Politique: Comment Nkuété gâte le Rdpc
YAOUNDÉ - 03 Septembre 2012
© RAOUL GUIVANDA | L'Oeil du Sahel
© RAOUL GUIVANDA | L'Oeil du Sahel
Entre le secrétaire général du parti au pouvoir et les employés, c'est le désamour profond.
Jamais les couloirs du secrétariat
général du comité central du Rdpc, situé au palais des Congrès à
Yaoundé, n'ont laissé transparaître autant de signes de colère des
employés. Le 30 août 2012, ce courroux a atteint son paroxysme, amenant
les employés à décider de se constituer en comité pour aller à la
rencontre du maître de céans, Jean Nkueté. Selon des sources crédibles,
les employés ne mâchaient pas leurs mots, les plus anciens s'étonnant de
ce que pour la première fois dans l'histoire du parti au pouvoir ou
proche du pouvoir selon certains, les employés soient traités avec
autant de légèreté qui frise le mépris. Pour eux, le dossier des
avancements et les rappels qui en découlent, ne devrait plus poser
problème, ce d'autant qu'il avait déjà été bien conduit par l'ancien
patron des lieux René Sadi, qui avait en son temps mis sur pied une
commission dirigée par le secrétaire à l'Organisation du Rdpc Ibrahim
Talba Malla, actuel directeur général de la Caisse de stabilisation des
prix des hydrocarbures (Csph). Le Pr. Dieudonné Oyono, conseiller auprès
du secrétariat général du Rdpc et recteur de l'université de Douala et
Jonathan Fru, chargé du personnel du Rdpc et inspecteur au ministère des
Marchés publics, étaient également membres de cette commission.
Le travail de cette commission a permis de déterminer les différents droits de chaque employé et abouti au montage des états financiers. Si sous René Sadi, le dossier avait été presque bouclé, il n'en reste pas moins que la question des ressources financières pour apurer cette dette se posait déjà. Et pour cause: après près de vingt ans sans avoir pensé à la carrière de ses employés, l'administration du parti au pouvoir doit faire face à une facture salée. A la faveur du changement de décembre 2011, René Sadi s'en va et laisse la patate chaude à Nkuété qui, dans un premier temps, ne marque aucune objection à ce que ce problème soit résolu. L'avis du trésorier général, Gilbert Tsimi Evouna, est même requis pour s'assurer de la soutenabilité d'une dépense qu'on évalue à plusieurs dizaines de millions FCFA. Le trésorier émet un avis favorable. Et puis, volte-face. Nkuété ne veut plus marquer son accord en l'état. Il demande à ses services de diviser les montants par trois. Les services financiers s'exécutent et le personnel encaisse le coup. Un nouvel état est donc soumis à Nkuété, conforme à ses instructions. Mais le secrétaire général traîne les pieds. On ne sait trop pourquoi. La tension monte donc, nourrie d'autres éléments catalyseurs qui fâchent les esprits au Rdpc. Entre autres, les bruits de licenciement alors qu'au même moment, soutient-on au Rdpc, le secrétaire général recrute ses «cousins du village», quand il ne remet pas tout simplement en selle quelques «frères» qui rasaient, il n'y a pas longtemps, les murs. Il y a également l'histoire de cette facture exorbitante pour la production des textes de base rénovés du parti. Cent millions de FCFA que Nkuété va payer sans sourciller à une dame que les mauvaises langues présentent comme sa maîtresse, alors que depuis la création du Rdpc en 1985, la production des textes de base n'a jamais dépassé la barre des vingt millions, pour des quantités beaucoup plus importantes que les 100 000 exemplaires que livre au compte-gouttes la brave dame qui a raflé le marché. A côté de cela, l'on pointe un doigt accusateur sur le rôle nocif que jouent les employés et responsables de la maison, originaires de la même région que Nkuété qui, progressivement, le prennent en otage et le poussent à des dérapages de plus en plus spectaculaires. «Nkuété ne veut pas tirer les leçons de ce qui est arrivé à Sadi, qui s'est laissé embrigader par ses frères du village. Et ces mêmes frères ont contribué grandement à sa perte en menaçant, en rackettant, en snobant le personnel ou en le présentant comme dieu, sous-entendu le successeur. Inciter à la révolte les gens qui travaillent au secrétariat du parti depuis des décennies, menacer de les licencier sans fondements me parait irresponsable. De toutes les façons, Paul Biya ne laissera jamais le désordre s'installer dans l'administration du Rdpc», déclare un employé du secrétariat général du comité central du Rdpc. Saupoudrage Pour désamorcer la bombe, le secrétaire général a accepté, à contrecœur, de faire payer, le 31 août 2012, le tiers des avancements. Mais le mal était fait. Pis, pour les employés, refuser de s'en tenir à une tradition de la maison sur l'octroi des crédits scolaires à la veille de la rentrée scolaire, se dédire sur un dossier qui touche à la carrière des personnels, menacer de licencier quelques-uns d'entre eux pour faire de la place aux frères du village a durablement entamé la sérénité dans la maison. «Le secrétaire général a dit que le parti n'est pas une banque pour accorder des crédits scolaires. C'est une tradition qui date d'une dizaine d'années. Les dossiers avaient été introduits des mois à l'avance et personne ne nous a dit qu'il n'en serait plus ainsi quand il était encore temps. A moins une semaine de la rentrée, Nkuété vient dire que le parti n'est pas une banque. Lui, il connaît ce que c'est que le parti. C'est le prototype d'un fonctionnaire de la vieille école, il n'est pas un politique», fulmine un employé. Au-delà, force est de constater que le parti au pouvoir a mal à sa gouvernance. Nombre d'employés inconnus, salaire à la tête du client, absence de bulletin de paie..... «C'est Sadi qui nous a affilié à la Cnps. Avant, l'administration du parti prélevait pourtant des retenues Cnps sur nos salaires mais sans rien verser. Nous sommes ainsi amputés de plusieurs années de cotisation. Il y a aussi de grands paradoxes. Une secrétaire touche plus qu'un cadre, chaque mois, on doit faire une note au secrétaire général pour que les salaires soient payés. Ce n'est pas automatique qu'à la fin du mois, votre salaire tombe. Pas de note, pas de salaire. Vous pouvez comprendre qu'au moindre incident, au moindre déplacement du Sg, nous sommes anxieux», regrette un autre employé. Les malheurs de Nkueté ne sont pas pour déplaire à quelques caciques du système. Aussitôt informé du mouvement d'humeur au secrétariat général du comité central, le 30 août 2012, Jacques Fame Ndongo, ministre de l'Enseignement supérieur et non moins secrétaire national à la Communication du Rdpc, est arrivé en catastrophe sur les lieux. La «créature» de Paul Biya a calmé les esprits, alerté, son patron Jean Nkuété, et veillé à ce qu'il n'y ait pas de grabuge. Le même jour, et de sources concordantes, de Genève où il se trouvait au moment des faits, le président national du Rdpc, Paul Biya, a été tenu informé de l'incident. |
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