement de l’étude et compromet ainsi la production du rapport final, document urgemment attendu pour la certification du Port en eau profonde aux normes du Code ISPS (Code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires), indispensable pour sa mise en exploitation.
En revanche, selon une source proche du dossier, les dirigeants de Secumar Oropex Cameroun S.A, dans leur défense, estiment être victimes d’un acte de banditisme et de sabotage de la part d’Ecobank qui a décidé, en toute illégalité, de bloquer les fonds virés par l’État dans les comptes de leur entreprise. Pour eux, faute de moyens adéquats, il leur a été impossible de tenir le séminaire de formation locale pour le renforcement des capacités de l’administration, prévu du 6 au 11 juillet 2015 à Douala. Et par conséquent, le rapport final de l’étude ne pouvait être disponible à cette période.
Ecobank. En réalité, renseigne-t-on, la mise sous restriction des comptes de cette société, pourtant approvisionnés par l’État, serait le fait des manœuvres d’un ancien responsable tapis dans l’ombre, au sein d’Ecobank, mis à la remorque pour plomber le schéma directeur du Port en eau profonde de Kribi. À Ecobank où votre bi-hebdo a investigué, l’on prétend avoir agi pour préserver les droits de la société. Sauf que certaines indiscrétions voient la main de Dieudonné Evou Mekou, à travers son épouse qui y occupait un poste influent, derrière cette curieuse décision qui empêche le projet du port de Kribi d’évoluer. Vrai ou faux ? À voir. Toujours est-il qu’il n’est pas exclu, au nom de la filiation avec la famille présidentielle, que Mme Evou Mekou désormais coutumière des postes stratégiques dans divers sociétés étatiques, par la bénédiction de son époux, ait décidé à cette période de rouler pour le cousin de son mari. Hier, alors que nous allions sous presse, toutes nos tentatives de joindre les différents protagonistes, sont restées sans suite.
Toutefois, pour une version complète de l’affaire, on apprend que le neveu du chef de l’État fut président du Conseil d’administration (Pca) de cette société, jusqu’en janvier 2013. Et c’est parce que, précisent nos informateurs, il a été reconnu coupable de plusieurs détournements, le conseil d’administration a pris la résolution de le démettre de ses fonctions, dans le strict respect en la forme authentique, conformément aux articles 453 et 454 de l’acte uniforme de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada), relatif aux droits de sociétés commerciales en Afrique et Gie (groupement d’intérêt économique).
En effet, lors du conseil d’administration extraordinaire interne de la société Secumar Oropex Cameroun S.A du 29 janvier 2013, il a été établi qu’Evrard Maxime Eyinga Meba n’avait jamais reversé les frais – soit environ 30 millions de Cfa- de formation des agents de sûreté maritime. Ce qui fait que, dans ses résolutions, le Conseil d’administration ne pouvant plus tolérer les frasques à répétition de ce personnage curieux pour le moins, avait décidé en urgence d’«écrire aux établissements bancaires concernés de bloquer d’abord tout retrait d’argent au nom d’Evrard Maxime Eyinga.» De même, il a été décidé de «convoquer un nouveau conseil d’administration légal devant notaire pour changement de président». Enfin, «nous arrêtons toutes transactions en matière d’argent avec Monsieur Evrard Eyinga tant qu’il ne remboursera pas l’argent sorti des comptes de la société et celui qui a été pris aux enfants pour les former à Yaoundé, mais qui ont été formés plutôt par l’équipe de Douala», ont martelé les actionnaires possédant plus de la moitié du capital de la société Secumar Oropex Cameroun S.A.
Sécurité militaire à la manœuvre
Quoi que dans l’impossibilité d’effectuer des retraits, l’ex-Pca ne s’avoue pas vaincu. L’activiste entreprend autrement de couper l’herbe aux pieds des actionnaires de la société Secumar en prenant en otage la justice. Dans un premier temps, sur fond de menaces, il déclare à qui veut l’entendre qu’aucun paiement concernant l’étude du schéma directeur du Port en eau profonde de Kribi n’aura lieu, car, dira-t-il, le Raft qui doit ordonner le paiement des prestataires de service de Secumar Oropex Cameroun S.A n’est autre que son frère et jusqu’à preuve de contraire, c’est lui Evrard Eyinga, en sa qualité d’un neveu du prince, qui fait la loi au Cameroun. Dans sa fougue vengeresse, il actionne une autre «bombe» en mettant à contribution les services de la sécurité militaire (Semil), antenne de Douala. L’alibi est tout trouvé : les dirigeants de la société Secumar portaient des armes pour préparer un coup d’État.
Un beau matin du 5 mai 2015, suite à une plainte de ce neveu du chef de l’État contre le directeur général François Bindzi Essomba, il lui est signifié sa garde à vue préventive unilatéralement sur la base des déclarations du plaignant, sans qu’aucun droit de réponse ne lui soit permis. Ce dernier ne comprend rien à rien. Seulement, c’est après confrontation entre le plaignant Evrard Maxime Eyinga, Honoré Nkot et de François Bindzi Essomba, directeur général, et les agents de la Semil, qu’il sera demandé aux sieurs Bindzi et Nkot Honoré de signer un document donnant pouvoir de Président directeur général (Pdg) à Evrard Maxime Eyinga, document qui conditionnerait leur libération de la garde-à-vue dont ils font l’objet. La suite est plus étonnante. C’est ainsi qu’au terme du conseil d’administration tenu le 8 mai 2015, à la Semil de Douala ( ?), avec des actionnaires subissant des menaces et autres pressions morales, entre autres décisions seront prises, à savoir que « le poste de Pca en remplacement de Nkot à Nzonk Honoré et de Dg reviennent à Monsieur Eyinga Evrard Maxime qui devient Pdg ; de la co-signature du Pca et du Dgd dans toutes institutions bancaires où sont domiciliés les comptes de la société».
Mais l’affaire ne marche pas. Les deux responsables de la société Secumar ont fait une requête de dénonciation remettant en cause les décisions du conseil d’administration du 8 mai, au motif pris de ce qu’ils ont été obligés par force à signer des documents qui donnent certains droits illégaux à M. Eyinga. Et le 12 mai suivant, un acte portant opposition à paiement auquel est adossée une requête adressée au Commissaire du gouvernement près le Tribunal militaire de Douala est venu stopper le passage en force de l’ex Pca de Secumar, devenu simple actionnaire, vu qu’il n’a jamais libéré un moindre centime pour être actionnaire des actions qui lui ont été octroyées.