Politique: Quand l'élite politique du Grand-Nord juge Maurice Kamto
YAOUNDÉ - 27 Aout 2012
© GUIBAI GATAMA | L'Oeil du Sahel
L'intrusion de Maurice kamto sur la scène politique ne laisse pas indifférents les hommes politiques du Grand-Nord.
Depuis la conférence de presse avortée du 13 août 2012 à Yaoundé, laquelle devait l'introniser à la tête d'une coalition des partis politiques emmenée par le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), l'ancien ministre délégué Maurice Kamto a fait une belle intrusion dans le champ politique. Il a même été présenté par des médias trop précipitamment disent les mauvaises langues comme l'alternative idéale à l'actuel Président, Paul Biya. Si l'axe Nord-Sud n'a plus le tonus que semblait lui concéder un temps des analystes politiques, il n'en reste pas moins que tout nouveau venu dans le petit cercle de «successeurs probables de Paul Biya» est scruté à la loupe par l'élite politique des régions septentrionales. La succession est-elle encore un jeu de ping-pong entre le Nord et le Sud. A l'évidence, beaucoup y croient toujours.
«Bien-sûr que nous suivons avec un grand intérêt les premiers pas de Maurice Kamto», reconnaît ce ministre Rdpc originaire de l'Extrême-Nord. Peut-il être une alternative crédible à l'actuel chef de l'Etat? «En raison des états de service aussi bien dans l'espace institutionnel que scientifique, et parce que bénéficiant d'une certaine virginité politique, il peut être aux yeux de certains cet oiseaux rare dans un marigot politique fortement verrouillé par le bloc gouvernant. Maurice Kamto peut rallier des fractions sociales dont le déclassement institutionnel ainsi que l'accumulation des frustrations à l'âge du Renouveau», explique Alawadi Zelao, enseignant à l'université de Yaoundé I et spécialiste des questions politiques portant sur le Nord-Cameroun. De nombreux leaders politiques originaires des régions septentrionales, eux, affichent un scepticisme suspect. «Ce n'est pas une question de tribalisme mais de realpolitik. Il lui manque une base politique solide. Pour gagner une élection présidentielle, il faut avoir un sérieux ancrage dans le Grand Nord dont le poids démographique est un atout considérable, en situation démocratique. Or, et quel que soit ce que l'on puisse en dire, la grande majorité des électeurs du Nord-Cameroun reste imperméable à ceux qui ne sont pas originaires. de cette partie du pays», explique un député de l'Union nationale pour la démocratie et le progrès (Undp).
De fait, depuis l'ouverture démocratique en 1992, pas un seul élu à l'Assemblée nationale, encore moins à la tête d'une municipalité, n'est sorti des rangs d'une formation politique autre que le parti au pouvoir (Rdpc) ou les formations politiques dirigées par les ressortissants de cette partie du pays (Undp, MDR). Mieux, pas un seul candidat de l'opposition non originaire de cette partie du pays n'y a glané, à une élection présidentielle, plus de 5% des suffrages... Or avec le tiers de la population et de l'électorat -si l'on se réfère au dernier recensement de la population et aux inscriptions sur les listes électorales de la Présidentielle d'octobre 2011, il est donc difficile de faire son chemin politique sans une véritable implantation dans cette partie du pays. «Il faut avoir de solides relais locaux et ce n'est pas la chose la plus aisée. Cela s'apparente pour le non originaire du Grand-Nord, quoique puissent en dire les défenseurs de l'unité nationale, à un véritable chemin de croix. L'électeur nordiste est très enclin à se mobiliser pour un candidat nordiste, au-delà du contenu de tout programme politique, que pour tout autre candidat», explique Saïdou Maïdadi qui siège aujourd'hui au comité central de l'Undp.
Ancien haut cadre du Social democratic front (SDF) en charge des régions septentrionales, Saïdou Maidadi sait de quoi il parle. Malgré sa grande débauche d'énergie entre 1991 et 2002, il n'y a réussi que très faiblement à distiller le projet politique de Ni John Fru Ndi dans les cœurs. Il n'a non plus connu beaucoup de bonheur avec l'Alliance des forces progressistes (Afp), version Bernard Muna. Ce double échec l'a contraint à revenir à la «maison», du moins dans l'une des cases de la «concession politique du Grand-Nord», pour espérer enfin, à titre personnel, obtenir un mandat électif.
Pour de nombreux analystes politiques du Grand Nord, il y a très peu de chance que Maurice Kamto ne connaisse pas le même sort que Fru Ndi, Ndam Njoya et autres leaders politiques originaires du Grand Sud. En somme, une véritable reconnaissance médiatique dans le Grand Sud totalement anéantie par une absence de visibilité dans les régions septentrionales du pays. «Lors de l'élection présidentielle d'octobre 2011, le candidat-Président Paul Biya y a obtenu 1.610.997 voix sur 3.772.527 glanées sur l'ensemble du territoire, soit une contribution de 42,7% à sa victoire. La clé de l'élection se trouve dans le Grand Nord et c'est ici qu'il faut batailler dur, très dur», précise pour sa part Adamou Siddiki, homme d'affaires et conseiller municipal Rdpc à la commune rurale de Maroua III.
Fort de cette inviolabilité de leur espace politique, tout semble donc toujours en placé pour que la quiétude de l'élite politique du Grand-Nord; ne soit pas troublée. D'autant plus que l'ancien ministre délégué surgit au-devant de la scène alors même que dans son immense majorité, elle pense avoir, été remise dans le jeu politique grâce, et curieusement, à «l'affaire Marafa». Leur pronostic est simple comme l'explique cet ancien ministre, vieux briscard de la vie politique nationale. «Il est indéniable que Marafa a pris de l'envergure depuis son arrestation. A la différence d'un Maurice Kamto, il dispose désormais d'un capital de sympathie non négligeable dans l'opinion, mais je reste convaincu que le Président fera tout pour qu'il ne soit pas dans les dispositions de lui succéder. Après cela, s’il désigne un autre candidat qui n'est pas originaire du Grand Nord, cela sera vu comme Une immense injustice, lequel candidat aura du mal à passer compte tenu du poids électoral de cette partie du pays. Je pense qu'il mettra en orbite, pour sa succession, un nordiste. Il coupera ainsi l'herbe sous les pieds de Marafa», convient-il. «Pourquoi donc s'enticher de Maurice Kamto alors que le bout du tunnel n'est pas bien loin, alors même que le match de ping-pong de la succession est en passe de se réaliser ?», s'interroge-t-il. Va pour la démocratie au Cameroun.
© GUIBAI GATAMA | L'Oeil du Sahel
L'intrusion de Maurice kamto sur la scène politique ne laisse pas indifférents les hommes politiques du Grand-Nord.
Depuis la conférence de presse avortée du 13 août 2012 à Yaoundé, laquelle devait l'introniser à la tête d'une coalition des partis politiques emmenée par le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), l'ancien ministre délégué Maurice Kamto a fait une belle intrusion dans le champ politique. Il a même été présenté par des médias trop précipitamment disent les mauvaises langues comme l'alternative idéale à l'actuel Président, Paul Biya. Si l'axe Nord-Sud n'a plus le tonus que semblait lui concéder un temps des analystes politiques, il n'en reste pas moins que tout nouveau venu dans le petit cercle de «successeurs probables de Paul Biya» est scruté à la loupe par l'élite politique des régions septentrionales. La succession est-elle encore un jeu de ping-pong entre le Nord et le Sud. A l'évidence, beaucoup y croient toujours.
«Bien-sûr que nous suivons avec un grand intérêt les premiers pas de Maurice Kamto», reconnaît ce ministre Rdpc originaire de l'Extrême-Nord. Peut-il être une alternative crédible à l'actuel chef de l'Etat? «En raison des états de service aussi bien dans l'espace institutionnel que scientifique, et parce que bénéficiant d'une certaine virginité politique, il peut être aux yeux de certains cet oiseaux rare dans un marigot politique fortement verrouillé par le bloc gouvernant. Maurice Kamto peut rallier des fractions sociales dont le déclassement institutionnel ainsi que l'accumulation des frustrations à l'âge du Renouveau», explique Alawadi Zelao, enseignant à l'université de Yaoundé I et spécialiste des questions politiques portant sur le Nord-Cameroun. De nombreux leaders politiques originaires des régions septentrionales, eux, affichent un scepticisme suspect. «Ce n'est pas une question de tribalisme mais de realpolitik. Il lui manque une base politique solide. Pour gagner une élection présidentielle, il faut avoir un sérieux ancrage dans le Grand Nord dont le poids démographique est un atout considérable, en situation démocratique. Or, et quel que soit ce que l'on puisse en dire, la grande majorité des électeurs du Nord-Cameroun reste imperméable à ceux qui ne sont pas originaires. de cette partie du pays», explique un député de l'Union nationale pour la démocratie et le progrès (Undp).
De fait, depuis l'ouverture démocratique en 1992, pas un seul élu à l'Assemblée nationale, encore moins à la tête d'une municipalité, n'est sorti des rangs d'une formation politique autre que le parti au pouvoir (Rdpc) ou les formations politiques dirigées par les ressortissants de cette partie du pays (Undp, MDR). Mieux, pas un seul candidat de l'opposition non originaire de cette partie du pays n'y a glané, à une élection présidentielle, plus de 5% des suffrages... Or avec le tiers de la population et de l'électorat -si l'on se réfère au dernier recensement de la population et aux inscriptions sur les listes électorales de la Présidentielle d'octobre 2011, il est donc difficile de faire son chemin politique sans une véritable implantation dans cette partie du pays. «Il faut avoir de solides relais locaux et ce n'est pas la chose la plus aisée. Cela s'apparente pour le non originaire du Grand-Nord, quoique puissent en dire les défenseurs de l'unité nationale, à un véritable chemin de croix. L'électeur nordiste est très enclin à se mobiliser pour un candidat nordiste, au-delà du contenu de tout programme politique, que pour tout autre candidat», explique Saïdou Maïdadi qui siège aujourd'hui au comité central de l'Undp.
Ancien haut cadre du Social democratic front (SDF) en charge des régions septentrionales, Saïdou Maidadi sait de quoi il parle. Malgré sa grande débauche d'énergie entre 1991 et 2002, il n'y a réussi que très faiblement à distiller le projet politique de Ni John Fru Ndi dans les cœurs. Il n'a non plus connu beaucoup de bonheur avec l'Alliance des forces progressistes (Afp), version Bernard Muna. Ce double échec l'a contraint à revenir à la «maison», du moins dans l'une des cases de la «concession politique du Grand-Nord», pour espérer enfin, à titre personnel, obtenir un mandat électif.
Pour de nombreux analystes politiques du Grand Nord, il y a très peu de chance que Maurice Kamto ne connaisse pas le même sort que Fru Ndi, Ndam Njoya et autres leaders politiques originaires du Grand Sud. En somme, une véritable reconnaissance médiatique dans le Grand Sud totalement anéantie par une absence de visibilité dans les régions septentrionales du pays. «Lors de l'élection présidentielle d'octobre 2011, le candidat-Président Paul Biya y a obtenu 1.610.997 voix sur 3.772.527 glanées sur l'ensemble du territoire, soit une contribution de 42,7% à sa victoire. La clé de l'élection se trouve dans le Grand Nord et c'est ici qu'il faut batailler dur, très dur», précise pour sa part Adamou Siddiki, homme d'affaires et conseiller municipal Rdpc à la commune rurale de Maroua III.
Fort de cette inviolabilité de leur espace politique, tout semble donc toujours en placé pour que la quiétude de l'élite politique du Grand-Nord; ne soit pas troublée. D'autant plus que l'ancien ministre délégué surgit au-devant de la scène alors même que dans son immense majorité, elle pense avoir, été remise dans le jeu politique grâce, et curieusement, à «l'affaire Marafa». Leur pronostic est simple comme l'explique cet ancien ministre, vieux briscard de la vie politique nationale. «Il est indéniable que Marafa a pris de l'envergure depuis son arrestation. A la différence d'un Maurice Kamto, il dispose désormais d'un capital de sympathie non négligeable dans l'opinion, mais je reste convaincu que le Président fera tout pour qu'il ne soit pas dans les dispositions de lui succéder. Après cela, s’il désigne un autre candidat qui n'est pas originaire du Grand Nord, cela sera vu comme Une immense injustice, lequel candidat aura du mal à passer compte tenu du poids électoral de cette partie du pays. Je pense qu'il mettra en orbite, pour sa succession, un nordiste. Il coupera ainsi l'herbe sous les pieds de Marafa», convient-il. «Pourquoi donc s'enticher de Maurice Kamto alors que le bout du tunnel n'est pas bien loin, alors même que le match de ping-pong de la succession est en passe de se réaliser ?», s'interroge-t-il. Va pour la démocratie au Cameroun.